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Budget 2023-24: Padayachy enclenche la grande réforme fiscale et consolide son programme socio-économique
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Budget 2023-24: Padayachy enclenche la grande réforme fiscale et consolide son programme socio-économique
Le monde appartient aux audacieux et le ciel à ceux qui lui font violence, disait Sénèque. Aujourd’hui, alors que la tempête économique s’apaise et qu’on voit les prémices de la reprise, l’on ne peut se permettre d’adopter une posture trop conservatiste. Il faut oser. Oser, car il y a des priorités de court terme et de long terme qu’il est urgent d’adresser au plus vite. Dans le même temps, il s’agit de garder le cap du programme socio-économique initié au début de ce quinquennat et qui privilégie un modèle de développement plus inclusif et plus durable. D’où l’importance de renforcer l’État providence, surtout quand on sait qu’en raison de la volatilité des prix de l’énergie et de l’alimentation, nous restons dans un cycle d’inflation persistante et qu’il est plus que jamais essentiel de défendre le pouvoir d’achat du Mauricien lambda. La notion de protection trouve ainsi tout son sens.
Le premier sentiment qui se dégage après avoir pris connaissance du pénultième budget de Renganaden Padayachy dans le fond comme dans la forme, c’est qu’il s’inscrit dans un contexte quasi électoral. Mais il serait réducteur de ramener la loi de finances 2023-24 à un exercice purement politique. Derrière ce Budget, il y a une volonté d’actionner les leviers de l’offre, mais surtout de la demande pour déverrouiller l’accès à la croissance. Ce Budget prend également un engagement très fort pour la transition de Maurice vers une économie bas-carbone tout en enclenchant un vaste programme d’infrastructures publiques.
D’abord, au niveau de la demande, on relèvera un ensemble de mesures sociales, pour ne pas dire progressistes, qui vont donner le pouvoir d’achat à toutes les catégories socioprofessionnelles. Il y a d’abord la refonte complète du système fiscal qui pourrait être un véritable game-changer. Cette réforme de la fiscalité était d’ailleurs réclamée à cor et à cri par Business Mauritius. Ainsi, à partir de l’année fiscale 2023-24, le Solidarity levy sera supprimé, alors que l’impôt personnel sur le revenu deviendra totalement progressif. L’abolition du Solidarity levy apportera plus de clarté aux investisseurs sur le taux d’imposition des sociétés et contribuera à améliorer la compétitivité de Maurice par rapport à certains de ses compétiteurs car elle envoie un signal fort que nous sommes une juridiction où la fiscalité est légère.
Concernant le nouveau système progressif de l’impôt sur le revenu, il représente une bouffée d’oxygène pour la grosse majorité des contribuables. Désormais, tous ceux percevant des revenus annuels jusqu’à Rs 390 000 ne seront pas imposables. Jusqu’à des émoluments de Rs 1 190 000, le taux d’imposition demeurera à 12 %. Ce n’est qu’au-delà des Rs 2 390 000 que le contribuable sera imposé à 20 %. Selon le ministre des Finances, cette réforme fiscale aura pour conséquence que le taux marginal d’imposition maximum baissera de 40 % à 20 %. Alors que le taux d’imposition effectif maximum chutera de 25 % à 20 %. Au total, pas moins de 150 000 contribuables paieront moins d’impôt.
Outre de soulager le contribuable et de favoriser la consommation, cette réforme fiscale rendra le pays encore plus attractif au regard des investisseurs étrangers et des professionnels qui aspirent à se relocaliser à Maurice.
Toujours au niveau de la demande, un ensemble de mesures fortes sont annoncées pour soutenir ceux au bas de l’échelle et les personnes âgées. Parmi, l’on retrouve la majoration de l’allocation CSG qui augmente à Rs 2 000 pour ceux touchant jusqu’à Rs 25 000 et la hausse de la pension à Rs 12 000 pour les seniors ayant atteint 65 ans sans oublier l’instauration d’un revenu minimum garanti de Rs 15 000. Comment ne pas mentionner la mesure progressiste baptisée «Independence Scheme» qui fait provision pour une allocation unique de Rs 20 000 aux jeunes qui arriveront à leur majorité à partir de janvier 2023 ?
Du côté de l’offre, l’État démontre une réelle volonté d’améliorer la compétitivité et l’attractivité du pays tout en créant les conditions pour accélérer l’ouverture de l’économie. Les décisions visant notamment à donner un numéro d’identification unique, que ce soit pour l’enregistrement des entreprises ou les besoins de la fiscalité ainsi que la simplification au niveau de l’enregistrement de 38 licences dans le secteur touristique, vont améliorer le climat des affaires.
Par rapport au marché de l’emploi, il faut saluer la politique de discrimination positive à l’égard des femmes que ce soit à travers le mécanisme de la Prime à l’emploi, l’obligation des entreprises ayant un personnel de plus de 250 personnes à mettre en place des facilités pour la garde d’enfant sur le lieu de travail ou encore l’obligation pour les sociétés cotées d’avoir une représentation d’au moins 25 % de femmes sur leurs conseils d’administration.
Sur le plan comptable, la loi de finances 2023-2024 tient la route. Les dépenses totales s’élèveront à Rs 200 milliards contre des recettes fiscales de Rs 179 milliards. Quant au déficit budgétaire, il sera contenu à 2,9 %. Concernant la dette publique, elle chutera de 86,1 % en juin 2022 à 79 % en juin 2023 et, selon les estimations du Trésor public, tournera autour de 71,5 % en juin 2024. Selon Renganaden Padayachy, l’objectif est, à moyen terme, de ramener la dette publique aux niveaux pré-pandémiques, c’est-à-dire autour de 60 %. De même, le Grand argentier anticipe que les mesures structurelles et conjoncturelles de ce Budget vont générer une croissance additionnelle de 2 % du PIB et créer 40 000 emplois supplémentaires. Globalement, ce Budget, assure-t-il, va permettre à l’économie mauricienne de croître autour de 8 % du PIB en 2023-24, soit au même taux qu’en 2022-2023.
Le quatrième budget de Padayachy divise. Il a le mérite d’avoir insufflé la confiance aux agents économiques. Le patronat est globalement satisfait, y voyant un budget qui trouve un bon équilibre entre l’économie, le social et le développement durable. L’on peut toutefois déplorer que certains secteurs comme les nouvelles technologies aient été quelque peu oubliés. C’est d’autant plus dommage que nous vivons à une époque où l’intelligence artificielle se déploie à une vitesse vertigineuse et qu’il y a des opportunités qu’on se doit de saisir, tout en veillant à renforcer notre cadre légal pour mieux protéger les données sensibles.
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