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Justice et pouvoir, pour qui ?
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Justice et pouvoir, pour qui ?
Il n’y a ni les empreintes, ni l’ADN de Bruneau Laurette sur les paquets de drogue que les hommes de la Special Striking Team ont récoltés du coffre de sa voiture. Le rapport du Forensic Science Laboratory de Mme Dassyne a été remis à la police le 1er décembre et ne sera pas porté à la connaissance du tribunal immédiatement, ce qui vaudra à Laurette quelques jours de prison de plus et le mènera au-delà des 21 jours normalement permis en cellule policière… La drogue synthétique qui faisait aussi partie de la saisie se révèle être d’inoffensives graines de chia – cousins du tokmaria apparemment. La vidéo complète de cette arrestation n’a toujours pas été partagée, ni avec la défense, ni avec le public. À la place, on a voulu montrer à Bruneau Laurette des extraits de cette vidéo, des ‘clips’ choisis selon quels critères, on ne sait pas. Laurette voit sa photo en diverses compagnies être paradée par le Premier ministre ‘no less’, au Parlement, ce qui n’était clairement pas une tentative de le présumer innocent. Le SP Rajaram, en cour de Moka à qui l’on demande si, à ce stade, il y a quelque indication que Laurette est engagé dans le commerce de la drogue répond, mercredi, sans détour : «Non.»
Et pourtant, il est toujours en détention !
Sur les réseaux sociaux et dans des blogs, la tentative désespérée de ceux qui veulent garder Laurette en prison est de souligner que l’absence d’ADN et d’empreintes n’est pas une preuve d’innocence. Ce qui est strictement vrai, puisque l’on peut toujours évoquer des scenarii à première vue plausibles, même s’il reste toujours le petit défi de les confirmer avec suffisamment de preuves solides. Mais faut-il rappeler que l’absence d’empreintes ou d’ADN n’est pas une preuve de culpabilité non plus et que l’on pourrait prendre beaucoup de temps, aux dépens du prisonnier, pour enquêter sur des scenarii alternatifs ?
La présomption d’innocence reste un droit fondamental de base ! Bien sûr qu’il reste, prima facie, les paquets de haschich trouvés dans le coffre de la voiture de Laurette, mais faut-il prouver le ‘planting’ pour être déclaré innocent ou est-ce que c’est un jugement à faire ‘on the balance of evidence’ et dans le respect des droits fondamentaux ? C’est au magistrat de décider !
Rappelez-vous que prouver a aussi été le problème de Rudi Guiliani, avocat de Trump, dans sa tentative de renverser les élections présidentielles de 2020 aux États-Unis. «We’ve got lots of theories, we just don’t have the evidence» déclarait-il un jour, un peu désespéré, en téléphonant à Rusty Bowers, speaker républicain à la chambre de l’Arizona, toujours à la recherche de preuves. Les «théories sans preuves», comprenant les machines à voter contrôlées par le Venezuela ou la Chine – c’est selon, où les faux bulletins de vote par valises entières, ont été référées aux cours de justice américaines. 65 fois. Y compris devant des juges républicains nommés par Trump. Sans succès aucun. Parce que sans preuves ! Et parce que ces juges sont impartiaux
Et si l’on s’en tenait seulement aux preuves plutôt qu’aux ‘enquêtes en cours’ ?
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Les dirigeants politiques n’ont pas éternellement le vent en poupe et se font finalement toujours ramasser par la vérité et la justice dans la plupart des cas. Qu’on s’en souvienne !
«Comme quoi s’il est toujours vrai qu’il y a 100 jours pour le voleur, il reste toujours un jour pour le triomphe de la vérité et pour le patron. Le peuple !»
Prenez le cas de M. Trump. Ce ne sont pas les enquêtes et les poursuites qui manquent dans le cas de ce monsieur, dont le parcours précédant son élection comme président en 2016 est déjà farci de cas devant la justice : contrats non respectés, salaires impayés, faillites diverses, poursuites fiscales, entre autres. Déjà impeached deux fois par le Congrès, sauvé par un Sénat «sous bol», il fait actuellement l’objet d’enquêtes serrées sur son comportement lors de l’insurrection du 6 janvier 2021, sur ses tentatives de renverser le résultat des élections de 2020 («Just find me 11 700 votes !», en Géorgie, par exemple), sur son comportement moins qu’exemplaire avec des documents confidentiels de l’État, sur la gestion de sa compagnie et de sa fondation charitable et même de son paiement de 130 000 $ pour faire taire Stormy Daniels, la pulpeuse.
Mercredi, la Trump Organisation était condamnée sous les 17 chefs d’accusation de fraude fiscale qui pesaient sur cette compagnie, ce qui va apparemment aider à accélérer d’autres procès. Si les candidats directement soutenus par Trump lors des élections de mi-mandat perdaient en Arizona, en Pennsylvanie, au Nevada, en Géorgie et ailleurs, il tentait de détourner l’attention et de rajouter à son bouclier légal personnel en annonçant sa candidature pour la présidentielle de 2024 ! Dans la foulée, il suggérait, toujours sans un début de preuve, que la «fraude électorale» de 2020 était tellement massive que cela justifiait de… suspendre la Constitution et de le réinstaller comme Président !
