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Le boulevard et le rond-point
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Le boulevard et le rond-point
Cette année cela fera neuf ans depuis que le MSM est au pouvoir – et le PTr dans l’opposition (et Navin Ramgoolam hors du Parlement). Du coup, il est devenu difficile pour le gouvernement de blâmer l’ancien régime par rapport, disons, à la gestion de l’eau et à sa distribution 24/7. Le rétroviseur est fêlé et il n’y a pas d’autre choix que d’avancer, en évitant les nids de poule qui se sont formés sur la voie publique malgré le manque de pluies.
Les élections générales qui se profilent cette année ou celle d’après sont avant tout une affaire de personnes, de chiffres et de circonstances atténuantes ou pas. Et à cause de notre système électoral inique, l’on se dirigera, hélas, vers un énième affrontement bipolaire entre deux alliances, voire deux principales dynasties.
Contrairement à 2014, Paul Bérenger, bientôt 78 ans, ne sera pas présenté comme Premier ministre afin de couper l’herbe communale sous les petits pieds du MSM (élu avec 37 % des suffrages en 2019, soit avec 28 % du bassin électoral). Navin Ramgoolam, presque 76 ans, a renoncé à son rêve d’amender la Constitution afin de devenir un puissant président de la IIe République pour une période de sept ans. Le moins ambitieux du bloc de l’opposition, Xavier-Luc Duval, qui réalise qu’il ne pourra pas, avec le système politique actuel, devenir Premier ministre, espère, sur la base de son expérience sur l’échiquier, au Parlement et au sein des différentes alliances, jouer à l’arbitre entre Ramgoolam et Bérenger afin de coordonner l’action pour botter le MSM hors du pouvoir, parce que pratiquement tout le monde est d’accord que, sur le plan de la gouvernance, l’usure du pouvoir est bien réelle, mais, l’alternance, une fois encore, n’est pas une promesse de neuf. Les nouveaux acteurs s’agitent, font du bruit, animent conférence de presse sur conférence de presse, mais n’arrivent toujours pas à percer, à l’instar d’un Roshi Bhadain qui brille bien plus que son Reform Party, ou Rama Valayden que le LPM, ou Ashok Subron que Rezistans ek Alternativ (où il y a pourtant quelques jeunes valables, relativement parlant).
Les Mauriciens sont ainsi : ils suivent (certains de manière aveugle) les chefs de clans, pas forcément les membres du clan, qui demeurent des pions interchangeables, au service des leaders, tant que ceux-ci veulent bien leur accorder le fameux ticket électoral, véritable sésame pour les accapareurs de privilèges. Pratiquement rien n’a changé sur ce plan : Pravind Jugnauth va distribuer les tickets au sein de son parti et va décider du faible quantum à allouer à Ivan Collendavelloo (en ballottage défavorable), Steven Obeegadoo (qui semble de plus en plus isolé), et Alan Ganoo (qui se la joue discret, comme Kavy Ramano).
Dans l’opposition, quoi qu’en disent les secondscouteaux, c’est Ramgoolam qui décidera seul du nombre de tickets pour le PTr (entre 35 et 38 apparemment), et combien il en offrira au MMM (moins de 10 probablement) et au PMSD (au moins cinq). Il écoutera sûrement Bérenger et Duval sur quelques tickets-confetti, qui seront consentis pour créer le sentiment que l’opposition brasse large, mais il ne faut pas se faire d’illusion : si le leader du PTr ne va peut-être pas s’immiscer dans les affaires internes du MMM (par exemple pour discuter si Ajay Gunness mérite un ticket ou pas en région rurale) ou celles du PMSD (pour déterminer le nombre de tickets à allouer aux Duval), il demeure évident que c’est Ramgoolam qui tranchera, à la veille du prochain scrutin, au tout dernier moment, si le bloc devrait, oui ou non, octroyer un ticket à Bhadain, Bodha ou Subron, voire à Joyram; en attendant, tel un artiste, il va jouer avec les nuances du flou et des espaces invisibles.
Pravind Jugnauth aurait pu avoir un boulevard devant lui, en allant, comme affirmé, dans ses voeux de fin d’année, jusqu’au bout de son mandat, soit début 2025. Il dispose encore de deux Budgets pour «faire la bouche doux», même si les caisses sont techniquement vides. Avec l’aide de Modi, il saura créer le «Feel Good Factor.» Mais, quoi qu’il en dise, il n’a pas une bonne visibilité sur le futur immédiat.
Deux facteurs majeurs lui échappent et l’empêchent de finaliser sa stratégie sur les prochains mois.
- Le procès de Suren Dayal devant le Privy Council contre les trois élus du numéro 8 (un revers serait terrible politiquement); le hic pour le MSM c’est que le calendrier et la décision du Privy Council sont hors de sa mainmise, contrairement, disons, au procès Med-Point, où l’on pouvait compter sur le U-Turn de l’ICAC-paillasson de Navin Beekarry. Il faut aussi rappeler que toutes les tentatives de débaucher Suren Dayal ont échoué jusqu’ici.
- L’échéance des élections municipales arrive à terme en juin 2023. Le gouvernement MSM ne pourra plus évoquer le Covid-19 pour renvoyer une nouvelle fois les municipales. Ce serait perçu comme un viol de la démocratie. Cette fois-ci, ce ne sont plus des spécialistes en relations internationales ou des universitaires qui vont nous épingler, mais le public local lui-même. Les élections municipales concernent directement pas moins de 10 circonscriptions (soit 30 députés). Ce qui équivaut à la moitié du pays. Une déroute du MSM aux municipales rendra le reste de son mandat ingérable, d’autant que deux conseils de district, dans le Sud, ne sont plus sous le bol MSM. Ce qui démontre les fissures apparentes sur la 4-14 Hindu Belt.
A leur grand âge, Navin Ramgoolam et Paul Bérenger ont compris qu’il faut diluer leur vin, indépendamment du cru. Certes, Bérenger en a marre d’être l’eunuque de Ramgoolam, mais les cartes alternatives n’ont pas marché; Arvin Boolell et Nando Bodha n’ont pas fait l’affaire, alors qu’au sein des mauves la pénurie de Vaish n’a jamais pu être comblée et Ajay Gunness n’arrive pas à briser le signe indien, alors que la fille Joanna est trop ambitieuse par rapport à son immaturité. En 1997, Bérenger avait été viré par le leader rouge parce qu’il tentait trop d’être calife à la place du calife. Aujourd’hui encore, les doutes vont persister parmi une frange importante de l’électorat, qui lui aussi n’a pas évolué dans le sens souhaité du mauricianisme…Mais, en XLD, Ramgoolam a trouvé le bon produit pour neutraliser le côté corrosif de Bérenger; il s’agit maintenant de bien négocier le rond-point… puisque Maurice aime bien tourner en rond.
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