Publicité
Cirque, clowns et circonlocutions
Par
Partager cet article
Cirque, clowns et circonlocutions
«Non, le Parlement n’est pas un cirque !», a lancé avec tout le sérieux pouvant le caractériser le ministre Stéphan Toussaint, celui qui ne jure que par l’orange. Perché sur sa chaire, le speaker ne bondit pas, il donne l’air d’acquiescer la performance du ministre dit «Fanta».
Peut-être vivons-nous un semblant de gag en direct, une sorte de surprise sur prise... Toussaint prend ses airs et parle des artistes avec une passion remarquée. Il serait mieux aux arts qu’à la culture ou aux sports. Mais qui suis-je pour le contrarier ? Qu’un spectateur au poulailler...
A few moments later : Toussaint se bombe le torse, évoque Molière et les alexandrins, fait la leçon aux autres, et puis se lâche : «Un jour Osman Mahomed m’a traité de clown. Oui, je suis fier d’être un clown...» Autour de lui, Bobby Hurreeram, Avinash Teeluck, Maneesh Gobin, Steven Obeegadoo applaudissent la franchise de Toussaint. Eux aussi sont des clowns, mais ils n’ont pas la modestie pour (se) l’avouer.
A voir ces politiciens en délire, à écouter leurs élucubrations sur la culture, ils semblent assez déconnectés du réel, évoluant dans leur imaginaire, dans un monde qui ne tourne pas rond. Du lot, Toussaint est le seul à arborer l’orange au quotidien, pourtant il ne peut prétendre être plus MSM que, disons, Pravind Jugnauth. Il doit penser comme Camus : «Etre différent n’est ni une bonne, ni une mauvaise chose. Cela signifie simplement que vous êtes suffisamment courageux pour être vous-même.» Pourquoi donc ? «Parce que l’Homme s’enferme trop souvent dans des schémas ne lui permettant pas d’exister réellement et d’affirmer clairement ses convictions. Nous sommes, en effet, emprisonnés par une immense pression venant du monde extérieur : le jugement d’autrui, notre culture, bref des schémas classiques auxquels il faudrait naturellement adhérer sans hésiter (...)»
***
Nous avons voulu nous mettre à la place de thuriféraires du régime. Pour comprendre comment ils font pour flatter avec excès sans s’auto-anesthésier, pour se convaincre qu’ils sont dans le droit chemin, comme le gentil Sunil Bolah, qui encore une fois remplace sur scène l’acteur Renganaden Padayachy – qui est parti pour décrocher le prix du meilleur ministre des Finances en Afrique (non ce n’est pas un délire de plus!).
Le script qu’on pourrait donner à ceux qui flagornent Pravind Jugnauth est le suivant. Il faut trouver la bonne tonalité, un peu comme celle de Toussaint, une voix qui porte, au-delà des gradins et des clameurs, toute la puissance de celui qui déclame :
«Autour de notre leader Pravind Jugnauth, nous avons la chance d’être des dirigeants politiques qui mettent l’intérêt du pays avant les leurs. Lui-même ne peut pas porter la couleur orange tous les jours, alors nous le faisons à sa place, quitte à ce que l’on subisse les pires quolibets. Ce n’est pas grave, pour Pravind Jugnauth, on est prêt à prendre des balles !
«Contrairement à d’autres pays, ici pas question de protéger une maîtresse ou un coreligionnaire. D’abord nous n’avons même pas de relations illégitimes, nous sommes des membres honorables de notre auguste Assemblée nationale, haut lieu de la culture mauricienne et de l’intelligentsia qu’elle engendre, avec un speaker qui ne dit pas en permanence : Look at your Face!
«Pas question non plus d’octroyer des contrats sans appels d’offres ou de révoquer des présidents de conseils d’administration d’organismes parapublics parce qu’ils ont menti par rapport à leurs diplômes et qualifications. D’ailleurs, pour prendre le cas du CEB, les ‘chairmen’ ne jouent pas à la chaise musicale et ils se succèdent dans la plus grande sérénité, en se partageant des notes pour le bon suivi des dossiers.
«Nous attendons le verdict du Privy Council pour qu’ensemble nous puissions réformer le système électoral, afin de réduire à zéro le potentiel de gaspillage des fonds publics, et pour donner envie aux jeunes de rester au pays, où leur avenir est assuré, où il n’y aura ni chômage ni pauvreté. Le mérite sera le seul critère... de la plus haute fonction au plus bas de l’échelle. L’égalité des chances est une réalité, sinon comment expliquer notre présence au Parlement. Nous sommes des Mauriciens avant tout. «Notre police est une véritable force. Les enquêtes criminelles sont bouclées très très vite car nos limiers ne négligent aucune piste et utilisent les dernières avancées technologiques pour exploiter le moindre indice. Les actes de corruption sont inexistants, tant nos autorités sont efficaces et tant les officiers sont fiables, incorruptibles. Et il ne viendrait même pas à l’idée d’un citoyen de corrompre un fonctionnaire, tant les procédures et démarches sont gérées rapidement (...) Les avocats, avoués, notaires et autres huissiers sont des professionnels intègres, que tout un chacun respecte, et déclarent chaque sou de leurs revenus...»
Fin de la pièce tragi-comique.
Publicité
Les plus récents