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ITLOS : Pas si historique que cela
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ITLOS : Pas si historique que cela
En tant que patriotes, nous devons saluer les avancées de notre pays dans sa longue et sinueuse lutte pour mettre fin à notre parcours de décolonisation et retrouver nos droits antérieurs au démembrement des Chagos par les Britanniques. Certes, il faut éviter de s’affronter en interne et ne pas alimenter la démagogie de l’opposition maldivienne, selon laquelle le gouvernement mauricien aurait soudoyé celui des Maldives pour que ce pays se montre plus conciliant envers nous, avec la bénédiction de l’Inde, par rapport à notre zone économique exclusive. Mais il ne faut pas exagérer non plus, le jugement de l’ITLOS (Tribunal international du droit de la mer) n’est pas vraiment à notre avantage. En fait, il ne désigne aucun gagnant ou perdant à ce stade. Du reste, les deux pays chantent victoire sur leur radiotélévision nationale: Maurice pour ses 45 331 kilomètres carrés de territoire maritime et les Maldives pour ses 47 232 kilomètres carrés (en amont de la disparition programmée des îlots à cause du rehaussement du niveau de la mer et du changement climatique).
Occulter le fait, comme l’a fait Pravind Jugnauth, que les deux sujets de fond – le «terra nullius» qu’est Blenheim Reef et l’extension du plateau continental de Maurice – n’ont pas été tranchés est malhonnête intellectuellement. La vérité c’est que Maurice et les Maldives doivent encore négocier et trouver un accord sur le plateau continental devant une autre instance onusienne. Mais cela dit, un point positif : il n’y a pas eu de recul depuis janvier 2021 et les Maldives ont compris que la ZEE de Maurice peut aller au-delà des Chagos et que leurs voisins ne sont pas britanniques, mais bel et bien mauriciens.
Au-delà du conflit frontalier entre Maurice et les Maldives, il y a le litige anglo-mauricien sur l’archipel regroupant Diego Garcia, dont la complexité pourrait nous échapper. Ce différend à multiples facettes (territoriale, juridique, politique, géopolitique et économique) doit être, lui-même, mis en contexte par rapport à une double toile de fond qui a redessiné notre monde post-1945 : 1) la guerre froide et 2) les décolonisations africaines alors que les États- Unis, avec le soutien des Indiens, tentent de contrecarrer la stratégie d’encerclement des Chinois dans l’océan Indien.
En 2019, l a Cour internationale de justice (ICJ) a émis une importante advisory opinion. Même si l’avis consultatif n’était pas contraignant (ou binding), l’instance onusienne avait fait ressortir que «the decolonization of Mauritius remained incomplete (...)», «the UK’s continued management of the Chagos is unlawful». Peu après, il y a eu une autre résolution de l’ONU, lors de son assemblée générale, à l’effet que «the UK must withdraw its colonial administration from the Chagos archipelago unconditionally within a period of no more than six months». Encore un voeu pieux, ou un coup d’épée dans l’eau. La perfide Albion a bien sûr superbement ignoré le deadline de l’ONU.
En 2021, l’ITLOS, dans le cadre du conflit autour de la frontière maritime entre les Maldives et Maurice, a rejeté les arguments maldiviens, selon lesquels les Britanniques devaient aussi être une party au conflit en plein coeur de l’océan Indien. Dès lors, il était clair que l’avis consultatif de 2019 allait être le default setting de l’ONU sur le dossier, et que les autres instances comme celles s’occupant des mappemondes n’allaient effectuer que des mises à jour. Pas de quoi donc sabler le champagne à chaque fois.
En mars 2020, on avait critiqué le gouvernement qui avait voulu vendre la nouvelle carte de l’ONU comme une reconnaissance de notre souveraineté. C’est déjà un spin de trop sur ce dossier, surtout quand Pravind Jugnauth s’est essayé au prof de géographie.
Enfin, en février 2022, le gouvernement mauricien avait créé le buzz en affrétant le somptueux Bleu de Nîmes, un yacht de luxe de 70 mètres, pour une expédition de deux semaines depuis les Seychelles. À bord, il y avait des scientifiques, des géographes, des journalistes de la presse anglo-saxonne, de même que des représentants des Chagossiens. Cela a attiré l’attention sur le conflit autour des Chagos, qui ne date pas d’hier et qui n’a pas été refermé, encore moins classé, par l’ITLOS, quoi qu’on puisse nous en dire pour des raisons de com politique…
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