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Après notre lettre ouverte - conversation hors-salon avec Plenel

8 mars 2014, 07:01

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Avant même d’arriver à Maurice, Edwy Plenel avait lu sur Internet la «lettre ouverte» que l’express lui avait adressée dans son édition du mardi 4 mars. Notre propos était précisément de lui «faire une prise de judo» journalistique, pour reprendre ses termes, c’est-à-dire profiter de sa venue au Salon du livre, organisé par la cellule Culture et Avenir du bureau du Premier ministre, et de son aura de journaliste politique farouchement indépendant, pour mettre en lumière la situation sombre de la presse à Maurice. Une presse qui demeure sujette à des tentatives de bâillonnement et d’intimidation du gouvernement.

 

Edwy Plenel, résolument pour le participatif et les échanges en temps réel, affirme avoir résisté à l’impulsion de nous répondre (il n’a pas apprécié qu’on l’accuse de venir faire des conversations de salon à Maurice !) sur le Net, dans le fil des commentaires, avant de prendre l’avion. Il voulait d’abord cerner notre démarche, puisque, entre-temps, il devait apprendre que La Sentinelle était l’un des partenaires du Salon du livre. «Je me suis dit : tiens, il m’écrit une lettre, puis en même temps, son groupe est partenaire de l’événement, je voulais comprendre. C’est pour cela que j’ai choisi de vous téléphoner dès mon arrivée à Maurice, de discuter de vive voix avec vous, avant de réagir publiquement…»

 

Ainsi, nous avons pu expliquer à Edwy Plenel que, même si nous sommes l’un des sponsors du Salon du livre (puisque nous croyons fermement que la culture se doit d’être soutenue), cela n’a aucune incidence sur notre ligne éditoriale. En somme, cela ne nous empêche nullement de critiquer le gouvernement par rapport au traitement antidémocratique que subit la presse, ou les organisateurs par rapport à l’utilisation des fonds publics. Du coup, Edwy Plenel est devenu notre allié, un vrai défenseur de la liberté de la presse mauricienne.

 

Rencontrant le Premier ministre mauricien, Plenel, avec son ton doucereux, sans polémiquer, a su faire passer le message suivant : un Premier ministre peut bien évidemment critiquer, comme n’importe qui, la presse et les journalistes, mais dans ses fonctions officielles, un Premier ministre doit surtout défendre le droit et le rôle de la presse. Car, qui sait, demain ce même Premier ministre pourrait se retrouver dans l’opposition et avoir besoin d’une presse indépendante pour faire entendre sa voix… Et une presse qui est critiquée en permanence par les puissants doit s’estimer utile pour la société et devrait être encouragée.

 

Au-delà des débats d’idées et des principes ou des critiques sur des faits ou des actes, reste que les rapports entre personnes devraient demeurer respectueux et cordiaux. Si par exemple Plenel, dans son rôle de journaliste, n’a pas été souvent tendre envers Mazarine Pingeot ou Ségolène Royal, il a eu le temps de découvrir, à Maurice, les personnes derrière ces noms, des «heureuses rencontres».

 

***

 

Plenel est du genre optimiste-communicatif. Avec sa bande de Mediapart (ils sont une cinquantaine), il vit ces tempsci une réelle révolution avec son journal virtuel. Une révolution technologique qui supprime le papier, l’impression et la distribution, une révolution qui a tout le futur devant elle, tout en conservant les valeurs immuables du journalisme.

 

Comme nous l’avions écrit dans la lettre ouverte, l’expérience de Mediapart et celle de Plenel ne peut qu’être bénéfiques pour tous ceux qui se livrent à un véritable jeu d’équilibriste avec le journal papier et le Web, ainsi que pour les consommateurs des médias. Car trouver le juste modèle économique demeure un vaste chantier à peine entamé, ici comme ailleurs. Il y a lieu, d’abord, de casser ce mythe selon lequel tout peut être gratuit sur Internet sans conséquence. C’est précisément cette illusion qui a mis à mal des entreprises de presse et qui, aujourd’hui, condamne la presse traditionnelle à se repenser. Et bien évidemment, les tentatives de déstabilisation financières et les approches liberticides n’aident pas… Plenel va en dire plus aujourd’hui lors du Salon du livre. Si vous ne pouvez pas vous y rendre, je vous recommande son interview, demain, dans l’express-dimanche…