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Indignez-vous !
Le gouvernement central, dirigé par Pravind Jugnauth, qui avait déjà pris en otage les cinq municipalités du pays, a, cette fois-ci, infligé un véritable doigt d’honneur aux citoyens-électeurs. Sans leur fournir la moindre explication quant au troisième renvoi des élections municipales, le conseil des ministres a annoncé, vendredi soir, un Local Government (Amendment) Bill qui sera introduit, nous dit-on, en urgence (!), afin d’amender la loi pour “empower the President, acting in accordance with the advice of the Prime Minister, to further extend the life of the entire Municipal City Council and Municipal Town Councils, or entire Village Councils for a period of two years.”
Pourquoi donc cette urgence citoyenne ?
Nos fossoyeurs de la démocratie et promoteurs de l’autocratie poursuivent leur vilaine marche : ainsi les élections municipales, qui auraient permis aux électeurs de cinq villes ou dix circonscriptions de Maurice – soit la moitié de la carte électorale – d’avoir, enfin, voix au chapitre dans la gouvernance du pays, n’auront tout bonnement PAS lieu ! Ainsi en ont décidé le Premier ministre et son cabinet de ministres-suiveurs.
Les mots sont forts, mais bien pesés. Ce qui se passe sous nos yeux indignés s’apparente à un coup d’État républicain, ou institutionnel. Destiné non pas, par la force des armes, à renverser un pouvoir, mais à asseoir un pouvoir qui a peur de voir le terrain se dérober sous ses pieds. C’est certainement une attaque de la dictature qui se met en place, un viol, un vol, une séquestration, une négation de notre democratie, un déni de l’autonomie régionale et une consolidation de l’autorité centrale, qui se permet de se substituer aux électeurs pour prolonger le mandat des élus locaux qui n’ont absolument aucun pouvoir décisionnel ou budgétaire. Oui, cela ressemble bel et bien à un coup d’État institutionnel. Car l’exécutif et le législatif vont commettre la forfaiture en plein jour, avec la bénédiction de l’Assemblée nationale, devenue un jouet entre les mains du Premier ministre et de son serviteur de speaker. Reste à savoir si, par-delà la séparation des pouvoirs, ou précisément pour apporter un rééquilibrage des pouvoirs, le judiciaire, qui devrait être saisi dès cette semaine, s’érigera en dernier rempart, en bloquant les basses manoeuvres de ces anti-démocrates, qui, fort heureusement, peur d’affronter l’électorat urbain, avant les prochaines législatives qui, heureusement, – grâce à l’amendement constitutionnel de 1982 – ne peuvent pas, elles, être renvoyées.
Cependant, face à l’incapacité manifeste des oppositions et de la société civile de mettre leur ego de côté afin d’oeuvrer ensemble, le gouvernement pourrait penser que tout lui est permis et que la peur aura raison de la fronde populaire qui finira par s’estomper, parce qu’elle est éparpillée.
Nous estimons qu’il est temps pour les citoyens de reprendre leurs pleins droits en tant qu’acteurs de premier plan dans la gouvernance du pays – et d’envoyer un signal fort à ceux qui ont oublié qu’ils travaillent pour nous, et non pas pour eux.
Avec le renvoi des municipales et le prix fort que nous payons pour les produits pétroliers, nombre de citoyens ont trouvé au moins un motif d’indignation. Tant mieux. Stéphane Hessel nous rappelle que quand quelque chose nous indigne, comme lui a été indigné par le nazisme, on (re) devient militant, fort et engagé. Bref, on redevient citoyens, en délaissant notre fourrure de moutons.
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