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Les promesses de la technologie
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Les promesses de la technologie
Il est frappant depuis quelque temps comment les annonces de technologies nouvelles dans le domaine de l’énergie s’accélèrent.
Il est facile de comprendre pourquoi ces annonces sont faites. Jusqu’à tout récemment en 2021, deux tiers de toute l’énergie consommée au monde provenait toujours des hydrocarbures que sont le charbon, le gaz, le pétrole, l’huile lourde, entre autres. Les prix de ces hydrocarbures sont évidemment sujets à de grandes fluctuations et sont, occasionnellement, comme maintenant, des outils géopolitiques redoutables. De plus, les hydrocarbures ne sont pas inépuisables, mais polluent et réchauffent la planète, ce qui nous mène à confronter des extrêmes climatiques de plus en plus dramatiques.
La réponse de l’humanité jusqu’ici s’est principalement articulée autour du solaire, de l’éolien et de la voiture électrique, mais ces solutions ont, elles-mêmes, leur propre contrainte et des améliorations de performance sont évidemment constamment recherchées par des laboratoires de pointe partout sur la planète.
Prenez le problème des batteries nécessaires tant pour les voitures électriques ou hybrides que pour emmagasiner le surplus des énergies intermittentes produites par le solaire ou l’éolien, et ainsi aider à lisser leur contribution aux réseaux de distribution. Jusqu’ici c’est la batterie lithium–ion qui domine ce marché, mais la demande grandissante pour ces batteries va rapidement buter contre des problèmes d’approvisionnements (il faudra 3 millions de tonnes/an de lithium dès 2030 alors que les réserves identifiées, à ce jour, sont de 15 millions de tonnes), et donc de prix ; le prix ayant encore doublé entre janvier et novembre 2022, avant de baisser un peu, à cause de la Chine qui cesse de subventionner ses fabricants…
La révolution promise viendra d’une douzaine de compagnies qui fignolent la batterie sodium–ion, dont CATL en Chine, Pacific Northwest aux USA, Sumitomo au Japon et Faradion en Grande-Bretagne, qui vient elle-même d’être rachetée par l’Indien Reliance Industries. Ajoutez-y Tesla et Panasonic. Puisque le sodium, 8e élément le plus commun de la planète, est nettement plus disponible, le coût, tant écologique qu’économique, de l’extraction est beaucoup plus bas. De plus, la batterie lithium-ion utilise du cobalt pour stabiliser sa cathode et prévenir les explosions et ce cobalt est malheureusement rare, coûteux et problématique en ce qu’il s’agit d’assurer des approvisionnements réguliers. La batterie sodium-ion, en sus de coûter bien moins cher, a une plus longue durée de vie, ne peut développer de courts-circuits et chauffe moins. Les fabricants reconnaissent que le temps de recharge et la densité énergétique vont demander d’autres améliorations dans les années à venir, mais les meilleurs en sont déjà à 200 watts/heures par kilo.
Pour le moteur à combustion, Toyota fait figure de pionnier prometteur avec son utilisation de l’hydrogène à la place de l’essence dans un moteur à peine modifié sur le fond, sinon largement renforcé, puisqu’il faut partout assurer la pression qui garde l’hydrogène à l’état liquide. Toyota n’est pas seul avec son modèle de 2022, le Mirai. Honda, Hyundai, BMW, Volkswagen, Ford, Mercedes et maintenant Tesla (avec sa Hesla) sont de la course et promettent, soit des modèles utilisant des piles à combustion, soit encore des moteurs à hydrogène. Il reste cependant quelques problèmes. Par exemple, à $ 13.11 le kilo, l’hydrogène coûte cher ces jours-ci, c.-à-d., avant qu’une demande beaucoup plus forte ne fasse baisser les prix. D’ailleurs, c’est pourquoi Toyota vend ses Mirai avec jusqu’à six ans d’hydrogène – gratuit ces jours-ci – pour démarrer ses ventes ! Si l’hydrogène est l’élément le plus fréquent sur terre, la fabrication, la distribution et le stockage en bornes restent des problèmes entiers à fignoler. Quoiqu’il en soit, une voiture à hydrogène se recharge en moins de cinq minutes, n’a pas de pollution au CO2, voyage beaucoup plus loin sur un tank plein et, contrairement au tout-électrique, reste fondamentalement mécanique, c.-à-d., plus facilement réparable.
