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Franklin versus Sabapati Derrière la drogue, la politique

19 juin 2023, 11:30

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Les affaires Franklin, Laurette et Sabapati sont inextricablement liées. Bien avant que notre journal ne révèle, à la mi-janvier de cette année, les nombreux antécédents de Jean-Hubert Celerine, dont ses démêlés avec, suivis de sa condamnation par, la justice réunionnaise, nombre d’habitants de l’Ouest avaient entendu parler du «roi de l’Ouest» et étaient témoins de son enrichissement et de ses biens spectaculaires. L’ASP Ashik Jagai, le nouveau chouchou des Casernes centrales, ne cache pas qu’il le connaît «professionnellement», parce qu’il a déjà fait des perquisitions chez lui. Mais cela n’a rien donné de probant, sauf, peut-être, une contravention pour une banale histoire de vignette d’assurance qui n’était pas collée sur le pare-brise d’un de ses bolides ! Notons que l’équipe de Jagai n’a ni filmé, ni fuité les vidéos du château ou de la chasse qui appartiendrait à Franklin. À noter aussi que, contrairement à la presse, le chef de la Special Striking Team (SST) ne savait pas que Franklin avait été condamné à La Réunion en 2021, encore moins qu’il était recherché par Interpol. D’ailleurs, c’est sans problème que Franklin a pu renouveler son passeport en 2022 avant de voyager, libre comme l’air.

Retour d’ascenseur ? Peu après l’arrestation de Bruneau Laurette par la SST, en novembre 2022, Franklin, «out of the blue», convoque la presse pour enfoncer… Laurette et, indirectement, cautionner l’action de l’équipe de Jagai, accusée d’avoir fait du «planting» dans la voiture de l’activiste. Franklin affirme qu’il ne sait ni lire, ni écrire, mais montre quand même des échanges entre Laurette et lui. Franklin explique que Laurette voulait se payer une villa valant plusieurs dizaines de millions dans l’Ouest. L’activiste, lui, ne pouvait pas lui rendre la monnaie de sa pièce parce qu’il était enfermé en cellule. Franklin est conseillé par Mes Mahendranath Soobhug (avoué) et Yatin Varma (avocat et politicien, ex-membre du Parti travailliste, considéré proche de Maneesh Gobin).

Début février 2023, dans une tentative de faire taire «l’express», Franklin nous envoie du papier timbré, parce qu’il voulait faire croire qu’il était «Mr Propre», et que c’était nous qui avions sali sa réputation. Il réclame des excuses et des dommages de Rs 25 millions. Dans la plainte contre «l’express» et l’auteur de ses lignes, il est stipulé que «plaintiff avers that in truth and in fact (A) He is not involved in any drugs (sic) dealing or trafficking (B) To the best of his knowledge, Plaintiff has never been convicted to undergo any prison sentence in Reunion Island».?

Mais Franklin ne pipe pas mot qu’il y avait 11 prévenus, des centaines de kilos de zamal cultivés à La Réunion et une revente à plus de 2 millions d’euros à Maurice.Qu’il s’agissait d’un trafic juteux réalisé entre 2017 et 2018. Que neuf d’entre eux ont été jugés devant le tribunal correctionnel de Saint-Denis. Ne manquait que deux Mauriciens à la barre, «Franklin» et «Nono», qui avaient un mandat d’arrêt au-dessus de leur tête. Le jugement correctionnel émis le 2 juillet 2021 par la cour d’appel de Saint-Denis rappelle que le mandat d’arrêt avait été émis dès le 13 juin 2019. Le tribunal de Saint-Denis a condamné Franklin et le skipper Jérémy Désiré Décidé (alias Nono), à sept ans de prison dans un jugement prononcé en leur absence.

Fait notable, confirmé en direct cette semaine : Jagai, qui compte 31 ans de lutte anti-drogue (selon son propre témoignage) qui était responsable, pendant longtemps de la région Petite-Rivière/Black River, ne le savait pas ! Du moins, c’est ce qu’il a laissé entendre sur les ondes de Top FM mercredi. Jagai a tenu à ajouter qu’il n’est pas partenaire en affaires ou «partner 50-50», avec Franklin.

