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Au-delà des mots des dirigeants

5 janvier 2023, 10:30

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Sur lexpress.mu, dans la rubrique multimédia, côte à côte, deux vidéos de deux hommes, chacun debout à côté du quadricolore, le visage solennel, présentant aux Mauriciens leur message de fin d’année et leurs vœux pour 2023.

En 09:54 minutes, le Premier ministre vante les mérites de son gouvernement qui bosse sans arrêt et liste ce qu’il pense être les atouts de notre «démocratie», alors qu’en 15:14 minutes, son rival, l’ancien Premier ministre, dit tout le contraire et met la nation en garde contre les dérives de notre «autocratie».

Chacun a abondé dans un sens, unique, en faisant abstraction de toute nuance. Pravind Jugnauth a pratiquement tout peint en blanc, le «feel good factor» qui est partout selon lui, et a cité des classements, relativement obscurs, qui nous classent parmi les meilleurs en Afrique, en évitant sciemment les importants rapports de VDem et IDEA (qui confirment notre autocratisation en cours). Faisant feu de tout bois, Navin Ramgoolam a, lui, tout décrit en noir, «la caisse est vide, le robinet est sec», et a demandé qu’on utilise le droit de vote (octroyé par les travaillistes) pour botter ce régime hors du pouvoir.

Bien évidemment, nous ne sommes pas dans un débat inter-collèges, où chacun, tête baissée, prend une direction, sans compromis ou compromission possible, en alignant seulement les arguments pouvant faire pencher la balance.

Mais notre pays, en 2023, n’a plus besoin de vision manichéenne, sans état intermédiaire.

Nous avons besoin de vrais débats contradictoires. Qui peuvent amplifier notre aptitude à réagir face au quotidien difficile. En fait, nous nous tirons une balle dans le pied après chaque élection générale. Seules 50 % (environ) de nos ressources humaines, déjà rares, sont mises à contribution, et les autres 50 % sont ostracisées ou occultées de notre équation nationale. À bien voir, comme souvent exprimé dans nos colonnes, on aime bien se tenir sur une jambe et regarder avec un seul œil.

Puis vient l’alternance, derrière laquelle court Ramgoolam ; ce changement que Jugnauth redoute plus que tout. À vrai dire, en parlant de changement, nous changeons seulement de pied et d’œil – mais restons toujours sur un seul pied. Jamais les deux en même temps pour mieux marcher ou pour mieux voir. Nous prenons un malin (ou sadique) plaisir à nous amputer ainsi de nos moyens. Dès lors, comment voulez-vous qu’on sorte de la mélasse, d’autant plus que nous n’avons pas de ressources naturelles, hormis les îles de notre ZEE que nous marchandons.

Au-delà de leurs mots et de leurs discours, 2023 verra encore un duel sans merci entre les deux patronymes qui ont régné sur Maurice jusqu’ici, en laissant quelques miettes aux autres. Pas de trêve ou de négociation possible, tant la haine est devenue personnelle après 2014 et la saisie des coffres-forts.

Jugnauth et Ramgoolam ont réussi à couper une bonne partie du pays en deux. En s’invectivant en permanence, ils font monter la tension. Mais on dirait que le peuple aime cela : être divisé et se toiser en permanence, comme les fans déréglés de Liverpool FC et de Manchester Utd. Si les attaques sous la ceinture entre la bande à Pravind Jugnauth et celle de Navin Ramgoolam seront de plus en plus personnelles et vicieuses, les voix autres, citoyennes surtout, doivent faire entendre leurs arguments pour faire avancer et élargir le débat national.

Pour s’émanciper de ses oligarchies, le pays aura besoin de ses intellectuels, surtout ceux qui auraient pu éclairer le troupeau d’indépendants ou d’indécis, en remettant en question nos fondements démocratiques et le fonctionnement de nos partis politiques. Au lieu de ressasser les mêmes points, il est temps de questionner notre commencé et les chemins à emprunter pour des lendemains meilleurs.

***

Il faut des lunettes spéciales pour lire entre les lignes des dirigeants politiques. Même s’il essaie de minimiser l’affaire Suren Dayal devant le «Privy Council», le gouvernement va entretenir le flou sur la date des élections (qu’elles soient municipales ou générales), d’autant qu’il a vu deux présidences de conseil de district lui échapper dans le Sud (cassant ainsi le mythe 4-14). Les oppositions désunies vont essayer de soigner leur rhétorique, afin de donner l’impression qu’elles se tiennent prêtes à toute éventualité.

Si Paul Bérenger a voulu mobiliser ses troupes lors du dîner de fin d’année des Mauves, en évoquant une «bonne alliance» qui sera discutée avec le PTr et le PMSD, pratiquement tout le monde sait que l’alliance ne sera conclue qu’à la veille des élections, pas avant.

Il y a plusieurs facteurs que la locomotive de cette alliance de l’opposition aura à considérer. Si le facteur Bodha a déjà été écarté, le Parti travailliste aura à décider du nombre de tickets à allouer aux Bleus (qui détiennent le poste de leader de l’opposition, ayant su défier la tyrannie du nombre au Parlement) et aux Mauves (dont le rayonnement ne cesse de rétrécir comme une peau de chagrin). Comment traiter les deux ennemis traditionnels sur un pied d’égalité tout en essayant d’accommoder, dans un souci de brasser large, Rezistanz ek Alternativ, Roshi Bhadain et… Bruneau Laurette.

Face aux deux blocs, l’un au pouvoir mené par Jugnauth, et l’autre dans l’opposition menée par Ramgoolam, se profile une troisième force dans l’opposition. Le LPM de Valayden, le RM de Bodha et d’autres blocs vont essayer de conjuguer leurs efforts pour créer une dynamique, mais ils n’ont aucune base électorale, et vont essayer de séduire les orphelins du système. Les tractations ne font que commencer et des «koz-kozé», il y en aura pour tout le monde cette année…