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Atahualpa* et nos empereurs
En 1533, quand Atahualpa fut garrotté par les soldats de Pizarro au Pérou, il avait pourtant été rançonné par son peuple. À cette époque, ayant fraîchement défait son frère Huascar dans une guerre civile pour la conquête du pouvoir, Atahualpa était considéré comme un demi-dieu et c’est sans doute pour cela que ses généraux, effrayés à l’idée que mal lui serait fait s’ils attaquaient, décidèrent de rester tranquilles et d’attendre. Le prix d’un demi-dieu à l’époque ? Une chambre entière (22 pieds par 17 pieds par 8 pieds de haut) remplie d’or ainsi que deux chambres de la même dimension, cette fois remplies d’argent !
Voilà bien une autre valeur sacrément dépréciée de nos jours ! La valeur de nos dirigeants… Vous ne comprenez pas à quoi nous voulons en venir ?
Si d’aventure, le bon peuple malgache d’à côté faisait la conquête de notre île et qu’après quelques braves escarmouches, nos dirigeants, puisque ni à Londres, ni à Paris pour l’occasion, étaient capturés, quelle rançon est-ce que le peuple de Maurice serait prêt à payer pour eux ? Nos réserves nationales de devises sont de Rs 100 milliards, notre Produit national brut est de Rs 400 milliards, qu’est-ce que vous voudriez mettre dans la balance pour libérer un Navin Ramgoolam, un Paul Bérenger, un Anerood Jugnauth, un Xavier-Luc Duval, si les Malgaches en demandaient rançon ? Moins que pour Atahualpa ? Sûrement ! C’est un des dividendes de notre société plus démocratisée. Contrairement à Atahualpa, ils ne sont ni de droit divin, ni irremplaçables….
Posé de cette manière, un peu crûment certes, on met en exergue, une fois encore, un problème très réel de notre « démocratie » plutôt émaciée, tant par manque de renouvellement assainissant, que par manque de véritables démocrates. Nous avons, en effet, chaque 5 ans, des élections générales et cela est souvent brandi comme la preuve de notre démocratie vivante. Cependant, ce que le bon peuple a comme choix est, en fait, un choix relatif extrêmement limité : le non-renouvellement de la classe politique depuis l’indépendance s’assure que nous ayons le choix entre soit la lignée de Atahualpa ou celle de Huascar : soit un Ramgoolam ou un Jugnauth ! D’une élection à une autre, depuis 1968, (c’était il y a déjà 45 ans quand même !), nous n’avons aucune chance de sélectionner le meilleur dans l’absolu, mais seulement de faire le choix du moins pire, parmi le disponible présenté par des partis « possédés » par les mêmes depuis toujours ….
Ce qui nous permet de paraphraser Ludwig Wittgenstein (philosophe autrichien-britannique qui nous a légué des contributions décisives sur la logique) et constater que les limites de nos choix démocratiques sont les limites de notre démocratie elle-même. Les vrais démocrates du pays, plutôt que de voter pour remplacer une dynastie par une autre, comme au Bangladesh, au royaume des deux Bégums, seraient bien tentés, on peut le supposer, de laisser les Malgaches les garder tous ! Ramgoolam, Jugnauth, Duval, Bérenger…
Il est vraiment temps d’aérer notre démocratie ! Mais ces messieurs sentent-ils le besoin de nous aider et de nous présenter leur relève ? Dynasties s’abstenir !
À moins qu’ils n’aient pris pour modèle le parti du Congrès en Inde : 65 ans après l’indépendance, ce parti « national » se sent toujours la tentation, lui, de faire appel à un Gandhi, fut-il potiche…
* Pour en savoir davantage sur « Pizarro, Atahualpa et la chute de l’empire Inca » , je vous recommande cette page Web : http://www.histoirepour-tous.fr/dossiers/96-renaissance/221-la-capture-datahualpa-par-pizzaro-16-novembre-1532.html
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