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Élections simultanées : Prétexte ou avancée ?
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Élections simultanées : Prétexte ou avancée ?
Au milieu des cris de protestation, le renvoi des élections municipales est venu soulever une intéressante réforme électorale qui n’était pas à l’ordre du jour sur l’agenda politique.
Dans l’après-midi du vote, aux petites heures du Local Government (Amendment) Bill, piloté avec un certificat d’urgence par le ministre Anwar Husnoo, c’est le Premier ministre qui est venu lever le voile, mercredi à Souillac, sur la possibilité d’élections simultanées : «On étudie la possibilité de tenir les élections générales, municipales et villageoises le même jour.» Vaste chantier !
Face à l’actuelle levée de boucliers contre le renvoi, jugé anti-démocratique, des élections municipales, qui a réunifié les oppositions parlementaires et extraparlementaires, Pravind Jugnauth, qui doit encore prouver qu’il n’a pas peur d’affronter l’électorat urbain, a sorti le lapin d’un scrutin omnibus de son chapeau, en prenant de court plus d’un, y compris parmi ses ministres. Dès lors, l’on est en droit de s’interroger si c’est un prétexte pour justifier le renvoi des municipales – élections qui attirent, il est vrai, de moins en moins d’électeurs –, ou est-ce un projet de réforme électorale sincère qui pourrait changer la donne et nous propulser dans une ère moderne, en rameutant des électeurs désabusés vers les urnes ?
Ailleurs, aux États-Unis par exemple, le même et seul bulletin comprend plusieurs feuillets ou possibilités de vote : on y vote, pêle-mêle, pour le Congrès (Sénat plus Chambre des représentants), mais aussi pour les collectivités locales, ainsi que sur d’autres sujets soumis à des référendums, comme la dépénalisation du cannabis, les mesures contre le changement climatique, les heures de fermeture des commerces, etc. Ainsi, on a un meilleur taux de participation, et on gaspille moins de ressources financières et humaines. Plusieurs pays ont adopté ce mode de scrutin simultané, en testant, d’autre part, le vote électronique, qui réduit considérablement les files d’attente devant les bureaux de vote.
Cependant, pour une réforme électorale de cette envergure, qui va nécessiter l’éducation de ceux qui doivent veiller au bon fonctionnement des élections, de même que celle de l’électorat, dispose-t-on de suffisamment de temps pour la réaliser avant les prochaines élections générales ou est-ce que cela servira d’excuse pour prolonger jusqu’au bout le mandat actuel – car l’amendement constitutionnel de 1982 a (heureusement) verrouillé le renvoi des législatives au-delà des cinq ans et des poussières ?
La proposition de Pravind Jugnauth, qui a pris l’opposition parlementaire de court, s’inscrit pourtant en ligne droite avec une idée similaire émise par Xavier-Luc Duval en 2018. Au Parlement, le leader de l’opposition avait déclaré qu’il était temps «de penser différemment, notamment après 50 ans d’Indépendance du pays, et de regrouper les élections pour améliorer les choses». Selon lui, «les taux de participation aux différentes élections, soit de 35 % aux villageoises à 79 % aux législatives, poussent à une réforme.» Autre argument, d’ordre économique celui-là : «Les dépenses aux élections villageoises sont trop élevées, avec Rs 215 millions dépensées aux dernières élections.» Les partis politiques, qui ne respectent pas le plafond des dépenses de l’impotente commission électorale, vont aussi dépenser bien moins d’argent (récolté sous la table).
Il est difficile de dire si le jugement du Privy Council, dans un cas quelque peu similaire d’extension du mandat d’élus à Trinité-et-Tobago, a fait frémir le gouvernement mauricien. Pour rappel, avant de se prononcer sur l’affaire Suren Dayal, les Law Lords ont cru utile de rappeler que les électeurs, et non les politiciens, demeurent souverains : «The election of representatives for a fixed or maximum period is the foundation on which a democratic society is built. It is inimical to representative democracy that the representatives are chosen by anyone other than the electorate. It is not for Parliament, still less the government to choose the representatives.» Ce qui est contraire à l’esprit du vote que vient d’effectuer notre Assemblée nationale.
Le scrutin omnibus va provoquer des débats houleux, y compris parmi l’opposition parlementaire, puisque le PTr, le PMSD et le MMM, qui viennent de déposer un document commun au bureau d’Irfan Rahman, ne s’entendent pas (encore) sur la question, encore moins sur le timing, de ce changement d’envergure.
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