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Chagos : faisons cause commune
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Chagos : faisons cause commune
Il est réconfortant que le gouvernement et l’opposition s’entendent sur un point fondamental de notre lutte pour reprendre nos droits sur les Chagos : Diego Garcia ne sera pas cédé aux Britanniques ! Certes, il y aura toujours des divergences sur la forme, par rapport, par exemple, à la présence des Chagossiens à la table des négociations, aux arguments à présenter et à la manière de procéder pour les reloger sur les autres îlots comme Peros Banhos et Salomon. C’est principalement dû au fait folklorique que chaque parti politique doit s’efforcer de démontrer sa contribution à la cause chagossienne, alors qu’ils auraient dû conjuguer leurs efforts, comme lorsqu’ils œuvrent ensemble au Public Accounts Committee.
En ressortant, mardi, lors de sa Private Notice Question, le rapport de faisabilité de la firme KPMG, publié en mars 2015, Xavier-Luc Duval a remis sur le tapis le chiffre de Rs 50 milliards (qui feraient saliver certains dans le giron du pouvoir) par rapport à la base militaire américaine. Ce qui n’a pas manqué de provoquer d’autres débats. Avant que Xavier-Luc Duval, conscient que le chiffre pouvait fausser le débat, ne vienne recadrer la question. Ainsi, selon lui, les Rs 50 milliards incluent, pêle-mêle, «un loyer annuel pour 2023, une compensation pour les 50 années précédentes d’utilisation de la base militaire, le coût élevé pour reloger 1 500 Chagossiens, et une compensation adéquate pour les familles chagossiennes après des décennies de souffrance». Il rappelle que les États-Unis paient Rs 3 milliards annuellement pour une base militaire «moins importante au Djibouti» et que le rapport KPMG avait estimé «le coût du relogement des Chagossiens à Rs 15 milliards, sous certaines conditions, il y a 9 ans déjà, soit plus de Rs 30 milliards au prix d’aujourd’hui».
Le litige sur les Chagos demeure une réalité dont la complexité pourrait nous échapper si on ne s’attarde pas suffisamment aux faits historiques (donc chronologiques) entourant l’excision de l’archipel, qui trouve ses origines à Londres en 1965. Ce différend à multiples facettes (territoriale, juridique, politique, géopolitique et économique) doit être, lui-même, mis en contexte par rapport à une double toile de fond qui a redessiné notre monde post-1945 : 1) la guerre froide et 2) les décolonisations africaines. La guerre froide aujourd’hui revêt d’autres formes et les dirigeants dénoncent avec véhémence le néo-colonialisme qui les retient en arrière.
Au-delà de son aspect territorial, aspect qui a toujours généré des conflits entre peuples et pays, il y a une question, qui doit être tranchée juridiquement – car les efforts diplomatiques ont été depuis le début des années 1980 que des «coups d’épée» dans les eaux stratégiques de l’océan Indien. Cette question juridique est la suivante : à qui appartiennent les Chagos ? À la Grande-Bretagne (le géant Goliath), qui affirme les administrer depuis 1810, ou à Maurice (le petit David), qui clame sa souveraineté depuis 1982 ? Pravind Jugnauth a répondu, au Parlement mardi, que les Britanniques n’ont pas clamé leur souveraineté sur l’archipel, mais qu’ils n’ont pas reconnu celle de Maurice non plus, malgré deux jugements internationaux en notre faveur.
Les faits sont sacrés. On peut débattre ensuite de leur interprétation mais, à la base, ils sont têtus, indéniables, et ils doivent être connus, vulgarisés, questionnés, pour qu’on progresse dans le débat pour retrouver notre souveraineté sur les Chagos.
On est réaliste : la route pour (re)planter le quadricolore sur les Chagos est longue et surtout parsemée d’embûches et de pièges (dirty tricks). Il est de notre devoir patriotique de veiller à ce que l’on soit bien préparé dans notre stratégie de reconquête des Chagos.
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Sydney Selvon, ancien rédacteur en chef du Mauricien soulignait, dans un article publié dans nos colonnes il y a quelques années, qu’«il est inexact et extrêmement grave de dire que Maurice a vendu les Chagos (…) Cela est interdit dans le droit international depuis que la notion de self-determination (autodétermination) a été érigé en droit sacrosaint des peuples (…) En droit international, toute tentative ou toute vente proclamée d’un territoire colonial sans auto-détermination formellement exercé par son peuple est illégal (…) Si vente il y a eu, elle est nulle et non avenue (…) Les Mauriciens auraient dû être consultés dans les paramètres imposés par le droit international».
Dans les documents officiels, le versement des trois millions de livres sterling, encaissées par l’Accountant General à Maurice, est qualifié de «vente des îles des Chagos». Selon eux, cet argent est une compensation «pour la perte de souveraineté». D’ailleurs, l’avoué britannique Richard Gifford, qui a représenté avec beaucoup d’humanisme les Chagossiens, a déclaré : «Seychelles et Maurice étaient les deux seuls pays qui connaissaient l’existence de la population chagossienne et ils auraient pu objecter. Leur complicité a été facilement achetée». (NdlR : p. 75, L’an prochain à Diego).
D’autres faits (facilement vérifiables dans notre Hansard) : le 26 juin 1980, au Parlement, le ministre des Affaires étrangères sir Harold Walter le dit sans détour : «Le BIOT fait partie du Royaume-Uni, exactement comme la France possède les Dom-Tom (…) on ne peut rien changer ; ceci est un fait !» Walter ajoute : «Un fait ne peut être nié». Selon lui, c’est avec l’accord de Maurice que Diego Garcia a été excisée.
Le 27 juin 1980, sir Seewoosagur Ramgoolam donne une conférence de presse et il est aussi direct que Walter : «Maurice ne possède plus Diego Garcia. Nous avons été consultés, nous avons accepté de “give away” Diego Garcia et le gouvernement britannique a payé trois millions de livres de dédommagement. SSR renchérira : «Le pays se ridiculiserait aux yeux du monde s’il voulait inclure Diego Garcia dans le territoire de l’État mauricien».
Sir Gaëtan Duval, éminent juriste et ex-leader du PMSD, a aussi officiellement reconnu que Diego Garcia est un territoire britannique. «Maurice avait beau ne pas être autonome quand elle a vendu Diego, le fait important reste qu’elle a gardé les 40 millions de roupies obtenues, même après l’indépendance. Le gouvernement mauricien reconnaissait ainsi que cette vente avait bel et bien eu lieu.» Pour SGD, il n’y a pas de débat possible : «La transaction est ainsi reconnue et devient légale».
Si les faits sont indéniables, en revanche, il nous faut débattre des interprétations possibles (qu’elles soient d’ordre juridique ou politique) de ces faits. Les nier, c’est faire preuve d’antipatriotisme.
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