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Quand l’international dope les revenus des conglomérats
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Quand l’international dope les revenus des conglomérats
Enclenchée dans les années 90 ou début 2000, la stratégie d’internationalisation des principaux conglomérats du pays, couplée en cours de route à certaines grosses pointures du secteur bancaire, porte aujourd’hui visiblement ses fruits. Pour preuve, les opérations internationales contribuent significativement à leurs revenus, dépassant dans certains cas, à l’instar du groupe MCB, plus de 50 % des profits engrangés. D’autres visent, à moyen et long termes, que la moitié de leurs revenus proviennent des opérations régionales, voire internationales.
L’avalanche de résultats financiers publiés depuis la semaine dernière montre l’apport chiffré de l’international et souligne l’engagement des dirigeants du pays à poursuivre cette voie régionale. Celle-ci se voulant la planche de salut pour contourner l’étroitesse du marché domestique et bénéficier des coûts de production relativement bas dans certains États. Notamment Madagascar, l’Inde, le Bangladesh, l’Afrique de l’Est et de l’Ouest, où des activités industrielles se sont délocalisées, avec d’autres activités commerciales en partenariat. Mais aussi pour profiter de la reprise post-Covid.
Jérôme de Chasteauneuf, directeur financier du groupe Ciel, souligne à cet effet que l’Inde et l’Afrique seront à l’avenir les moteurs de la croissance du groupe. D’ores et déjà, le textile, qui a accompagné l’aventure du groupe à Madagascar via Floréal Knitwear dans les années 90, et éventuellement en Inde et au Bangladesh, reste de loin le principal contributeur à sa croissance. Pour preuve, sur un chiffre d’affaires de Rs 27 milliards pour neuf mois clos au 31 mars 2023, le textile, comme une activité entièrement internationale, a généré Rs 13,7 milliards, soit plus de 50 %. Quant à sa profitabilité, ce pôle y a contribué presque 40 %. Sur une échelle moins grande, Ciel s’intéresse à l’Afrique, plus particulièrement à l’Ouganda, où son pôle santé a bénéficié d’un accroissement de ses capacités en maternité. Il va de soi que les ambitions régionales du groupe sont loin de se limiter à ces pôles d’activités. MIWA Sugar Ltd, récemment introduite en Bourse, contribue positivement au pôle Agro, au vu des opérations kenyanes et tanzaniennes qui continuent malgré les pressions inflationnistes persistantes dans les deux pays.
D’autres groupes lui ont emboîté le pas et se trouvent à plusieurs longueurs d’avance, alors que d’autres encore commencent à déployer leur offensive en Afrique. C’est le cas du premier conglomérat mauricien, brassant un chiffre d’affaires de Rs 40,4 milliards au 31 mars 2023, dont la stratégie régionale, exposée lors de l’Analyst Meeting 2021, se met en place graduellement au niveau des opérations du groupe, avec l’Afrique de l’Est comme tremplin.
«Beyond borders»
En fait, à partir de son ancrage mauricien, IBL pose les bases d’une stratégie baptisée IBL Beyond Borders pour développer davantage son assise internationale. Doté d’un large portefeuille d’investissements, le groupe, structuré en neuf pôles d’activité, a développé une présence sur 18 territoires différents. Après avoir marqué de son empreinte la région océan Indien, IBL exprime, nous dit-on, sa volonté d’aller plus loin, avec des visées sur l’Afrique de l’Est et australe. En rejoignant le capital de Naivas International Ltd – qui détient la totalité des actions de la chaîne de supermarchés kényane Naivas Ltd – le groupe a franchi une première étape majeure de sa nouvelle stratégie. Cette transaction est aussi l’investissement le plus important de l’histoire du principal conglomérat mauricien.
Outre la grande distribution, la stratégie d’internationalisation d’IBL est déjà en marche dans ses autres pôles d’activité. La vente au détail et l’industrie pharmaceutique sont identifiées comme des plateformes de croissance essentielles qui permettront au pôle Commercial & Distribution de réussir son incursion hors du territoire mauricien. BrandActiv finalise actuellement sa présence au Kenya – un marché en pleine croissance avec plus de 50 millions d’habitants et une amélioration du pouvoir d’achat de la classe moyenne. À terme, en jouant à fond la carte régionale, le groupe IBL, qui a affiché une croissance de 23 % de son chiffre d’affaires pour les neuf mois se terminant au 31 mars 2023 et réalisé des bénéfices nets de Rs 2,9 milliards, espère que 50 % des revenus soient engrangés de ses opérations internationales en 2025. C’est d’ailleurs l’objectif du CEO du groupe, Arnaud Lagesse.
Tout aussi importante est la volonté du groupe MUA de se déployer en Afrique de l’Est. «L’amélioration de nos opérations en Afrique de l’Est renforce notre confiance dans la région et les opportunités de croissance rentable qu’elle représente», insiste Joerg Weber, PDG du groupe d’assurances. Il ajoute que l’objectif est de continuer à rechercher une valeur actionnariale à long terme. «Nous restons convaincus que MUA est bien positionnée pour accroître sa part de marché dans la région, tout en continuant à renforcer les opérations mauriciennes pour faire face aux vents contraires, aujourd’hui et à l’avenir.» Il rappelle dans la foulée que MUA Kenya a augmenté de 103 % par rapport à la perte enregistrée pour la période correspondante de 2022.
Quid des groupes bancaires ? Ceux-ci ne sont pas restés insensibles à cette volonté de s’ouvrir à l’international et d’en engranger des résultats. Tout en sachant évidemment que ce sont des opérations à risque, tributaires de la conjoncture internationale. Dans ce registre, on ne peut occulter la présence internationale de la MCB, premier groupe bancaire de Maurice, qui vient de signaler que ses activités hors de Maurice ont contribué à 66 % de ses bénéfices de Rs 10,8 milliards, réalisés au 31 mars 2023, sur une période de neuf mois. Une performance saluée par le CEO du pôle bancaire, Jean Michel Ng Tseung, avec une présence dans une dizaine de pays et des subsidiaires à Madagascar. Il soutient que le groupe continuera à suivre de près les différents développements de son environnement opérationnel et poursuivra sa stratégie de diversification internationale avec prudence, en capitalisant sur les avancées réalisées dans des marchés niches. Son principal concurrent, la SBM, dispose en revanche d’une contribution marginale à l’international.
Toujours est-il que la démarche d’une société d’internationaliser ses opérations est dictée par un certain nombre de considérations. L’absence d’une main-d’œuvre abondante et à bon marché, couplée à un marché domestique limité en croissance, conduit forcément des entrepreneurs à s’ouvrir régionalement, voire internationalement. «Il y a nécessairement de nouveaux marchés à saisir dans la région pour avoir accès à des dizaines de millions de consommateurs, porteurs d’un pouvoir d’achat élevé, ce qui naturellement influera positivement sur les ventes pour la société», explique Imrith Ramtohul, analyste financier et conseiller en investissement.
Aujourd’hui, comme hier et surtout demain, la pression sur les conglomérats du pays pour conquérir de nouveaux marchés régionaux en vue de diversifier leurs sources de revenus se fera davantage sentir. Certains ont déjà pris le pari et récoltent déjà les fruits de leur ouverture. D’autres y réfléchissent encore…
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