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Le journalisme ayant déjoué mes plans en 1995, j’ai abandonné mes rêves d’ailleurs et suis resté à Maurice pour démêler les ficelles du métier qui avaient entouré mon esprit vagabond. Et investir, avec des yeux de journaliste, le terrain mauricien, le pays profond.
Avec le photographe Benny Nina, pour nourrir la nouvelle rubrique Régions, je sillonnais l’île, à la découverte des coins et recoins peu connus. Des villages qui étaient toujours là, avec leurs vieux arbres et bâtisses en pierre, leurs sentiers, leurs jardinets, leur fontaine abandonnée. En une journée, on les redécouvrait. Amitié, Bananes, Crève-Cœur ou le Montagne-Longue de Marcel Cabon, Batimarais, Camp-Marcelin, Ripailles, Coteau-Raffin et... Britannia. Villages de pêche, villages de culture maraîchère, quelques doux vallonnements, de la verdure. «Des enfants jouent à l’enfance; des vieillards, à l’ombre d’un tamarinier, sont silencieux. Ici, un village se meurt. Là, un village prend naissance dans le bruit des bétonnières. L’île Maurice continue», exactement comme l’écrivait Pierre Renaud en janvier 1973.
Entre les papiers sur les villages et les faits divers, j’avais encore le temps et l’envie de reprendre mes études. Je me suis inscrit à l’université de Maurice en parallèle à mon travail de reporter. Finlay a bienveillamment accepté de me libérer deux jours et demi par semaine, pour que j’aille sur les bancs du campus de Réduit, à condition qu’il n’y ait pas de baisse en matière de production hebdomadaire. À l’époque, je touchais moins de Rs 3 000 par mois, un salaire de misère comparé au salaire d’un ouvrier d’usine.
À la fin de mes cours théoriques, il me fallait faire un stage en entreprise pour boucler mes études universitaires. J’ai opté pour l’express, parce que c’était un quotidien et que je voulais faire un travail comparatif avec mon expérience au sein d’un hebdomadaire. L’écriture journalistique, la ligne éditoriale, le travail de secrétaire de rédaction (qui n’existait pas alors à 5-Plus), l’organisation des équipes, les deadlines… Tout cela me passionnait. Mais à ma grande déception, Finlay a catégoriquement refusé que je fasse ce stage à l’express − il prétextait qu’il avait été bien accommodant me concernant et que je devais désormais en profiter pour redonner le temps imparti (pour mes études) à la rédaction de 5-Plus, au lieu d’aller travailler à l’express,«dans la grande presse». J’avais 22-23 ans; je n’étais pas d’accord, et lui ai répondu que ce n’était pas juste car, même si j’étais à l’université, je fournissais le même nombre de papiers, et davantage même que d’autres qui étaient au bureau six jours sur sept.
Finlay était dans tous ses états. Le briefing du lendemain allait être ma fête. Mes collègues avaient peur pour moi. Je n’ai pas dormi de la nuit. Je réfléchissais à la façon de m’en sortir, sans trop de casse. Quand je me suis réveillé, j’ai pris une feuille de papier, et j’ai écrit ma lettre de démission à contrecœur.
«Cher Finlay,
5-Plus m’a tout appris, mais j’ai encore à apprendre. Pour boucler mes études, je dois aller faire ce stage à l’express. Comme tu refuses de m’en donner la permission, je n’ai pas d’autre choix que de démissionner, contre ma volonté.
Merci pour tout ce que tu m’as appris. J’ai non seulement découvert le journalisme mais aussi une famille à 5-Plus. J’espère que nos routes se recroiseront un jour. Ton dévoué, Nad» (...)
Maintenant quand j’y pense, si Finlay Salesse m’avait laissé faire ce banal stage, je serais retourné à 5-Plus à la fin de celui-ci et n’aurais pas accepté l’offre que m’a faite Jean Claude de l’Estrac à travers Gérard Ahnee, le directeur des ressources humaines de La Sentinelle, pour être secrétaire de rédaction au quotidien. Dès lors, petit à petit aux côtés d’Ariane Cavalot et de Claude Cziffra, entre autres, j’ai gravi tous les échelons possibles, tout en poursuivant mes études, cette fois-ci à La Réunion, et mes pérégrinations dans l’océan Indien…
C’est 5-Plus ensuite qui est venu me rejoindre à La Sentinelle, après le rachat du titre, en 2003, à l’industriel et économiste George Chung Tick Kan. (…)
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