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Le destin tragique de la proportionnelle
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Le destin tragique de la proportionnelle
Après le rejet de sa plainte constitutionnelle par la Cour suprême, le 30 septembre dernier, pour des raisons techniques, Rezistans ek Alternativ (ReA) se voit maintenant confronté aux oppositions successives de l’État, du commissaire électoral et de l’Electoral Supervisory Commission qui ne souhaitent pas que le Privy Council soit saisi du dossier. Dans son combat salutaire pour invalider la déclaration ethnique pour être candidat aux élections législatives, ReA se doit d’expliciter pourquoi les National Assembly Elections Regulations datant de 1968 ne doivent plus s’appliquer à une République moderne.
Contrairement à l’État, qui est contrôlé par le gouvernement du jour, nous devons encourager toute réforme politique ou combat citoyen susceptible de pousser le pays en avant. Nous devons nous assurer que l’on ne recule pas sous l’influence d’esprits et d’intérêts rétrogrades et conservateurs. Les dirigeants politiques le reconnaissent : la réforme électorale n’avance pas à cause de l’introduction nécessaire d’une dose de proportionnelle.
Proportionnelle, voilà donc le mot qui a fait tout capoter jusqu’ici et qui voue aux gémonies sir Harold Banwell, dont le rapport électoral, déposé au Parlement en mai 1966, «a provoqué les foudres ramgoolamiennes».
L’histoire de la proportionnelle est riche en enseignements. Et aujourd’hui elle semble vouloir se répéter avec les mêmes causes qu’hier.
C’est dans le sillage de la conférence constitutionnelle de 1965 qu’Anthony Greenwood, alors secrétaire d’État aux Colonies, envoie une commission électorale à Maurice, menée par Banwell. M. Greenwood, lui-même, était en visite chez nous en avril 1965 pour discuter avec les dirigeants du pays de notre avenir constitutionnel. Il découvre alors une nation qui tente de se construire dans un contexte économique difficile. La surpopulation et le sous-développement ont créé une âpre compétition entre différents groupes aux intérêts divergents. L’urgence économique est manifeste. Mais certaines personnes ont d’autres visées que le vivre-ensemble mauricien. Ce sont ceux-là qui vont avoir la peau de Greenwood; ce dernier voulait pourtant décourager «la multiplication des partis minoritaires» – afin de favoriser des partis nationaux susceptibles de faire de la «nation-building».
S’inscrivant dans la même logique que Greenwood, Banwell propose un correctif variable à tout parti obtenant plus de 25 % des suffrages. Sauf que 25 % des sièges donneraient un droit de veto à une majorité voulant amender la Constitution en sa faveur. C’est ce qui hérisse Ramgoolam-père – qui avait suivi avec inquiétude le sort de Cheddi Jagan en Guyane.
Pour calmer les esprits, Londres envoie alors le diplomate John Stonehouse, qui a pour mission d’arrondir les angles, mais surtout de «corriger» le rapport Banwell afin de perpétuer l’infrastructure communale du courant majoritaire, tout en rassurant les voix minoritaires.
La trouvaille de Stonehouse : le Best Loser System – qui oblige chaque candidat/e à la législature de déclarer à quelle communauté il/elle appartient afin de rationaliser l’application du correctif constant d’ordre communal. Et pour soutenir ce système électoral qui a effacé d’un trait de plume la proposition progressiste de Banwell, il a fallu, avant notre indépendance, ce recensement d’ordre communal. Et depuis, c’est le règne du tant décrié système First Past The Post qui a produit, trop souvent, des résultats électoraux disproportionnés, et outranciers, que nous devons tous subir. Dans l’espoir que des Anglais du Conseil privé du Roi, à défaut de nos juges de la Cour suprême, pourraient, un jour, défaire ce que les Britanniques ont eux-mêmes cousu de fil blanc…
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