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Sunak n’est pas (encore) l’Obama britannique
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Sunak n’est pas (encore) l’Obama britannique
En 2008, quand Barack Obama accède à la Maison-Blanche, c’est par la grande porte de l’Histoire. Les descendants des Africains, éparpillés sur la mappemonde dans le sillage de l’esclavage et du colonialisme, quasiment tous les sang-mêlé de la planète et les vrais démocrates, ressentent une fierté légitime, comme si Obama était un des nôtres. Le changement de paradigme est palpable, visible.
Les souvenirs nous sont encore frais. Dans les écoles primaires de la capitale, des petits poussaient la chansonnette : «Rosa sat so Martin could walk. Martin walked so Barack could run. Barack ran so our children could fly…» Aux abords des métros, les marchands de journaux vendaient des numéros-souvenirs du Washington Post avec une photo de la famille Obama en chantant : «A new day.»
Dans l’air flottait cet irrésistible parfum de changement, à faire pâlir les cerisiers japonais qui ornent le Potomac. Les Américains semblaient – en apparence seulement, puisque le Tea Party allait vite surgir – être, enfin, devenus un peuple qui voulait ouvrir un nouveau chapitre, afin de tourner la page sur la sombre période de l’après-11 septembre 2001. Un poète résumait : «We are a great country, not exclusive, but inclusive.»
Cela prend longtemps, dans la vie d’un pays – qui se mesure en siècles – pour que son peuple puisse prendre ainsi de la hauteur et s’élever au-dessus des poids sociologiques qui clouent encore trop de pays au ras des pâquerettes démagogiques ou dynastiques.
Quatorze ans plus tard, c’est le partenaire transatlantique par excellence des États-Unis, par ailleurs son ancienne puissance coloniale, la Grande-Bretagne, qui salue l’arrivée de son premier Premier ministre d’origine indienne. Les circonstances ne sont pas les mêmes. La rue n’a pas plébiscité Rishi Sunak, et en a même un peu marre de voir un troisième PM en trois mois. Le cirque du parti conservateur relève davantage de la tragi-comédie, au cœur d’une Europe en proie aux assauts de l’extrême droite, de la Suède à l’Italie.
Il s’agit clairement d’un retour de manivelle de l’histoire, après les ravages et pillages britanniques lors de la colonisation indienne.
Et une seule hirondelle ne fait pas le printemps ! Certes, Rishi Sunak fait la fierté de la diaspora indienne, mais comme Obama, il risque de se focaliser uniquement sur les intérêts britanniques, car il doit rassembler au-delà de ceux qui le soutiennent. C’est le poids historique et insoupçonné qui pèse sur les pionniers.
À la fin du deuxième mandat d’Obama, les Africains n’avaient pas caché leur déception que le premier président des States d’origine africaine s’était montré, vis-à-vis de l’Afrique et des Africains, moins généreux que Bush (Jr) ou Clinton. Sunak, qui doit raccommoder un parti divisé, doit avant tout rassurer les Britanniques de sa capacité à les unir afin de faire repartir l’économie avant de penser aux symboles culturels véhiculés par la diaspora. Certes, il s’agit clairement d’un retour de manivelle de l’histoire, après les ravages et pillages britanniques lors de la colonisation indienne. Un Sunak se retrouve à la tête de l’empire britannique qui vient de perdre la reine Elizabeth. Sunak, qui a rencontré le roi Charles III hier, voit son destin scellé avec celui du nouveau souverain, du moins jusqu’aux prochaines élections, annoncées pour janvier 2025. Comme Obama, néanmoins, Sunak a bousculé – dans le bon sens – l’Histoire contemporaine sur un plan symbolique. Quant au bilan économique qu’il laissera, il est encore tôt. Et les brumes londoniennes ne sont pas près de se dissiper.
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