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La dynamique de l’alternance
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La dynamique de l’alternance
La tentative du gouvernement de minimiser l’impact du congrès réussi de l’opposition parlementaire, à Mare-d’Albert vendredi, traduit une anxiété certaine. L’enthousiasme et la forte mobilisation des agents du bloc PTr-MMM-PMSD provoquent sur le terrain un rééquilibrage des forces politiques. Abusant de l’appareil d’État, le MSM et ses partis satellites occupaient le terrain en profitant des divergences entre les trois principaux partis de l’opposition parlementaire. Pratiquement tout a été fait pour bloquer la concrétisation de cette alliance qui vient rebattre les cartes. Mathématiquement, le régime MSM, avec ses 37 % de 2019, sans compter l’usure du pouvoir, ne fait pas le poids contre les plus de 50 % du trio Ramgoolam-Bérenger-Duval, mais il lui reste un argument de taille : jouer à fond la carte de Money Politics, à défaut de pouvoir ressortir celle d’Ethnic Politics.
Bien avant l’affaire Kistnen, il est de notoriété publique que la loi désuète sur les dépenses électorales n’est qu’une fumisterie. Elle encourage le mensonge, l’absence de transparence, la corruption, entre autres. Tous les politiciens des principaux partis politiques, et les autorités dites concernées, dont la Commission électorale, s’en accommodent depuis des décennies. Le système ne va pas changer car tous ceux qui bénéficient d’un tel système pourri – et qui se partagent le trésor de guerre électorale en famille et entre clans – ne vont pas se faire harakiri dans une tentative de changer la donne, au nom d’une hypothétique réforme électorale.
La construction du Sun Trust par sir Anerood Jugnauth, la découverte de Rs 220 millions dans l’un des coffres de Navin Ramgoolam, le chèque de Rs 10 millions de Dawood Rawat au profit du MMM et, tout dernièrement, la découverte d’un carnet de campagne des dépenses du trio Pravind Jugnauth-Leela Devi Dookun-Yogida Sawmynaden lors des dernières législatives au no 8 attestent que le plafond de Rs 150 000 par candidat n’est qu’une mascarade – qui vient conditionner d’emblée le début et la fin des législatures. Face au rassemblement des trois plus vieux partis de l’échiquier, Pravind Jugnauth dispose de fonds insoupçonnés.
Face à la dynamique de changement qui s’est installée depuis peu, l’argent seul pourra-t-il permettre au Sun Trust de conserver les rênes du pays ? Quelles sont les limites des Money Politics ?
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L’express est en possession du carnet des dépenses du trio JugnauthDookun-Sawmynaden depuis septembre 2020, soit avant le décès de l’activiste Soopramanien Kistnen. On l’avait rangé dans nos dossiers avec les dépenses excessives des autres candidats des autres circonscriptions. Oui, le cancer est généralisé. La Commission électorale aussi reçoit pas mal d’informations qui vont dans le même sens – nous sommes souvent en copie des correspondances qui dénoncent les politiques. C’est devenu une routine à chaque élection.
Ce carnet du no 8 vient en fait confirmer dans les détails l’inflation des dépenses électorales et les gros moyens déployés. Notre travail de terrain, auprès des commerçants et des agents du no 8, nous avait d’ailleurs permis de confirmer l’authenticité des reçus – et de constater l’ampleur du phénomène de Money Politics qui s’aggrave de scrutin en scrutin, en ajoutant les fonds perdus des jeux de hasard, alors que la loi, elle, demeure statique et les observateurs locaux et internationaux n’y voient que du feu, quand ils ne préfèrent pas regarder ailleurs.
Les dernières élections villageoises, qui ont vu la victoire de bon nombre de candidats anti-MSM, auront, elles, connu un revirement spectaculaire au niveau des conseils de districts, qui sont restés sous le contrôle du MSM – à Savanne, le MSM vient de récupérer le siège du président. Le phénomène de Money Politics n’y est pas étranger. Tout le monde le sait, mais on laisse faire ici aussi. Car les autorités et les observateurs sont devenus blasés et ont perdu leur pouvoir d’indignation et d’investigation. C’est le plus dangereux en fait : quand l’on sait que ce n’est pas bien, mais qu’on laisse faire.
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La base du MSM, représentée par des agents politiques jusque-là soumis comme feu Soopramanien Kistnen, serait-elle aujourd’hui en train de s’effriter, malgré quelques tentatives de débaucher des agents peu connus de l’opposition ? Cela semble être le cas à la lumière des récents événements. L’avantage d’avoir un contre-pouvoir politique puissant se verra dans les prochains jours. Le gouvernement n’aura plus les coudées franches et ne pourra pas persister dans sa voie d’autocratisation. La peur de perdre le pouvoir va obliger le régime autoritaire d’être davantage à l’écoute d’un électorat qui n’avait plus le choix jusqu’ici. L’alternance existe désormais. Tant mieux pour notre démocratie.
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