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Un peu de soupe à la grimace
Nous vivons dans un pays où le commissaire de police a déjà passé une nuit en prison à cause des frasques de son fils, Chandra Dip, accusé dans une affaire de détournement de Rs 80 millions au préjudice de la Bramer Bank en 2011. On ne peut clairement pas tenir rigueur au commissaire pour ce que fait son fils, mais l’image qui en découle n’aide pas. L’épouse du commissaire de police, la mère de Chandra Dip, a elle-même été arrêtée dans cette affaire, son nom figurant sur la liste des bénéficiaires de certaines sommes détournées en 2011. Cela n’arrange pas les choses non plus.
Le commissaire actuel a été nommé Acting Commissionner of Police en août 2021, sous l’article 91 de la Constitution. Il a donc été nommé par la Disciplined Forces Service Commission (DFSC) «after consultation with the Prime Minister». Comme on le sait, la DFSC est indépendante et son président, M. Luchmeeparsad, «un intellectuel raffiné», selon lui-même, nommé en février 2020, l’avait confirmé avec vigueur à l’express (*), en affirmant que pour l’indépendance de la DFSC (et de la PSC), «sa personn pa gagn drwa tousé sa». Le commissaire Dip a été depuis confirmé à son poste le 16 février 2022. C’est donc la DFSC indépendante qui endosse le choix de cette nomination.
Sur cette toile de fond, le fils du commissaire, Chandra Dip, aura choisi lors de sa comparution en cour lundi de se faire accompagner de «gros bras», afin, semblet- il, d’éviter d’être pris en photo ; une thèse qui trouvait au moins une confirmation partielle dans les «instructions» d’un huissier officiel de la cour aux photographes de presse présents. Pas bien inspiré tout ça, puisque cette démonstration de gros biceps est, au mieux, plutôt embarrassante pour le commissaire de police – que l’on peut plaindre, du moins cette fois-ci.
Ce procès, renvoyé plusieurs fois déjà, aura de nouveau bénéficié d’un renvoi au 17 avril, au motif que Chandra Dip ne sait toujours pas, 12 ans après les faits, s’il plaidera coupable ou pas, ayant d’abord besoin d’étudier le dossier à charge communiqué par la poursuite…
Je n’ai pas l’impression que tout cela aide à nous constituer l’air de respectabilité nationale que nous souhaiterions sans doute avoir ?
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Le rapport du bureau de l’Audit a été publié cette semaine avec son lot de nouvelles dérangeantes sur la gestion de l’argent public. De notre argent !
La presse quotidienne a largement couvert les furoncles purulents qui apparaissent pour l’exercice budgétaire 2021-22 : l’officier X qui a acheté des médicaments pas requis ou à plus cher que nécessaire (mais pourquoi tant de pudeur quant au nom de X ?) ; Rs 106 millions de pensions payées en excès ; Rs 341,2 millions de taxes impayées qui sont effacées (en faveur de qui ? On effaçait Rs 84,6 m pour l’année précédente), 70 % des bâtiments publics sans fire certificate, le Covid-19 Projects Development Fund qui avait accumulé Rs 27,1 milliards, soit 90 % des fonds qui y ont été transférés depuis avril 2020 (surtout pour les 12 000 maisons et les drains), mais surtout les «investissements» du gouvernement qui auront couté Rs 20,9 milliards au départ et qui sont maintenant ramenés à une fair value de ZÉRO (Maubank, Mauritius Post, National Property Fund…). On peut regretter qu’il n’y ait ni un mot sur les fraudes éventuelles sous le WAS, ni sur les implications budgétaires de la CSG…
Mais, cependant, soyons tout de même heureux que nous ayons un Bureau d’audit national qui marche et qui ne semble pas avoir froid aux yeux, même s’il est évident qu’un audit ne peut que faire des radioscopies, révéler les maladies et parfois prescrire une posologie, alors que c’est au gouvernement et à ses fonctionnaires de guérir les maux ! Ce qui ne semble pas souvent être le cas, puisqu’il y a de nombreuses récidives, ce qui, pire, révèle un fout-pas-malisme inquiétant quant à la gouvernance dont ils sont pourtant responsables !
L’exemple venant toujours «d’en haut», ce mépris et cette indolence face à l’utilisation de l’argent public ont de graves répercussions depuis longtemps déjà. Ne faudrait-il pas, pourtant, impérativement guérir ce mal au plus vite, plutôt que de perdre son temps et révéler sa petitesse d’esprit, par exemple, en localisant puis en brandissant des photos d’opposants politiques en compagnie, alors encore innocente et devenue depuis douteuse ?
