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Vivre dans un État policier

18 mars 2023, 12:00

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L’État policier, sous le commandement du commissaire Dip, déploie ses tentacules pour contenir les voix critiques. Journalistes, syndicalistes, activistes, tout doit être mis sous pression. Nous ne sommes plus dans une autocratie en devenir. Nous sommes désormais dans une autocratie naissante. Nous sommes à l’aube d’une dictature qui va s’agripper au pouvoir parce qu’elle ne peut pas se permettre de perdre les prochaines législatives. L’appareil d’État est alors utilisé à outrance. Les institutions comme la police, l’ICAC, la FIU, l’ESC, la MRA oublient leur mission première, et se mettent au service du régime qui nomme et y case ses petits relais.

Le temps passe, mais les réflexes d’antan liés aux patronymes, à l’éthnicité et au genre perdurent contre vents et marées. Nos préjugés demeurent tenaces et enracinés contrairement aux champs de canne qui disparaissent. Seules les girouettes changent avec le vent, ou sous la pression de l’argent facile. Partant de ce constat, on peut aisément découper la législature de la défunte alliance Lepep en au moins trois ou quatre périodes distinctes.

  1. Il y a eu l’euphorie du Viré Mam. L’alliance Lepep a beaucoup misé sur les photos, dessins de presse, éditoriaux de l’express, entre autres, pour nourrir son clip Viré Mam, qui est vite devenu viral sur la Toile, avec plusieurs centaines de milliers de vues avant le scrutin du 10 décembre 2014.L’opposition d’alors saluait notre travail journalistique et faisait feu de tout bois pour dénigrer Navin Ramgoolam et son équipe. Objectif : déboulonner le PTr du pouvoir. C’était une cause qui a suscité l’adhésion car l’usure du pouvoir de Ramgoolam (qui cumulait 14 ans à la tête du pays en 2014, dont 10 ans ininterrompus) était réelle.

Fort de sa majorité écrasante, le gouvernement Lepep, avec beaucoup de précipitation, a tout renversé, en commençant par l’empire BAI, que ses membres ont dépecé comme des vautours affamés. Certes, la bulle BAI allait exploser tôt ou tard, mais la manière de faire des Lutchmeenaraidoo-Bhadain-Collendavelloo-Duval a été brutale, revancharde, sans réflexion ni transparence. La commission d’enquête sur Britam, mise sur pied pour pourrir Bhadain, et la résiliation du contrat Betamax illustrent l’à-peu-près du gouvernement Lepep dans ses agitations pour renverser la table des gains sur les bailleurs de fonds du régime travailliste.

  1. Mais vite, soit seulement cinq-six mois après la conquête du pouvoir, l’on a vu naître et grandir l’appétit du nouveau régime des Jugnauth et de son entourage gourmand ; c’est la période du Manzé Mam. Pour ne pas être en porte-à-faux avec ses faits et gestes, Lepep a changé de discours au gré des scandales qui éclataient. Les nouveaux ministres ont vite oublié la tant promise Freedom of Information Act(qu’on attend depuis 3019 jours !!!) pour faire exactement, voire pire, que le précédent régime de Ramgoolam, avec un népotisme ostentatoire. Et au lieu de gouverner dans la transparence, le gouvernement Lepep a développé un goût prononcé pour le secret. Entre 2015 et 2017, par exemple, c’est au travers de la filandreuse Finance Act que Pravind Jugnauth a introduit une mystérieuse Investment Banking and Corporate Advisory Licence et un Film Rebate Scheme pour favoriser des particuliers. Et quels particuliers !

Notre journal révélera que cette Investment Banking Licence a été conçue pour contourner la Banque centrale qui avait, elle, refusé d’octroyer une licence bancaire à Alvaro Sobrinho. Grâce au subterfuge législatif, la Financial Services Commission de Renganaden Padayachy (aujourd’hui candidat MSM) s’est arrogé le droit de décerner des Banking Licences, entre autres, aux sociétés de Sobrino…

«  2023, certains pensent que Duval a toutes les qualités d’homme d’état, surtout après avoir sauvé le pays d’une sinistre «Prosecution Commission» qui aurait placé le bureau du DPP sous bol orange… »

La liste d’exemples qui illustrent la période Manzé Mam est trop longue pour être reproduite ici. Quelques exemples incontournables néanmoins s’imposent : nomination controversée de Vijaya Sumputh à la tête du Trust Fund for Specialised Medical Care (avec des revenus allant jusqu’à Rs 323 200 par mois) ; recrutement de la fille de la speaker comme CEO de la SLDC ; confusion des rôles des ministres (dont Roshi Bhadain) dans l’enquête sur Dufry-Frydu à la résidence de l’Attorney General, à Belle-Rose ; factures impayées de Showkutally Soodhun; implication du ministre Gungah dans l’affaire NTA ; comparutions régulières de Prakash Maunthrooa, Senior Adviser au PMO, dans le cadre de l’affaire Boskalis ; emprunt en euros du ministre des Finances auprès de la State Bank pour spéculer sur l’or ; commande de Raj Dayal pour des «bal kouler» dans le cadre de la fête Holi ; auto-recrutement de Youshreen Choomka à l’Independent Broadcasting Authority ; nomination de Christelle Sohun à l’Independent Review Panel puis comme ambassadrice de Maurice en Australie ; bras de fer entre le DPP et le gouvernement sur toile de fond des procès à la fois contre Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth; frais pour Stree Consulting pour la mort-née Heritage City ; multiples contrats de Wenda Sawmynaden; frais indécents du beau-frère et cousin de Nando Bodha,YerrigadooGate, SerenityGate et MaradivaGate… La liste est interminable…

  1. En 2019, ce n’était guère une surprise si le gros de l’électorat demeurait indécis (environ 40 %). Le reste est divisé entre Bouré Mam– c’est-à-dire fuir les Jugnauth pour se jeter dans les bras de Ramgoolam-, ou Réviré Mam– refaire confiance aux Jugnauth. Avec 37 % et des moyens pas toujours loyaux, et des computer rooms mystérieux, le régime a pu conserver le pouvoir et ainsi échapper à la justice pour les affaires évoquées en haut. Au contraire, après avoir pris des commissaires de police sous contrat, des fois renouvelable chaque mois, Jugnauth a fabriqué le personnage qu’est devenu Dip. Un homme qui a pour tâche de rendre celle de Rashid Amine impossible.
  2. En 2023, certains pensent que Duval a toutes les qualités d’homme d’État, surtout après avoir sauvé le pays d’une sinistre Prosecution Commission qui aurait placé le bureau du DPP sous bol orange. Bérenger, usé, ne veut plus jouer à l’arbitre, en s’intercalant entre les deux dynasties traditionnelles. Il a choisi son camp, son voisin,«Nuvin». Une fois encore, on ira aux urnes prochainement (la date ferait même l’objet de paris clandestins). Mais pour faire quoi avec notre bulletin ? Pour consolider l’État policier audétriment de nos libertés fondamentales ?