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La révolution présidentielle de Roshi Bhadain

25 mars 2023, 09:00

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Ce qui a retenu l’attention, suivant la publication du programme de gouvernement de Roshi Bhadain, c’est sa proposition pour l’élection du président au suffrage universel. Comme cela se fait en France, pays modèle de valeurs républicaines. 
 
Des partis politiques traditionnels se sont eux aussi engagés dans des débats sur la présidence mauricienne. Il a été question d’étendre ses pouvoirs mais avant Bhadain, personne n’est allé aussi loin que de préconiser l’élection par le peuple du président et non pas par le Parlement. Car on est resté enfermé dans le cadre de Westminster, avec le président remplaçant la reine. Pas plus. 

Si le président mauricien est élu au suffrage universel, il deviendrait de ce fait le principal acteur politique de la nation car il serait le seul à se faire légitimer par la population et non pas par un Premier ministre nommé par ses députés et alliés au Parlement. Le Premier ministre est, en effet, élu au niveau d’une circonscription, donc l’un des 21 groupements constituant le collège électoral. C’est en se faisant soutenir par une majorité des 62 élus et 8 best-losers que quelqu’un devient Premier ministre. 

Donc, suivant la proposition de Bhadain, le pays serait doté d’une direction bicéphale, avec un président élu par le peuple et un Premier ministre désigné par une majorité de députés qui, eux aussi, ont été légitimés, pas au niveau du pays, mais dans l’une des 21 circonscriptions. 

Si le président serait un homme de parti, pourquoi ne devrait-il pas s’imposer au Premier ministre car élu directement par le peuple alors que le Premier ministre ne jouit pas d’une telle légitimité ? Si le président serait un personnage indépendant largement admiré dans la population, genre Maurice Paturau dans le passé ou Pierre Dinan dans le présent contexte, voilà une raison plus que valable qu’il minimise sans problème le rôle du Premier ministre. Evidemment, comme en France, si au premier tour le candidat n’obtient pas 50% + 1 vote, il y aurait ballotage. Pas de risque qu’un chatwa vole la présidence avec 30% des voix. 

Dans la situation actuelle, avec notre Constitution qui ne prévoit qu’un président figurehead et un Premier ministre investi de tous les pouvoirs, un président élu directement par la population serait comme un lion attaché à une niche de chihuahua. Forcément, il faudrait lui créer assez d’espace pour le rendre confortable dans son rôle. De ce fait, il faudrait donner au pays une nouvelle Constitution, une Constitution de régime présidentiel. 

Il faudrait que Roshi Bhadain vienne expliquer s’il cherche à remplacer éventuellement le système de Westminster par un régime présidentiel. Les Mauriciens devraient alors nécessairement s’engager dans une révolution culturelle avant de passer d’un système à un autre. Navin Ramgoolam l’a payé chèrement en 2014 en croyant que l’électorat opterait pour un président fort face à un éventuel Premier ministre appelé Paul Bérenger. 

Roshi Bhadain reste un homme de grandes initiatives bouleversantes et il a sans doute lancé le débat sur la nécessité de jeter dans la poubelle le modèle de Westminster et refonder la société mauricienne sur des valeurs républicaines comme le firent les vaillants Français. Roshi Bhadain a amplement prouvé qu’une fois qu’il est doté de pouvoirs politiques considérables, comme à partir de 2015 avec le soutien inébranlable de Sir Anerood Jugnauth, plus rien ne l’arrête. C’est ainsi qu’il fit disparaitre l’empire de Dawood Rawat et fit couler l’énorme pétrolier de la famille Bhunjun. Si cela a coûté Rs 36 milliards aux «taxpayers» mauriciens, so what ? L’essentiel, c’est qu’on entreprenne une mission sacrée sans avoir froid aux yeux.