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Le bon, la brute et les truands

9 avril 2023, 07:00

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Monseigneur Piat a fait l’évènement cette semaine dans une homélie, en reprenant à son compte les craintes exprimées par tant de citoyens à propos de l’indépendance menacée des institutions, des secousses répétées contre la séparation des pouvoirs et, partant, la démocratie, des dégâts causés par la drogue, ainsi que de la confiance ébranlée dans les forces de l’ordre.

Le cardinal a mis ses propos en perspective en prônant qu’il y a «beaucoup de côtés positifs, de vraies valeurs dans notre pays», mais en soulignant que ce qui fait pleurer c’est que «justement ces valeurs, la dignité et la beauté de notre pays se dégradent». S’effilochent, quoi ! Il en appelle à la réaction citoyenne de tous afin qu’ils cessent d’être des spectateurs se contentant de commenter, pour devenir des acteurs, soudés nationalement, dans des contrats recherchant la paix, en combattant l’injustice et la corruption et en maintenant l’ouverture sur les autres et la solidarité citoyenne.

Le message est fort et bienvenu ! Malheureusement, en faisant référence à «une communauté… insultée par un chant méprisant à leur encontre», ce message aura prêté le flanc et pourrait être lu avec des lunettes tribalistes, ce que n’auront pas hésité à faire certains internautes qui ont injecté, délibérément, un angle politique ou ethnique, là où il n’y avait qu’un cri du cœur citoyen, inspiré par la vie exemplaire du Christ. Ce n’est pas que des injustices et des discriminations n’existent pas ! Elles existent bel et bien ! Mais en ajoutant trop de cibles, on brouille le message. Les outrances d’adolescents ont toujours existé, doivent sûrement être sanctionnées, mais ne méritent pas d’être extrapolées au même rang que les autres questions soulevées par le prélat…

À ceux qui disent que le cardinal aurait mieux fait de se taire parce que d’autres chefs religieux pourraient le copier, je dirais tant mieux si c’était le cas ! Tant que l’on a le pays et tous ses citoyens sincèrement en point de mire !

Au PM qui suggère qu’au lieu de rendre son anxiété publique (ainsi que celle de nombreux autres), le cardinal aurait mieux fait de venir dialoguer entre quatre yeux, dans la discrétion, il faut peut-être rappeler qu’en démocratie, le devoir de transparence existe et que la pratique du kouchou kouchou court-circuite l’opinion publique et favorise alors l’avènement et la primauté de l’exécutif au-delà du raisonnable et du souhaitable ! Surtout quand il s’agit de questions d’intérêt public ! Sans le regard aseptisant de l’opinion publique, aurait-on pu évacuer la carte platine de la présidence ? le cas Franklin ? Angus Road ? Molnupiravir ? Frydu ? Bet365 ? Macarena ? la pédophilie de certains prêtres ? Sniffgate ?...

Ceux qui écrivent qu’il faut séparer religion et politique ont évidemment raison, mais cela ne dispense pas nos autorités religieuses de pointer du doigt ce qui se dégrade et de mobiliser les consciences nationales non sectaires pour préserver ce qui compte pour nos avenirs communs. Se taire, comme tant d’autres, serait de la forfaiture, de la démission, voire de la lâcheté – de celles qui mènent à la déchéance que l’on ne souhaite pourtant pas, tout simplement parce qu’agir est jugé trop inconfortable, parfois trop onéreux.

Ce qui pousse fatalement à la question suivante : QUI est supposé assumer cet inconfort et ce coût pour les autres ?

Mgr Piat s’est déclaré «artisan de paix aujourd’hui, dans notre pays» en proclamant des vérités incommodantes pour certains et en préconisant l’engagement de chacun. Je lui emboîte le pas dans cette démarche, même si je suis non croyant. Et vous ? Que ferez-vous ? Raserez-vous toujours les murs dans l’attente d’une solution venant… de quelqu’un d’autre ?

Ça y est. Donald J. Trump, aussi sévèrement appelé «le Donald», 45e président des États-Unis, a été interpellé par un grand jury de Manhattan pour 34 cas de falsification de ses comptes. Son but inavoué étant de cacher des paiements en violation de la loi électorale et de contourner les lois fiscales de l’État de New York – cette dernière charge étant, dit-on, plus facile à prouver.

Les partisans de Trump, y compris la presque totalité du leadership des Républicains, se sont rapidement mis dans les rangs, pour des raisons électorales, évoquant une conspiration politique et une chasse aux sorcières ! Cependant, le scénario alternatif qu’il a fauté et que personne n’est au-dessus des lois, quel que puisse être sa fortune ou son parcours politique n’est pas, dans une démocratie vivante, sans de nombreux défenseurs aussi !

