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Nation de poules mouillées ?
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Nation de poules mouillées ?
Nos politiciens et nos experts en tout adorent critiquer la météo de Vacoas, mais il ne faut pas trop les écouter, car leurs propos changent selon s’ils sont au pouvoir ou dans l’opposition. Les citoyens, comme nous, qui subissent, se doivent de rester pragmatiques, et trouver des solutions concrètes aux problèmes d’inondation dans leur quartier en s’organisant et en faisant pression sur les autorités. Uniquement apporter de l’eau au moulin démagogique des critiques contre nos météorologistes ne changera pas grandchose, surtout si on n’accepte pas le fait qu’il est, malgré les dernières technologies, de plus en plus difficile de prévoir le temps qu’il fera d’ici quelques heures. Le phénomène des flash floods au Port-Louis Waterfront, qui a montré sa dangerosité en 2013, va s’accentuer. À côté de nous, à La Réunion, Météo-France, malgré ses ressources prévisionnelles supérieures, admet que les conditions météorologiques de ces derniers jours étaient «difficilement anticipables» : «On a eu des intensités tout à fait exceptionnelles dans le Nord et l’Est (…) Ce genre d’événement est quasiment imprévisible au-delà d’une heure ou deux à l’avance. Il y a eu des pluies qui étaient prévues mais de là à s’attendre à ces intensitéslà, non.» Dans d’autres régions en Afrique, ils sont plusieurs également à expliquer le phénomène «a posteriori».
Avec ce postulat, c’est donc aux humains de gérer les risques d’inondations, mais pas que, face aux nouveaux phénomènes naturels.
Posons-nous les bonnes questions. Aujourd’hui, alors qu’on a construit le Metro Express, qui a bétonné nos villes, où en sommes-nous en termes de vulnérabilité ? Sommes-nous davantage exposés aux inondations avec le changement climatique qui augmente et la fréquence et l’intensité des aléas naturels ?
Une anecdote datant du 18e siècle mérite, ici, d’être rappelée en ces temps de fortes pluies. À la suite du tremblement de terre de Lisbonne – combiné avec un tsunami –, il y eut une controverse entre Voltaire et Rousseau. Voltaire affirmait : «C’est la volonté divine, on n’y peut rien.» Rousseau répondit à peu près ceci : «Ce n’est pas Dieu qui a construit la ville de Lisbonne mais l’homme !» En d’autres termes : les catastrophes naturelles ne tuent pas, mais les bâtiments et constructions si… On pourrait aisément, dans notre cas, remplacer les séismes par les inondations, pour arriver à la même conclusion : nous sommes, avec nos constructions inintelligentes, pour ne pas dire sauvages, avec le non-respect des normes de construction et nos passe-droits parce que le voisin de notre cousin germain travaille dans une collectivité locale, les premiers responsables de la montée des eaux dans plusieurs régions de l’île. Nous payons le prix de notre mardaye collectif.
De nos jours, la science a évolué, mais pas suffisamment : si on ne peut plus prévoir l’imprévisible météo, nous avons, cependant, des instruments et des connaissances scientifiques nécessaires pour réduire l’impact des aléas naturels. Mais pour parvenir à cela, il nous faut d’abord faire émerger une vraie et saine culture de prévention et de gestion des risques naturels sur l’ensemble du territoire.
Comment s’y prendre alors ?
Sans occulter la dimension politique de la gestion des risques, il nous faut commencer par dépassionner les débats politiciens de bas étage, genre le débat sur le nombre de victimes de flash floods en 2008 versus 2013. Tombons d’accord : le nettoyage des rivières, la construction des drains (qui sont ensuite bouchés par nos déchets de toutes sortes) et la prévention et la gestion des inondations sont l’affaire de tous, et non pas l’apanage d’un gouvernement, d’un parti, d’un ministre ou d’un PPS.
Il faut encourager une action concertée, cohérente et rapide, en fonction des risques qui nous guettent. Par exemple, c’est bien d’avoir la Natural Disaster Risk Reduction and Management Act, mais il nous faut aussi sortir de la logique insulaire et de voir le changement climatique et ses impacts dans leur globalité. Quand il est établi, ailleurs dans le monde, que la température des océans sera plus élevée et qu’un océan plus chaud favorise la prolifération de cyclones surtout, mais aussi de pluies, cela est important pour nous de nous y préparer. Alors que nous modernisons notre pays, il faut développer en parallèle sa résilience sur le plan infrastructurel : les écoles fermées et les jours chômés à cause des averses, outre d’être des reculs économiques et sociaux, peuvent nous transformer, à la longue, en une nation de poules mouillées ! Cette nation-là pourrait réclamer un lockdown du pays à chaque bande nuageuse !
Il faut, donc, prendre des mesures urgentes d’adaptation dans des domaines tels l’urbanisme, les infrastructures, la protection des régions vulnérables. Ces mesures prennent du temps pour produire leurs effets et, en attendant, les vulnérabilités des zones impactées ne font qu’augmenter.
Enfin, il faut impliquer dans nos politiques de gestion des risques naturels, outre le gouvernement, tous les acteurs : de la protection civile à l’environnement, en passant par les assurances, les ONG, les forces de sécurité, les médias. Les points mentionnés plus haut semblent être facilement réalisables sur le papier. Mais, à travers le monde, on a vite déchanté : la culture de prévention des risques (c’est-à-dire la capacité d’anticiper ce qui pourrait arriver et d’agir pour en limiter l’impact) est difficile à faire passer dans les politiques gouvernementales et dans l’esprit du grand public. Raison pour en parler aussi souvent que possible. Car si on ne fait rien, l’eau, cette denrée rare et porteuse de vie, essentielle au développement durable, peut se muer en un élément destructeur, tueur, quand elle se transforme en crues, inondations et glissements de terrains. Selon le bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes, le nombre de désastres liés aux inondations a augmenté de 134 % depuis 2000 par rapport aux deux décennies précédentes. Et les prévisions du GIEC ne sont guère rassurantes. «Même les scénarios les plus optimistes suggèrent un renforcement des évènements climatiques extrêmes dans les années à venir avec notamment une intensification des précipitations», souligne le sixième rapport d’évaluation du GIEC, qui a été finalisé en décembre dernier. Les études sont là, à nous de ne plus nous fier uniquement à la boule de crystal d’Afzal Goodur...
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