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Acteurs grotesques
Trois ministres ont réuni la presse hier dans une maladroite tentative de défendre leur collègue Maneesh Gobin et le speaker Sooroojdev Phokeer. Maneesh Gobin n’est pas encore sorti du pétrin et l’équipe dirigeante de l’ICAC semble avoir un vieux compte à régler avec lui. Raison pour laquelle, l’ICAC pa pé get figir. Gobin devra tomber s’il faut protéger la dynastie Jugnauth des terribles éclaboussures de l’affaire Franklin.
Quant au speaker, nombreux sont ceux qui veulent le voir faire face à Arvin Boolell mardi prochain. Lui qui croyait qu’il pouvait faire tout ce dont il a envie au Parlement, ne voilà-til pas que le judiciaire lui a rabaissé le caquet ! Il aurait pu demander au speakeradjoint Nazurally de présider les travaux, sauf que l’élu du ML serait, apprenons-nous, quelque peu en disgrâce avec la majorité.
Sur scène, les agents politiques comme Gobin et Phokeer jouent leur partition, comme des acteurs bien rodés, et même leurs proches collaborateurs ne voient pas comment le script est altéré, alors que dans les coulisses, des marchandages tous azimuts se produisent. Souvent avec des intermédiaires patentés.
À l’approche des législatives, nos acteurs potassent sur toutes les combinaisons possibles et impossibles. Il leur faut jouer leur va-tout, même s’ils sentent que le Titanic prend l’eau. Entre-temps les questions dans la rue s’entrechoquent. Qui ira vraiment seul aux élections ? Comment va réagir l’électorat à qui on a toujours servi des alliances (pas toujours digestes d’ailleurs) ? Qui sera le kingmaker ? Et, surtout, qui risque de finir dans la poubelle de l’histoire… Alain Delon a, un jour, sorti une phrase assassine : «Pour les acteurs et les chefs d’État, il n’y a pas d’âge pour la retraite.»
Ce terme «acteur», dans la littérature des sciences sociales, renvoie, que ce soit à l’écran de nos portables ou sur les caisses de savon, à une certaine dose d’initiative personnelle surtout sur cette mer électorale démontée. Le politologue Jean-Pierre Gaudin apporte un éclairage utile à notre compréhension du jeu des acteurs : «Une multiplicité de significations se trouve attachée au mot l’acteur ainsi qu’au terme auquel il s’est progressivement substitué en français : le comédien. Sur scène ou à l’écran, nos personnages se caractérisent, en effet, par le respect d’une contrainte, celle de suivre un texte et/ou de respecter une situation, mais également par une marge non négligeable d’initiative, d’invention, en somme de jeu. Notons ensuite qu’on ne trouve guère de correspondance directe au terme acteur : fort peu d’actor (quelques occur rences très récentes toutefois en sociologie), mais plutôt diverses sémantisations qui renvoient plus directement à des domaines constitués des sciences sociales (par exemple the individual, pour la sociologie des organisations ; the self, pour la psychologie ; ou bien même des substantifs de remplacement comme behaviors, pour les approches comportementales, de type comportementaliste ou stratégique ; ou encore interaction, en sociologie ou psychologie sociale).» L’acteur (politique) est ainsi devenu un «mot de passe» dans notre langage.
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