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Freddy, le bienfaiteur

24 février 2023, 08:31

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Des corps qui flottent dans une eau boueuse, des débris partout, l’obscurité, le dénuement, l’inondation, non, non, non ! Rien de tout cela. Les scènes d’horreur liées à Freddy n’ont pas eu lieu ! Le pays a été épargné. Mieux, il a été copieusement arrosé. 

Vivement critiqués dans le passé, surtout lorsqu’il s’agissait d’enlever, sous pression politique ou pas, les alertes cycloniques, les autorités en général, les services météo en particulier, ont relativement bien géré la situation, en évoquant le «worst case scenario», en améliorant leur coordination et en soignant leur communication. Sur ce plan, Freddy aura été un bienfaiteur. 

Cependant, on ne devrait pas jubiler trop longtemps d’avoir réussi le test cyclonique, car, après Freddy, notre région continuera à subir de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique. (Ce n’est pas, pour autant, une raison pour faire du panic buying dès la première alerte.) 

Il y a quatre ans, le cyclone Idai plantait le décor apocalyptique. Après avoir enterré leurs morts, le Mozambique et le Zimbabwe faisaient face, après le passage du terrible cyclone (le plus puissant que l’Afrique australe ait connu ces quinze dernières années), à l’épineux problème des déplacés. Idai fait partie de ces catastrophes dites naturelles, mais qui portent de plus en plus la griffe humaine. La catastrophe qui a traversé le Mozambique et le Zimbabwe était due à la conjonction de trois facteurs : 1) le phénomène naturel lui-même, c’est-à-dire le cyclone ; 2) la vulnérabilité «physique», c’est-à-dire les lieux traversés par le cyclone ; 3) l’état de résistance, la très faible résilience («susceptible vulnerability») de ces lieux vulnérables : le port de Beira, les infrastructures, par exemple. 

Fait notable : les pays touchés par Idai avaient déjà été visités par d’autres cyclones – qu’on appelle dépressions tropicales quand elles pénètrent à l’intérieur des terres. Mais, en 2019, la trajectoire du cyclone, la pluviométrie exceptionnelle, les vagues de plus de trois mètres de haut et la constance de la force (pourtant relativement faible) du vent sur des structures physiques peu résistantes et sur des terres (généralement plus habituées à la sécheresse) ont donc résulté en un bilan humain et matériel très lourd. 

En 2023, nous devons nous rendre à l’évidence que si le cyclone est un phénomène naturel qui se forme au sein des océans, en revanche, la main de l’Homme y est aussi pour quelque chose. D’abord il y va de notre responsabilité, avec les émissions de CO2, dans l’augmentation de la température des océans, ce qui provoque l’apparition de cyclones d’une plus grande intensité; ensuite en développant des structures d’urbanisation et des bâtiments très vulnérables ou en facilitant l’installation de peuplement dans des zones reconnues à risque. L’Homme a de surcroît le pouvoir non pas d’arrêter un phénomène naturel, mais d’agir pour réduire le risque de dégâts importants que celui-ci pourrait causer.

Face aux catastrophes naturelles et aux dégâts financiers et économiques qui y sont associés, nos îles du sud-ouest de l’océan Indien ne peuvent plus se permettre d’être livrées à elles-mêmes, comme Madagascar le sera dans les jours qui viennent. Nos pays s’immobilisent – et leur économie se contracte – à chaque passage d’un cyclone, à chaque sécheresse, à chaque inondation. En raison du changement climatique, ces aléas tendent à s’intensifier, rendant donc nos pays et nos sociétés encore plus vulnérables. La fatalité de ce sentiment d’impuissance humaine face aux forces de la nature peut être conjurée à bien des égards : grâce à une nouvelle approche qui inclut les instruments et stratégies de transfert des risques financiers. En raison des incertitudes entourant l’impact des catastrophes naturelles, il faut s’assurer contre les risques existants et non pas contre les catastrophes qui peuvent ou non survenir. Cette approche implique que les pertes économiques dues à la concrétisation d’un risque prévu ou imprévu doivent être «assurées», afin de ne pas affecter indûment les ressources de l’État et du secteur productif, et, partant, ne pas freiner la stratégie de développement en cours.