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Éclairage: des banques résilientes… en attendant le verdict de Moody’s
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Éclairage: des banques résilientes… en attendant le verdict de Moody’s
Alors que Moody’s avait évité de justesse en juillet une nouvelle dégradation de la notation de trois banques commerciales, nommément la MCB, la SBM et Absa Bank, doit-on comprendre qu’elles en ont tiré la leçon et se sont engagées à améliorer leurs fondamentaux financiers ? En tout cas, la Banque de Maurice (BoM) semble se réjouir de la stabilité financière des banques commerciales, à la lumière du dernier Financial Stability Report de juin 2022, rendu public la semaine dernière.
Concrètement, la BoM Tower note que la résilience du secteur bancaire face aux éventuels chocs macroéconomiques, évaluée sur la base des scénarios plausibles, est liée principalement à la solidité du capital et à sa liquidité. En revanche, les scénarios les plus pessimistes portent essentiellement sur ces portefeuilles de crédit, les taux d’intérêt, les taux de change ainsi que les liquidités, qui ont été calibrés pour refléter l’évolution de la pandémie de Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne.
Cela est venu démontrer des signes de vulnérabilité au niveau de quelques banques dans des domaines très spécifiques. Et précipiter l’intervention de la BoM pour pallier ces faiblesses. Résultat : deux banques prévoient d’augmenter leur capital au courant de 2022 pour répondre à leur appétit du risque et renforcer leur résilience aux chocs. Mais plus généralement, alors que la reprise économique s’accélère, le secteur bancaire continue de consolider ses coussins financiers, amortissant les risques pesant sur sa stabilité financière tout en adoptant une approche prudente.
C’est le cas du groupe MCB, dont le CEO, Pierre Guy Noël, note que l’institution bancaire a préservé sa solidité financière face au contexte opérationnel difficile. Commentant le dernier bilan financier du groupe, il note qu’avec un ratio brut de prêts non-performants légèrement en hausse à 3,7 %, le groupe a maintenu des positions de financement et de liquidité saines tout en renforçant encore son coussin de fonds propres, les ratios BRI et Tiers 1 s’améliorant à 18,1 % et 16,8 % respectivement. «L’environnement opérationnel reste très incertain, le risque d’une récession mondiale ayant augmenté dans un contexte de hausses simultanées et agressives des taux d’intérêt dans le monde entier en réponse aux pressions inflationnistes accrues résultant de la guerre en Ukraine. Dans ce contexte, les perspectives économiques des pays où nous opérons restent soumis à des risques notables à la baisse, bien que la dynamique positive observée grâce à la reprise du tourisme soit encourageante.»
SBM Holdings, l’autre grosse pointure bancaire, qui a été au centre de certaines controverses, largement médiatisées récemment, a préservé des ratios financiers sains afin de soutenir sa résilience et la mise en place d’initiatives de croissance future. Notamment avec des capitaux propres s’élevant à Rs 32,6 milliards au 30 juin 2022, contribuant ainsi à un ratio de solvabilité de 19,3 %, ce qui est supérieur aux exigences réglementaires.
Pour le moment, la BoM s’appuie sur le rapport de stabilité financière pour soutenir que les banques continuent de détenir de solides coussins de fonds propres.
Le ratio d’adéquation des fonds propres (CAR) du secteur bancaire a oscillé à un niveau confortable de 19,6 % fin décembre 2021. Les fonds propres réglementaires des banques ont, eux, augmenté de 3,3 %, ce qui a été contrebalancé par une hausse équivalente des actifs pondérés en fonction des risques (RWA) de fin septembre à fin décembre 2021. Cette hausse des RWA a signalé un appétit pour le risque plus élevé des banques avec l’amélioration de l’environnement des affaires et de la confiance.
Volatilité
Partant du postulat que la crise pandémique relève d’un événement qui ne se produit qu’une fois sur plusieurs générations, Rajnish Aubeeluck, Head of Client Coverage – Corporate Commercial and Institutional Banking chez Standard Chartered, soutient toutefois qu’elle a mis les banques sous de graves tensions financières à l’échelle mondiale. Cependant, le secteur bancaire mauricien reste, selon lui, bien capitalisé et liquide et a su résister aux chocs externes. «Cela est principalement dû à une approche conservatrice de la gestion des risques ainsi qu’à un modèle d’entreprise bien diversifié, non concentré sur une seule zone géographique.»
L’optimisme de la BoM Tower sur la solidité financière des banques, couplé à celui d’opérateurs du secteur, sera sans doute confronté l’année prochaine à une nouvelle évaluation de Moody’s. D’autant plus que de nouvelles menaces se profilent à l’horizon avec les risques d’une tempête économique mondiale au début de 2023 dans le sillage des effets prolongés de la guerre en Ukraine. «La volatilité semble être la norme de nos jours et la pensée mondiale nous dit que la probabilité que les économies mondiales entrent en récession augmente de jour en jour. Les deux prochaines années s’avéreront difficiles, mais l’expérience des trois dernières années nous y a préparés. Le coeur du secteur bancaire est le capital et la liquidité et Maurice en tant que juridiction se porte bien, avec le ratio d’adéquation des fonds propres de l’industrie bien au-dessus des seuils réglementaires. De plus, la récente évaluation du secteur bancaire mauricien par Moody’s Investor Services réaffirme la solidité des banques systémiques nationales et a relevé les perspectives des deux plus grandes banques du pays de négatives à stables», analyse Rajnish Aubeeluck.
Pour autant, la prudence est de mise car il existe une corrélation entre la notation des banques et celle du pays. Certes, personne ne souhaite que Maurice devienne la Grèce et subisse une crise de la dette publique telle qu’elle l’a connue en 2008 dans le sillage de la crise financière. Cela, pour deux raisons : elle fait craindre aux investisseurs la capacité du pays à rembourser sa dette publique et le poids du service de la dette.
Or, après la dégradation de la note souveraine par Moody’s de Baa2 à Baa3, l’agence de notation américaine souhaite qu’il y ait un sursaut des autorités avec une volonté de contenir la dette pour éviter un déclassement du pays et perdre son Investment Grade. Ce qui serait hautement préjudiciable au secteur financier bancaire et non bancaire.
Et quid de la Mauritius Investment Corporation, un Special PurposeVehicle entièrement détenu par la BoM et financé à hauteur de 2 milliards de dollars de réserves internationales, qui, selon le dernier rapport de Moody’s, a permis de soutenir la stabilité financière en fournissant des fonds aux entreprises d’importance systémique ? «Elle a ainsi protégé les banques locales d’une forte poussée de détérioration de la qualité des actifs, ce qui est positif pour le système bancaire. Mais en ce faisant, elle expose à son tour le bilan de la Banque centrale à un risque de crédit accru», indiquait Moody’s dans son rapport.
Certes, il n’y a pas péril en la demeure. La solidité financière des banques commerciales conforte le gouverneur de la BoM, Harvesh Seegolam… en attendant la prochaine notation de Moody’s.
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