«Ces bandes sonores, publiées par la presse, avant de devenir des tik tok virales, ont forcé Jagai lui-même, (maintenant que Franklin a été mis à l’ombre), à faire son coming-out médiatique…» 

Questions restées sans réponse : pourquoi le PMO, l’Attorney General et la police n’ont pas coopéré avec la commission rogatoire et les autorités réunionnaises pour envoyer Franklin faire face à la justice de l’île sœur ? Vu le contenu du jugement du tribunal de St-Denis, l’avoué Soobhug et l’avocat Varma ne sont-ils pas complices de faux en écriture, d’où leur silence ? Quels sont les politiciens de l’Ouest qui ont été financés par Franklin; Ganoo ayant avoué qu’il le connaissait, mais sans plus ?

***

Puis a éclaté l’affaire Vimen Sabapati, arrêté le 3 mai dernier toujours par la SST, dans des circonstances vivement contestées, comme dans le cas de Laurette.Sabapati manifestement connaissait certaines choses sur Franklin, Jagai et la saisie-arrestation chez Bruneau Laurette. D’ailleurs il affiche toujours un sourire quand il comparaît en cour, menottes aux poignets, et n’hésite pas à faire des déclarations aux journalistes, notamment qu’il est bel et bien l’auteur des enregistrements de ses conversations avec des membres de l’Adsu et de la SST. Son avocat, Me Shakeel Mohamed, confie que Sabapati n’a pas encore révélé tous les enregistrements dont il dispose. Les choses ont, dès le depart, pris une tournure politique. Sabapati faisait partie de la garde rapprochée privée et «bénévole» de Navin Ramgoolam. Sentant le danger, ce dernier devait préciser après l’arrestation de Sabapati qu’il savait que ce dernier était surveillé et que le parti lui avait demandé de prendre ses distances «depuis six mois» (c.-à-d. depuis novembre 2022).

Si Franklin est perçu comme quelqu’un qui a réussi en affaires sous le soleil bienfaisant du MSM, et qu’il aurait contribué, d’une manière ou d’une autre, à mettre Laurette en retrait, du moins pendant les trois mois qu’il a passés derrière les barreaux, Sabapati est, lui, devenu la personnification du mal qui entourerait le PTr. En braquant les projecteurs sur l’ancien gros bras de Ramgoolam, qui aurait été pris dans les filets de la SST grâce aux éléments fournis par nul autre que Franklin (qui connaissait fort bien Sabapati, selon nos renseignements), les stratèges du MSM veulent détourner les projecteurs de l’axe Franklin-Jagai-Gobin. Sauf que les bandes sonores sont venues apporter des éléments prouvant le contraire, en attendant que les autorités veuillent bien confirmer l’authenticité des intervenants et la véracité des graves propos tenus. Toujours est-il que ces bandes sonores, publiées par la presse, avant de devenir des Tik Tok virales, ont forcé Jagai lui-même, (maintenant que Franklin a été mis à l’ombre), à faire son coming-out médiatique… en divulgant des informations ou allégations afin d’orienter l’opinion publique.

Cependant, le tableau est loin d’être complet.Plusieurs questions restent posées : qui sont les personnes qui ont été arrosées, des années durant, par Franklin et/ou Sabapati ? Qui sont les principaux bailleurs de fonds de Franklin ? Et pourquoi a-t-on sorti Franklin de l’ombre pour qu’il essaie de salir Bruneau Laurette… Et pourquoi Sabapati essaie de dédouaner Laurette pour enfoncer Jagai ?

Tout cela pointe dans une direction : le trafic de drogue sera au cœur des prochaines législatives. Franklin sera une épine dans le pied du MSM alors que Sabapati restera un piquant dans celui du PTr. Pourtant les deux ne sont que des petits poissons qui ont été pris dans les filets. Les gros, eux, nagent dans d’autres profondeurs…