Publicité
L’autre alliance !
Pratiquement deux semaines après la première sortie publique de la nouvelle alliance PTr-MMM-PMSD, le Premier ministre a, lui, voulu s’unir... avec la presse. Cette nouvelle alliance pouvoir-presse s’avère un changement de paradigme important du Prime Minister’s Office. Hier, une section de la presse, dont l’express, y était interdite d’accès, même pour couvrir des conférences de presse d’importance nationale comme sur le Wakashio ou le Covid-19. Les conseillers et ministres de Jugnauth avaient exacerbé les relations habituellement tendues entre le pouvoir et la presse libre et indépendante, afin de tirer les ficelles dans l’ombre, en profitant de la situation malsaine pour justifier leur existence.
En mai dernier, le public avait pu voir à quel point Pravind Jugnauth vilipendait la presse. L’inauguration de l’autopont du Quai D avait provoqué un piquant échange entre le Premier ministre et la presse sur pas mal de sujets d’actualité. D’une humeur massacrante au ton légèrement menaçant, le Premier ministre avait, en une trentaine de minutes, réglé ses comptes avec l’opposition et la presse. Si le combat – nécessaire – contre la drogue est le prétexte choisi pour convier l’ensemble de la presse, il ne faut pas oublier ce que Pravind Jugnauth avait dit devant les caméras de la MBC, il y a quelques mois. La situation était autre et il fallait montrer un PM pouvant donner des coups en direct aux journalistes. Il avait asséné (en volant à la défense de Maneesh Gobin par rapport au Curry-Cerf à Grand-Bassin): «Assumez vos responsabilités, si vous voulez reprendre ces allégations. Pa fer palab. Mo pa anpes ou dir seki ou pé anvi dir, mé ou pa pé fouti dir!» (Rires de sa garde rapprochée, gonflée par cette riposte du Premier ministre face à la presse.) Aujourd’hui cette même garde rapprochée doit faire des courbettes devant les journalistes.
Le ton a changé. La presse est redevenue un partenaire qu’il faut consulter, même si on refuse d’aborder la question du boycott publicitaire. Tant mieux si le PM est sérieux dans son intention de vraiment combattre la drogue, sans politiser le dossier. En espérant qu’il comprenne enfin qu’il n’est pas dans son intérêt d’asphyxier la presse ou de brandir, alors que les élections se profilent, quelques publicités gouvernementales comme des carottes pourries, après avoir abusé du bâton.
***
Voilà plusieurs semaines que le contenu audio du pen drive, rattaché à l’affidavit du détenu Vimen Sabapati, est du domaine public, mais la tendance a été surtout de punir l’ancien garde du corps de Navin Ramgoolam au lieu de focaliser sur les ramifications de l’affaire, qui est venue confirmer le pourrissement d’une section de la police et l’infiltration de la mafia des drogues dans les sphères décisionnelles. Les extraits sonores diffusés, entre autres sur lexpress.mu, nécessitaient pourtant des actions rapides et non-conventionnelles pour mater la puissance des réseaux mafieux actuellement à l’œuvre.
D’ailleurs en juin dernier, l’express soulignait en éditorial : «On n’a pas d’autre choix que de s’unir en une seule alliance nationale pour nettoyer la police et combattre les mafieux. Nous pensons qu’il est impératif que Pravind Jugnauth, Xavier Duval, Navin Ramgoolam, Paul Bérenger et Rama Valayden, s’ils sont de vrais patriotes, devraient, dès ce matin, annuler leurs occupations sociales habituelles pour s’asseoir autour d’une table afin d’entériner, ensemble, des mesures exceptionnelles, de concert avec le commissaire de police. On n’a pas une minute à perdre, tant la situation est préoccupante. La mafia s’est infiltrée à des niveaux inimaginables...»
Est-ce normal, après ce qui est désormais du domaine public, que le notoire ASP Ashik Jagai et son équipe soient toujours en service, même s’il ne s’agit que des allégations à ce stade ? D’ailleurs qui va enquêter : la police sur la police ?
Comment le commissaire de police pourrait laisser une poignée d’officiers, manifestement corrompus et mouillés dans le trafic, ternir la réputation de plus de 12 000 policiers (dont la plupart, j’ose espérer, sont irréprochables) ? Les tomates gâtées ne contaminent-elles pas les autres à une vitesse bien plus grande que les examens de promotion au sein de la jadis «force» policière ?
Pourquoi Jagai a essayé de faire arrêter des journalistes à la suite des articles relatifs à Franklin ? Pourquoi et pour qui a-t-on protégé et protège-t-on Franklin, au lieu de le mettre sur un avion pour St-Denis ?! La question est encore plus pertinente aujourd’hui.
Si Franklin est perçu comme quelqu’un qui a réussi en affaires sous le soleil bienfaisant du MSM, et qu’il aurait contribué, d’une manière ou d’une autre, à mettre Laurette en retrait, du moins pendant les trois mois qu’il a passés derrière les barreaux, Sabapati est, lui, devenu la personnification du mal qui entourerait le PTr. En braquant les projecteurs sur l’ancien gros bras de Ramgoolam, qui aurait été pris dans les filets de la SST grâce aux éléments fournis par nul autre que Franklin (qui connaissait fort bien Sabapati, selon nos renseignements), les stratèges du MSM veulent détourner les projecteurs de l’axe Franklin-Jagai-Gobin. Sauf que les bandes sonores sont venues apporter des éléments prouvant le contraire, en attendant que les autorités veuillent bien confirmer l’authenticité des intervenants et la véracité des graves propos tenus. Toujours estil que ces bandes sonores ont forcé Jagai luimême (maintenant que Franklin a été mis à l’ombre), à faire son coming-out médiatique… en divulguant des informations ou allégations afin d’orienter l’opinion publique.
Cependant, le tableau est loin d’être complet. Plusieurs questions restent posées : qui sont les personnes qui ont été arrosées, des années durant, par Franklin et/ou Sabapati ? Qui sont les principaux bailleurs de fonds de Franklin ? Et pourquoi a-t-on sorti Franklin de l’ombre pour qu’il essaie de salir Bruneau Laurette… Et pourquoi Sabapati essaie de dédouaner Laurette pour enfoncer Jagai ?
Tout cela pointe dans une direction : le trafic de drogue sera bel et bien au cœur des prochaines législatives. Franklin sera une épine dans le pied du MSM alors que Sabapati restera un piquant dans celui du PTr. Et Pravind Jugnauth veut gagner la presse à sa cause...
Publicité
Les plus récents