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Le mythe de l’élite
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Le mythe de l’élite
Pendant tout ce week-end, nos médias ont consacré leur une aux célébrations des lauréats du HSC dans leur collège et dans leur famille. Une liesse bien compréhensible après trois ans de Covid et les incertitudes de l’avenir. Le fait marquant de la cuvée 2023 est l’incursion des petits collèges dans la ligue des «star schools». Certains l’attribuent à la dernière réforme éducative mais c’est surtout le fruit des réformes et contre-réformes depuis l’avènement de la scolarité gratuite en 1977.
Malgré ses failles, celle-ci a démocratisé l’école en la mettant à la portée à tous même si elle a déclenché une compétition féroce et malsaine pour une bonne école dès le plus jeune âge ; même si elle a creusé un fossé encore plus profond entre les plus forts et les plus faibles qui sont restés au bord de la route, ne sachant parfois ni lire, ni écrire, ni compter…
Mais revenons à nos héros du vendredi 10 février. Le lauréat, selon le Larousse, est «quelqu’un qui a remporté un prix dans un concours». Bref, le meilleur des bons, l’élite – un infime pourcentage des candidats – la «star» d’un jour, après 15 ans de labeur acharné et de sacrifices. Il l’a bien mérité ce bonheur, cette fierté et il faut le féliciter.
Toutefois cette bourse – un petit pécule que beaucoup de parents n’auraient pas pu lui offrir – n’est qu’un passeport pour une prestigieuse université. Le cocon familial et le soutien des profs d’école et de leçons seront bientôt un lointain souvenir. Dans quelques mois, quand il posera les pieds sur un campus à l’étranger, il abordera une autre vie sans filet de protection.
Celui qui a un bon encadrement familial, qui a appris ailleurs que dans les manuels scolaires et a des activités extrascolaires s’adaptera plus facilement. À Maurice, le lauréat est considéré comme un «savant» ; mais il sera vite confronté à des dizaines de «plus savants et plus cultivés» que lui dans un immense amphithéâtre où le prof n’est qu’un petit point lointain… L’adolescent a jusqu’à l’heure suivi ses parents et ses profs ; maintenant il devra définir la trajectoire de son avenir ; il sera parfois confronté à des choix. Il grandira ainsi en sagesse.
Finalement, la question qui fâche. Le lauréat doit-il revenir au pays ? Faut-il mettre des contraintes à une bourse gagnée au prix d’efforts personnels ? Demande-t-on au gagnant d’une loterie comment il dépensera son argent ? Un parent force-t-il son enfant à lui rembourser les frais encourus pour l’élever ?
La réponse est évidente. On peut faire un bon ou un mauvais usage de tout don ou talent qu’on reçoit… L’adolescent devenu adulte est à la croisée des chemins. La bourse reçue est la clé qui va lui ouvrir les portes de son avenir. L’élite du pays n’est pas majoritairement constituée de lauréats. J’ai connu des «lauréats d’un jour» – qui ont disparu du paysage ou ont craqué en route sans jamais avoir de diplôme – et des «élèves normaux» qui sont devenus juges, CEO, hauts cadres et décideurs de grandes entreprises.
Cher lauréat, ta nouvelle vie commence, éclate-toi, découvre le monde, réussis ta vie. Ailleurs, tu auras sûrement des perspectives et opportunités alléchantes où tu pourras t’épanouir… Mais si au fond de ton coeur, comme d’autres l’ont fait avant toi, tu penses que tu veux rentrer aider ta famille, servir ton pays, ce sera ton choix ! L’espoir de lendemains meilleurs, c’est en toi que tu le portes…
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