Gageons qu’il s’est fixé bien des rendezvous avec la justice au cours des mois à venir…
Il ne sera pas seul !
Nicolas Sarkozy est actuellement devant une cour d’appel, ayant été condamné à trois ans de prison, dont un ferme, sous l’accusation d’avoir tenté de corrompre le juge Azibert en lui promettant un poste prestigieux à Monaco, en contrepartie «d’intervenir» sur un autre dossier. Ça vous rappelle quelque chose ?
La vice-présidente de l’Argentine, Madame Christina Kirchner, vient d’être condamnée à six ans de prison pour corruption sur des marchés publics alloués pendant qu’elle était présidente entre 2007 et 2015. Le bénéficiaire des contrats, un proche du parti, surfacturait et canalisait, en retour, diverses sommes vers des comptes «masqués» de la présidente. Ça vous parle peut-être ?
Cyril Ramaphosa de son côté, s’est retrouvé compromis quand un rapport indépendant commandité par le Parlement et présidé par un ancien chef juge, l’a accusé de détenir des devises non déclarées pour 580 000 $, d’évasion fiscale, de non-déclaration du vol de cette somme (cachée dans un sofa !) à la police, et de l’usage abusif des ressources de l’État, un garde de sécurité ayant enquêté sur le vol, jusqu’en Namibie. M. Ramaphosa, qui s’est par ailleurs beaucoup investi dans la lutte anti-corruption, (même si trop lentement, disent ses détracteurs) et qui a aussi libéré son pays de la state capture institutionnalisée de son prédécesseur, Jacob Zuma, nie les faits et l’ANC le protègera d’une motion de destitution au Parlement. On a déjà vu ça ?
Le fils de l’ancien président du Mozambique, Armando Ndambi Guebuza, était condamné cette semaine à Maputo à 12 ans de prison pour détournements de fonds destinés principalement à la pêche thonière et à la sécurité maritime du pays. En sa compagnie en prison, se retrouvent 10 autres condamnés à 10 ans de prison minimum, fonctionnaires et banquiers compris. Wow !
On les ajoute tous à la longue liste de politiciens voleurs, menteurs ou corrompus qui les ont précédés et qui croyaient, tous, pouvoir s’en sortir en manipulant le pouvoir en leur faveur. Comme quoi s’il est toujours vrai qu’il y a 100 jours pour le voleur, il reste toujours un jour pour le triomphe de la vérité et pour le patron. Le peuple !
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Vivre dans un pays autocrate, où le pouvoir est omniprésent, omniscient et omnipotent, n’est pas toujours une garantie pour le pouvoir, car la rue, l’opinion publique, le citoyen peut encore, s’il le souhaite vraiment, se faire écouter. Si sa cause accroche.
Deux exemples parlants cette semaine. Il y a six jours, après des mois de protestations dans toutes les villes d’Iran, y compris les villes saintes comme Qom, la police des mœurs, aux mains desquelles Ms Mahsa Amini perdait la vie, après avoir été frappée pour avoir mal ajusté son hijab, va être, non pas dissoute, mais au moins suspendue !
Dans cette théocratie qui ne cesse de restreindre les libertés de ses citoyens et de vouloir tout contrôler ; de la police aux cours de justice, de ce qui s’enseigne à l’école à la façon «approuvée» de s’habiller, ceci équivaut à un recul cinglant des dirigeants et à une victoire majeure pour les citoyens.
Si seulement ce recul était sincère !
Car le port de l’hijab reste obligatoire, le contrôle des mœurs pourrait simplement avoir été transféré à d’autres et, jeudi, l’État assurait promptement la pendaison d’un manifestant ayant seulement blessé un policier et fermé une rue, il n’y a même pas… deux mois ! L’acte d’accusation comportait aussi ceci : «Waging war against God» ! Le Dieu de la miséricorde n’était pourtant pas témoin à charge dans ce procès…
En Chine, ce sont encore des citoyens qui, fatigués des exigences idéologiques de Xi pour sa politique de zéro-Covid, descendaient dans la rue et manifestaient jusqu’à obtenir que le gouvernement recule un peu en admettant enfin que l’Omicron est moins dévastateur que ses prédécesseurs et en invitant les autorités locales à rapidement «respond and resolve the reasonable demands of the masses». Le flou persiste encore, mais la rue a fait reculer le pouvoir établi… À Maurice, M. Nishal Joyram n’a pas été assez suivi dans sa cause. Mais on se souviendra de lui, même si ce n’est pas au même degré que M. Bouazizi, qui déclenchait le printemps arabe ou que Jan Palach, qui sonnait le glas des communistes en Europe de l’Est…
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