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Démarche disgracieuse
Strictement parlant, il n’y a rien d’illégal dans le troublant fait que le fils du commissaire de police ait été gracié par le président de la République, Pradeep Roopun. Son excellence a simplement exercé une prérogative que lui octroie l’article 75 (1) de la Constitution. Sa décision a été motivée par les recommandations de la commission de pourvoi en grâce, qui est présidée par l’ancien chef juge Keshoe Parsad Matadeen. Cependant, si c’est tout à fait légal, est- ce pour autant moral ?
Ce qui chiffonne dans le cas du fils Dip, c’est que son père, dont la période probatoire avant d’être nommé CP avait été relativement longue (malgré son passage fort apprécié à la SMF), occupe un poste constitutionnel, dont l’indépendance et l’intégrité doivent être jalousement préservées.
La grâce présidentielle accordée par des nominés politiques, triés sur le volet par l’exécutif, pourrait être perçue comme une faveur. Un moyen de le remercier pour son travail à la tête de la force.
«C’est une prérogative sous la Constitution et ce serait un dangereux précédent que de lui demander de rendre des comptes. C’est une décision personnelle à mon humble avis basée sur des critères humanitaires. C’est une question d’humanité, c’est cela la grâce», a déclaré l’éminence grise du PMSD (parti qui a fait capoter le Prosecution Commission Bill de sinistre mémoire) sur les questions juridiques, Mᵉ Jacques Panglose, à l’express, jeudi. L’argument humanitaire selon lequel il ne serait pas en sécurité en prison en raison du rôle que joue son père ne tient pas, car il pourrait s’appliquer à tous les fils ou filles de… Cela signifierait qu’il existe deux catégories de citoyens : ceux qui peuvent aller en prison et ceux qui ne le peuvent pas, et qui seront graciés, malgré les décisions des cours de justice.
À bien voir, c’est le manque de transparence qui est en cause ici. Quand le fils du CP avait été arrêté, c’était du domaine public, comme toutes les arrestations du reste. Quand il a fait l’objet d’un procès, c’était en open court. Quand il avait été condamné à 12 mois de prison, le 26 février 2018, par l’exmagistrate Renuka Devi Dabee, aujourd’hui juge, c’était public. Sa procédure d’appel pour aller au Privy Council était tout aussi publique, tout comme le rejet de celle-ci par l’actuelle cheffe juge. Puis, dans l’ombre, le jeune Dip est gracié. Qui sont les autres graciés de la République ? N’est-ce pas ici une entorse au principe de transparence qui régit le fonctionnement de la justice, mais qui ne s’applique pas à une instance qui peut se substituer à la Cour suprême, voire au Privy Council ?
Dans le monde d’aujourd’hui, la transparence devrait l’emporter sur le secret, d’où la nécessité de promettre une Freedom of Information Act, qui ne viendra sans doute jamais. Les citoyens deviennent alors de plus en plus méfiants à l’égard des personnes exerçant des fonctions publiques; ils ne tolèrent plus l’opacité et le secret qu’ils perçoivent comme la survivance, soit de l’autoritarisme administratif, soit, plus simplement, d’un régime bien trop distant du reste de la société.
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