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Aigreur insulaire
Les Réunionnais sont furax. Après la déclaration du PM Navin Ramgoolam, de nombreux citoyens de l’île soeur crachent leur colère sur les sites d’information réunionnais. «Il vaut mieux être assisté et un pays développé, que d’avoir une fierté mal placée et d’être un pays sous développé», écrit «fière d’être assistée» sur linfo.re.
«Enemauricienreunionnais», se dit «en tant que Mauricienne vivant à La Réunion choquée par les propos du Premier ministre mauricien », toujours sur le même site.
Les commentaires sur cette polémique pleuvent, à la radio ou sur internet. Et on peut aisément le comprendre car la déclaration du PM est une attaque à la dignité d’une population avec laquelle nous avons un lien sororal eu égard à la géographie et à l’histoire. Navin Ramgoolam a peut-être dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Les chiffres du chômage réunionnais entretiennent l’idée d’une île où il n’est pas nécessaire de travailler pour un salaire minable alors que l’Etat garantit des aides sociales. C’est d’ailleurs ce que fait ressortir un article sur toutelareunion.net selon lequel «la théorie de néoclassiques du chômage volontaire pourrait être appliquée sur l’île». Et là, deux commentaires seulement dont l’un qui voit dans le revenu de solidarité active une solution (RSA : prestation sociale qui en intègre plusieurs dont le revenu minimum d’insertion, RMI).
La Réunion, au niveau de l’emploi, est le plus mauvais élève français : 37 % de la population est en recherche d’emploi. Pire, 52 % des Réunionnais vivraient sous le seuil de pauvreté, note Sanjiv Dinama dans un article de Temoignage.re mis en ligne en octobre 2009. Cela dit, l’enjeu du travail à La Réunion ne saurait se limiter à des chiffres et plus encore à une pique stérile sur l’assistanat.
L’île soeur n’a pas eu le même parcours de développement que Maurice. A cause de la tradition française centralisatrice et généreuse en matière d’aides sociales qui a contribué à l’enlisement du potentiel économique de l’île soeur ? La fonction publique, le BTP (Bâtiment et travaux publics) et le tourisme sont les principaux secteurs d’embauche. Au niveau industriel, rien ou presque. Pour faire court, la métropole française a soutenu le passage d’une économie primaire vers sa tertiarisation, axée surtout sur le fonctionnariat. Du coup, le tissu industriel pourvoyeur d’emplois s’est très peu développé notamment en ce qu’il s’agit de la substitution aux importations.
Il y a tout un ensemble de facteurs additionnels qui expliquent la situation presque inextricable du marché du travail réunionnais (lourdes charges à la création d’entreprises, dépendance des importations, accès facile au crédit, formations inadéquates aux réalités du marché...). Parler donc d’assistés au détour d’un discours est certainement cavalier et mal réfléchi. Cela dit, c’est un cliché que des sites réunionnais ne démentent pas dans des articles en ligne traitant du chômage.
Pour le raffermissement des liens, il faudra repasser. L’aigreur des Réunionnais est compréhensible. Quant à l’opinion des Mauriciens, qui ont de quoi s’enorgueillir du parcours de développement du pays, c’est un raccourci facile qui reflète néanmoins une (partie de la) réalité.
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