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Discriminations d’hier et d’aujourd’hui
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Discriminations d’hier et d’aujourd’hui
À bien des égards, le soulèvement des quartiers populaires en France après la mort de Nahel M, 17 ans, rappelle la mort de George Floyd, en 2020, aux mains de la police aux États-Unis, et, peut-être, aussi celle, en février 1999, de notre Kaya national dans une sombre cellule des Casernes centrales à Port-Louis, alors qu’il était sous surveillance policière. Il faut toujours faire attention à ne pas faire des raccourcis quand on fait des comparaisons de discriminations en raison des contextes différents. Mais la police, perçue comme étant «raciste», semble, dans ces trois cas, être une cause commune, même s’il y a plein de choses qui sont liées intrinsèquement à ces trois tristes événements, qui ont engendré des émeutes de quartiers.
Dans le cas de Kaya, malgré une enquête judiciaire, aucune image ne s’est imposée pour affirmer la vérité. Il n’y avait pas de smartphones dissimulés dans les cellules à cette époque. Les cellulaires étaient alors assez gros et ne faisaient pas, ni ne diffusaient de photos en temps réel.
Or dans les cas de George Floyd et de Nahel, des images vidéo ont vite surgi pour démentir les fausses versions de la police. Et l’on a vu que ce n’était pas des accidents, mais bel et bien des actes policiers barbares, répréhensibles, condamnables et... révoltants.
Face aux débordements citoyens, les services de com de la police tentent toujours dans un premier temps de mettre en avant que les officiers se sentaient en danger face à ceux qu’ils ont dû neutraliser (ils ne vont jamais dire «abattre»). Ainsi George Floyd était «un toxicomane connu» affecté par «un délire excité chez quelqu’un de trop grand» et le petit Nahel avait une «tendance criminelle». Les victimes sont criminalisées au-delà de la tombe. Kaya, lui, aurait cogné sa tête et ses dreadlocks contre les barreaux d’Alcatraz parce qu’il était en manque de produits illicites. D’où ses blessures à la tête. Sauf que la police a d’abord pour mission de protéger les citoyens, contre toute forme de violence.
Le journaliste Cemil Sanli, par rapport à la mort de Nahel, écrit ceci : «Il a été tué deux fois, une fois par la balle et cette mort a été instantanée - mais son nom a également été empoisonné par un lent récit policier de jour en jour.» Ce récit policier, démenti par la video, a surtout eu pour effet d’inciter et d’amplifier un débordement des rébellions de la jeunesse, de la France à Bruxelles et Lausanne [Suisse], qui s’est poursuivi en Europe ou ailleurs. Car les braises sommeillent... Selon un sondage français (le Cevipof), 74% des policiers de service en France ont l’intention de voter pour le Rassemblement National, le parti d’extrême droite de Le Pen !
De l’autre côté de l’Atlantique, la période post-George Floyd et les bouleversements de Black Lives Matter ont obligé la police à revoir son modus operandi pour ne plus donner l’impression qu’elle est anti-minorités ou anti-immigrés.
Chez nous, des policiers filment eux-mêmes leurs actes barbares. Encore heureux qu’avec de tels comportements et de preuves flagrantes qu’on n’ait pas encore brûlé les Casernes centrales ! Dip, Jagai et consorts doivent tirer des leçons de ce qui se passe ailleurs.
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L’histoire emprunte le chemin inverse et tergiverse. Si les manifestations contre les différentes formes de racisme ont leur raison d’être, en raison du caractère inacceptable de la mort de Floyd et de Nahel, en revanche, les violences, pillages, et autres dérives de ces manifestations, surtout les tentatives d’effacer l’histoire, posent problème.
On a ainsi tenté de déboulonner Churchill car il avait sa part d’ombre et de lumière. «I do not admit, for instance, that a great wrong has been done to the Red Indians of America or the black people of Australia. I do not admit that a wrong has been done to these people by the fact that a stronger race, a higher-grade race, a more worldly wise race to put it that way, has come in and taken their place», aurait dit Churchill à la Palestine Royal Commission, selon la BBC.
En 2015, la journaliste américaine Madhursee Mukerjee, dans son récit Le Crime du Bengale, éclaire le côté sombre de Churchill : «La demande d’indépendance des Indiens a fait avaler son cigare à Churchill, qui a répondu : ‘Comment ? Partir à la demande de quelques macaques ?’ Abondant dans le même sens, Shashi Tharoor, ancien diplomate à l’ONU et député indien, résumant les dégâts de la colonisation britannique en Inde lors d’une causerie à Oxford University, explique que Churchill, à ce moment précis de l’histoire, était motivé «par la nécessité de nourrir ses soldats et son peuple (…). Il néglige donc les Indiens et leur approvisionnement en céréales. Conséquence : une famine cause la mort de 3 millions d’Indiens».
Mais l’histoire est un tout. Le contexte importe. Les nations à économie plus développée, comme les pays du Nord, doivent leur statut et leurs richesses à leur passé colonial. Aux États-Unis, la statue du militaire sécessionniste Robert Edward Lee provoque toujours des débats, pétitions et manifestations. Parce que Lee possédait des esclaves à Arlington, en Virginie, qu’il faisait fouetter en sa présence, «ordonnant même à un gardien de verser de la saumure sur leurs plaies»
Comme la guerre, l’histoire est faite de sang, de larmes, de sueur, mais aussi d’enseignements majeurs que les générations futures doivent connaître dans leur intégralité, sans filtre. Les censeurs n’ont pas le droit d’effacer l’histoire, au nom de leur morale contemporaine. Comme le dit Orwell, dans son roman 1984, «celui qui contrôle le présent contrôle le passé. Celui qui contrôle le passé contrôle le futur…»
À Maurice, si on maintient le «divide and rule» légué par les Britanniques, et incarné constitutionnellement par le Best Loser System, on va fragiliser davantage le tissu social. Les émeutes Kaya ont démontré que sous l’arc-enciel se cachent des pyromanes, des caches d’armes et des explosifs...
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