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Surface de réparation

7 novembre 2022, 09:35

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Le choc de l’arrestation passé, il convient pour l’opinion de suivre de près l’arrestation de Bruneau Laurette. Pas comme un feuilleton, mais comme un cas d’école. 

À ce stade de l’enquête par une nouvelle équipe de police, le gouvernement aurait tort de jeter prématurément la pierre sur l’activiste – comme l’Attorney General l’a fait hier avec un sadisme qui devient clairement une perversion. 

La tournure que prend l’arrestation, avec les conférences de presse politiques d’hier, est annonciatrice du fait qu’on est bien parti pour voir pas mal de rebondissements, avec son lot de divertissements, comme l’étrange pistolet exhibé par la Special Striking Team. 

On aurait tort de sous-estimer les charges provisoires – de trafic de drogue avec circonstances aggravantes, possession de haschisch et de drogue synthétique pour la revente, et possession d’armes à feu – qui seront logées, demain, à la Cour de Moka (précisément là où se sont tenus les travaux de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath dans l’assassinat de Soopramanien Kistnen, alias Kaya, lui aussi). 

Il y a une semaine, sur la place d’Armes, Laurette, entouré de travailleurs sociaux et d’activistes purs et durs, formulait, avec rage, de graves accusations contre la police par rapport au Wakashio. Il a parlé, sans détour, de trafic de drogue et de policiers pourris. Il a fourni des éléments au public, a même offert une projection en plein air. Il était allé bien plus loin que d’habitude. 

Aujourd’hui pour nous, au-delà de la personne de Bruneau Laurette, le pire serait que la police aurait pu avoir agi par pur esprit de revanche, voire sous instruction politicienne, en “plantant” de la drogue chez l’activiste, pour le piéger, le mettre hors-circuit, à l’ombre, condamné à l’oubli, peut-être dans une cellule non loin de celle où est mort Joseph Reginald Topize, alias Kaya. En cour hier, et confirmé par son avocat Shakeel Mohamed, il y a une autre version à la version que donnent la police et la MBC. Toute l’opération de l’équipe de Jagai semble non-conforme aux pratiques; comme dans le cas d’Akil Bissessur, ils ont confondu vitesse et précipitation à l’entrée de la surface de réparation (pour reprendre un jargon footballistique), mais ont cette fois-ci recueilli des spécimens d’ADN. Du reste, la Special Striking Team, une fois n’est pas coutume, a été dessaisie de l’enquête. C’est la MCIT sans Jangi qui prendra le relais. 

Hier critiques de Laurette, le PMSD et le MMM ne jubilent pas pour autant, même s’ils ne vont pas démissionner, comme le suggère Roshi Bhadain. Ils ont compris que l’arrestation de leur adversaire politique pourrait cacher un plus grand mal : la mainmise du gouvernement sur les institutions, surtout quand Manish Gobin, démagogue à mort, vient dire avec sérieux que la police n’irait pas acheter plus de Rs 200 M de drogue pour aller “planter” chez Laurette, oublieux du fait que les saisies de drogue sont effectuées par cette même police et que le contrôle des cargaisons saisies est inexistant, car souvent entre la saisie, le transfert vers les Casernes centrales, la pesée, la présentation aux caméras de la presse (des fois sans changer d’emballage), le stockage, la présentation des exhibits quand c’est possible en cour, ou la destruction par le feu de certaines drogues devant quelques témoins, des centaines de kilos partent en fumée; autant de fumée aux yeux de nous tous… 

La police devrait retenir davantage notre attention. Car on voit clairement, même sans chasser la fumée devant nos yeux, que le phénomène policier est niché au coeur de l’organisation politique de Maurice. Raison pour nous tous d’analyser de manière plus fine et précise toutes ces interventions de la police dans le fonctionnement de notre système politique. D’autant que la police n’est pas soumise à un contrôle civil, notamment par une commission parlementaire permanente ou des organes de contrôle indépendants.