Si le graal de la fusion nucléaire reste d’actualité avec les avancées du laboratoire Lawrence Livermore, personne ne négligera les améliorations et le retour de popularité des centrales de fission nucléaire. Même l’Allemagne qui avait décidé de discontinuer ses centrales, les maintient encore en vie, en conséquence de l’intervention intempestive de M. Poutine en Ukraine, et devra, comme d’autres, continuer à gérer les déchets nucléaires qui vont avec. Mais la fusion va se faire attendre car cette technologie est compliquée et même un peu hasardeuse. Rendez-vous compte : il ne s’agit ni plus, ni moins, que de reproduire les réactions thermonucléaires du coeur du soleil dans des centrales… sur Terre (*) ! Cela va prendre encore quelques décades d’études et d’expérimentation, dit-on.
Cependant, en attendant, il y a l’alternative de la centrale au thorium qui carbure fort, semble-t-il, au point où les Chinois ont débuté les opérations dans le désert du Gobi, à Wuwe, sur un module de 2 MW qu’ils construisent depuis 2018. Le thorium se retrouve à deux positions seulement inférieure à l’uranium sur la table périodique et ‘fertilise’ l’Uranium 233 plutôt que l’Uranium 235, ce qui a plusieurs avantages. Le réacteur au thorium est plus efficient que celui n’utilisant que l’uranium et utilise du ‘sel’ fondu, plutôt que l’eau, tant pour contenir les matières fissiles que pour transporter la chaleur dégagée vers les turbines à vapeur qui produiront l’électricité. Parmi les autres avantages théoriques du modèle au thorium sont le fait que les risques de meltdown sont quasi nuls, que les déchets nucléaires sont réduits et que les centrales peuvent être bien plus petites.
C’est d’ailleurs pour alimenter des sous-marins que le système plus compact au ‘sel’ fondu fut d’abord conçu. Pour la petite histoire, les États-Unis firent le choix en faveur du cycle U235 et discontinuèrent la recherche dans l’alternative thorium en 1974, parce que la solution choisie de l’U235 était la seule à pouvoir produire du plutonium, ce qui permettait de construire… des bombes ! Il a été estimé que le choix de l’alternative au thorium, élément bien plus disponible que l’U235, aurait délivré une indépendance énergétique totale aux États- Unis vers l’an 2000… (**).
À toutes ces options technologiques, rajoutons les promesses nouvelles du géothermal. Selon le professeur Woskov du MIT, il suffirait de pouvoir canaliser 0.1 % de l’énergie thermale sous nos pieds pour satisfaire tous les besoins énergétiques de la planète pendant plus de 20 millions d’années ! C’est dire ! Cette source d’énergie quasi inépuisable et disponible 24/7, contrairement au solaire, à l’éolien (et à l’eau de la CWA…), chauffe déjà des bâtiments en climat froid et produit aussi, en zones appropriées, de l’électricité à partir de la vapeur générée par injection d’eau, a jusqu’à un mile sous terre. À plus grande profondeur, il y a plus de chaleur évidemment et donc, plus d’énergie à ponctionner, mais le ‘hic’ c’est le coût du forage et des installations qui augmentent exponentiellement, plus l’on fouille ! Ainsi toute l’attention portée à une nouvelle technologie que développe la compagnie Quaise, à partir de travaux de Woskov et qui se propose de remplacer le forage classique par du forage électromagnétique qui implique le chauffage, puis la fonte de la pierre utilisant la fusion nucléaire, à travers un gyrotron, par exemple (***).
Il est intéressant de noter que le forage le plus profond jamais entrepris jusqu’ici, par les Russes, à Kola, a atteint une profondeur de 12,2 kilomètres, après… 19 ans de fouille ! Quaise espère pouvoir forer 20 kilomètres en 100 jours avec un gyrotron de 1 MW et d’y rencontrer alors des températures de 500 degrés. De nombreux défis demeurent, dont le contrôle du magma et du gaz surchauffé, mais le jeu en vaut la chandelle. D’autant plus que les centrales à charbon et autres, bientôt obligées de fermer pour réduire le CO2 dans l’atmosphère, seraient réanimées, légèrement modifiées pour être réutilisées grâce à de la vapeur surchauffée ! Les usines à charbon ne deviendraient ainsi pas des ruines inutiles puisqu’étant déjà connectées au réseau électrique et ayant déjà du personnel formé. La première usine géothermale du genre tournerait en 2028.
Et nous, petit pays sous l’emprise du soleil, quels seront nos paris et nos choix ? Y a-t-il un plan quelque part ?
(*) https://fr.wikipedia.org/wiki/Noyau_solaire
(**) https://en.wikipedia.org/wiki/Thorium-based_ nuclear_power
(***) https://newatlas.com/energy/quaise-deep-geothermal-millimeter-wave-drill/
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