On y trouvera peut-être quelque éclairage dans le parcours légal absolument stupéfiant de M. Trump (*), avant même sa première campagne électorale de 2016 qui lui conférera la présidence des États-Unis ? Jugez vous-même en fonction du nombre de litiges judiciaires que vous avez personnellement affronté dans votre vie….

Selon une enquête d’USA Today datant de 2016, Trump et ses compagnies avaient été, jusque-là, engagés dans… 3 500 cas devant des cours d’États ou cours fédérales durant les 30 dernières années ; un nombre absolument sans précédent pour un candidat à la présidence ! De ces 3 500 cas, Trump ou ses compagnies étaient plaignants 1 900 fois et défendeurs 1 450 fois. Dans 150 autres procès, il s’agissait de cas de faillite ou de situations de tierces parties. Des 1 300 cas où il est possible d’établir le résultat, Trump a gagné 450 fois, perdu 38 cas et payé de sa poche pour parvenir à un arrangement 175 fois. Il y eut une fin de non-recevoir dans environ 500 cas. Les compagnies de Trump ont fini en cour plus de 100 fois à New-York pour des litiges fiscaux et, en au moins 36 fois, des hypothèques légales furent même inscrites sur ses propriétés, pour refus de payer ses taxes.

Ses démêlés avec la justice ne disparaissaient certainement pas une fois à la présidence et il faut remarquer que de nombreux procès où il fut plaignant étaient des procès… défensifs, c.-à-d., pour tenter d’émousser des attaques contre lui.

Mais comment alors proclamer une «chasse aux sorcières» par ses adversaires politiques démocrates si Trump était déjà visé par 1 450 poursuites judiciaires, avant même qu’il ne soit candidat républicain à la présidence ? Ça ressemble plutôt à une maladie chronique, non ?

Contrairement aux «sorcières» imaginaires de Salem et d’ailleurs, peut-être bien qu’il y a, dans ce cas, une vraie sorcière qui aide à construire son propre bûcher depuis longtemps déjà, avec ses mensonges, son narcissisme et ses nombreuses outrances ?

Il faut aussi compter qu’après l’épisode Stormy Daniels, arrivera sans doute le cas de l’État de Géorgie, où Trump a essayé de faire dérailler la victoire de Biden en demandant au responsable des élections de lui trouver, alors qu’il y avait déjà eu trois différents recounts, 11 780 voix pour qu’il puisse «gagner» ! De plus, les enquêtes fédérales sur sa responsabilité personnelle dans l’insurrection du 6 janvier 2021, ainsi que pour son obstruction à la justice sur les documents confidentiels de l’État déposés à Mar-a-Lago ne feront que prolonger un sacré parcours de controverses, de malversations et donc de poursuites contre quelqu’un qui se croit tout permis et qui se pense inattaquable. Comme les authentiques sorcières d’antan ? Qui, elles, utilisaient des potions maléfiques pour se protéger. Lui, il emploie des avocats…

Quant aux truands, ils sont partout et nous devons tous faire de plus en plus attention ! Ils vous volent sous la couverture d’un «contrat» et vous regardent ensuite droit dans les yeux en souriant. Ils truandent et arnaquent immodérément sur l’Internet, les petites vieilles ou les PME, peu importe, tout est bon à plumer ! Ils fabriquent de fausses nouvelles, les propagent et créent même de faux fact checkers pour asseoir leurs histoires. Un exemple : «SCREENSHOOT THIS BEFORE IT GETS DELETED. 46 of 50 USA states have now recounted and CONFIRMED that BIDEN has LOST the (presidential) vote in their state» générait 2 000 retweets en un jour d’avril 2022. Le fact checker de Reuters dénonce (**).

Choisissez bien vos sources d’information ! Le deep fake vous guette ! Au Myanmar, des truands ont kidnappé le pouvoir et tuent les opposants. En Afghanistan, des truands refusent l’éducation aux filles et le travail aux dames ; la procréation et l’élevage de la prochaine génération de talibans étant, semble-t-il, suffisants comme rôles assignés. Madoff, Bankman-Fried (FTX) et Do Kwon (Luna) ont truandé de nombreux naïfs. Les corrupteurs et les corrompus semblent faire partie du décor. L’industrie de la crédulité est florissante ! Les truands vivant de la drogue qui tue, gonflent leurs comptes en banque ou leur liste de prête-noms, mais écourtent celle des non-accros et des vivants…

Ils sont partout, ces truands et il faut faire attention !

(*)https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_ lawsuits_involving_Donald_Trump (**)https://www.reuters.com/article/factcheck-recounts-false-idUSL2N2WJ1J9