Et ne me dites surtout pas que c’est légitime, à cet effet, de faire comme les autres… que l’on critique vertement ! Tout ça est tellement enfantin ! Une photo n’étant qu’un instantané circonstanciel !
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Un Premier ministre d’origine indienne pour la Grande-Bretagne, Rishi Sunak, a été choisi en octobre 2022. Cette semaine sur la frontière Nord de l’Angleterre, le nouveau Premier ministre écossais, Humza Yousaf, est d’origine pakistanaise. Fait notoire : il a 37 ans ! Heureusement qu’il n’y a pas de Kashmir entre eux deux !
Le plus surprenant de tout cela, c’est que ces deux nominations ont fait l’objet de bien, bien peu de commentaires sur le plan identitaire, ce qui est sans aucun doute un signe probant de maturité politique. On commente leurs parcours, leurs décisions, leurs convictions, leurs fautes mais ce qui compte vraiment c’est ce qu’ils ont fait et ce qu’ils feront et PAS CE QU’ILS SONT.
Nous ici, par contre, nous sommes encore au stade de trouver absolument nécessaire d’élire un Vaish comme PM et de vouloir émigrer, par exemple, … en Angleterre ! Que l’on trouvera souvent «raciste» d’ailleurs, dans un exercice de «projection» psychologique classique…, oubliant pour peu nos propres insuffisances, notre indiscipline ou nos moeurs…
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À Nashville dans le Tennessee, une autre fusillade. Encore six morts. En 14 minutes. La tueuse, Audrey Hale, 28 ans, a été décrite par ceux qui ont été ses amis ou ses professeurs comme «a sweet little thing», «very quiet, very shy», une bonne élève, une excellente illustratrice. Elle a été décrite depuis par la police comme ayant des tendances transgenres. Je ne sais pas si c’est pertinent ; 98 % des tueries de masse étant le fait de mâles… mais elle possédait légalement sept fusils de types divers…
Les États-Unis ont un vrai problème d’accès trop facile aux armes, dont des armes guerrières. Aux dernières estimations, il y avait 400 millions d’armes en libre circulation pour 332 millions d’habitants. Les ventes d’armes augmentent d’ailleurs : plus il y a des tueries, plus les gens ont peur, et plus ils s’achètent de quoi se défendre ! Résultat ? Il y avait 44 290 mortalités causées par des armes à feu en 2022, une augmentation de 31 % sur 2019, la plupart provenant d’assassinats, de suicides, etc. alors que les tueries de masse qui choquent et qui font «la Une» (définies comme requérant au moins quatre morts ou blessés) ne représentaient que 1,1 % du total des morts par balle. Il y a tout de même eu 131 tueries de masse depuis le 1er janvier !
Entre les mortalités dues à des overdoses (98 268 en 2021, soit 58 % de plus qu’en 2019) et les morts par balle, on a de plus en plus l’impression d’un début de suicide collectif… Même s’il est vrai que l’on finira bien par mourir tous, est-il besoin d’inviter la mort à une récolte précoce avec la cigarette (cancer du poumon), l’alcool (cirrhose du foie), le Covid (par manque de précautions, frayeur des vaccins), les drogues dures, l’accès trop facile aux armes à feu ?
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En Floride, où le gouverneur de Santis prend l’initiative de donner plus de pouvoir aux parents, à éliminer l’histoire noire (CRT) et à réduire les programmes affichant plus de diversité, d’équité et d’inclusion (**), des parents ont objecté à un cours dans une école de Tallahassee, montrant la statue de David de Michel Ange en la qualifiant de «pornographique». La directrice d’école, une chrétienne évangélique convaincue pourtant, a dû soumettre sa démission, sous pression de son conseil d’administration qui, officiellement, lui reproche de ne pas avoir notifié les parents d’une telle vexation… à l’avance.
Le maire de Florence, d’où la statue est originaire, a qualifié l’incident de «ridicule» en soulignant qu’il est pourtant facile de faire la différence entre l’art et la pornographie. Plus vicieusement, un journaliste a souligné que ces parents de Floride avaient l’esprit aussi ouvert qu’en 1504, année où la statue fut installée à la place Vecchio, à Florence. Michel-Ange, contre son gré, dut alors couvrir les parties génitales de David avec 28 feuilles (mobiles) en cuivre. Celles-ci ne furent enlevées qu’en 1912 !
On croyait s’être débarrassé de nos Goliaths ?
(*) https://lexpress.mu/article/370623/vidianand-lutchmeeparsad-je-suis-un-intellectuel-raffine
(**) https://www.theguardian.com/us-news/2023/mar/25/florida-principal-resigns-michelangelo-david
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