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Ce que je sais
Je constate qu’un certain nombre d’internautes continuent à penser que le contentieux entre le Premier ministre et La Sentinelle Ltd cache un conflit secret entre Navin Ramgoolam et moi-même. J’écris pour éclairer leurs lanternes et affirmer que cela est une fausse impression. Il n’y a rien de plus que ce que l’on peut voir.
Depuis une quinzaine d’années - depuis ma défaite électorale à Rose Hill aux mains d’une coalition Ramgoolam-Bérenger, et mon retrait de la politique active -, je suis revenu à mon métier d’origine. Le journaliste que je suis, l’ancien ministre, a été souvent sollicité depuis par le Premier ministre pour débattre d’une foule de questions d’intérêt public. J’affirme qu’il est possible pour un éditorialiste d’avoir avec le Premier ministre de son pays des relations polies et même amicales sans jamais renoncer à sa liberté de penser et à son sens critique. J’ai été d’ailleurs souvent très dur à l’égard de Ramgoolam dans mes écrits et je dois à la vérité de dire qu’il ne m’avait jamais fait de reproches à ce sujet, il avait respecté notre pacte même quand il n’était pas content.
C’est rassuré par ce respect que j’ai accepté, à la demande insistante de Navin Ramgoolam et de celle de son ministre des Finances, de présider, bénévolement, l’Empowerment Program. Le Premier ministre avait souhaité, disait-il, et je le cite, nommer un président « indépendant » émanant du secteur privé. Il disait estimer que ma double expérience du public et du privé serait utile au conseil d’administration mixte gouvernement-secteur privé de l’Empowerment Programme. J’ai accepté avec l’aval du conseil d’administration de La Sentinelle ; nous avions considéré alors que c’était aussi une manière d’honorer la responsabilité sociale de l’entreprise. L’Empowerment Programme était alors une coquille vide. Je sais ce que cet organisme me doit même si le Premier ministre et ses dirigeants actuels semblent l’avoir oublier. Je n’ai pas de regrets, la National Empowerment Foundation, proposée par Rama Sithanen, organisée sous mon égide, est une des grandes réussites de ces dernières années. Elle a effectivement « empower » des milliers de Mauriciens et continue à le faire. Il faudrait d’ailleurs que son indépendance soit sauvegardée.
Toutefois, dès qu’une contradiction est apparue – la décision personnelle du Premier ministre d’ordonner le boycott publicitaire de La Sentinelle parce qu’il était mécontent des opinions critiques du journal – j’ai fait mon choix. J’ai dit au Premier ministre que dans ces circonstances, je devrais m’en aller. Il est resté de marbre, je suis parti. Je n’ai pas eu à remettre une lettre de démission parce que j’attendais toujours ma lettre de nomination…
Il reste cette question d’alliance projetée avec le MMM. Je redis ce que je sais : Lors de nos rencontres, Navin Ramgoolam m’a souvent parlé de ses options à l’approche des législatives. Il se disait tenté par une course à trois, P.tr, MMM, MSM, persuadé qu’il pouvait gagner seul les élections. Il devait être réconforté par un sondage politique qu’il avait commandé. Mais son plus proche collaborateur d’alors, Rama Sithanen, lui avait fait valoir que la joute ne serait pas sans risque, et puis il y avait toujours la possibilité, estimait Sithanen, d’un raccommodement de dernière minute entre le MMM et le MSM. Ramgoolam a alors commencé à réfléchir à l’option MMM.
Plus que réfléchir : Ramgoolam a entamé des négociations avec les dirigeants du MMM, il n’a pas eu besoin d’un « agwa. » Mais observateur indépendant et non partisan, j’ai participé à la réflexion des deux dirigeants que j’ai rencontré séparément. En deux occasions, il a discuté directement et secrètement avec Paul Bérenger. Une fois, le Premier ministre en est sorti, ravi et euphorique, me communiquant tard dans la soirée sa satisfaction. Entretemps, il a négocié avec Jayen Cuttaree mandaté par son parti.
J’étais tenu au courant de l’évolution des discussions par les deux parties. Ramgoolam considérait que si cette alliance se faisait, je devrais faire partie du prochain gouvernement. Un accord sur les investitures avait été trouvé. Je lui a nouveau déclaré ce que j’ai dit il y a quinze ans : je ne me présenterais jamais plus dans une circonscription électorale. Et je le répète. Je n’ai pas d’ambition politique personnelle. Mais je suis toujours vivement intéressé par l’avenir du pays. Et si demain, Ramgoolam, ou qui que ce soit, devait, de mon point de vue, menacer les valeurs sur lesquelles ce pays s’est construit, je me lèverais. Cette ultime bataille, je la mènerais, bien entendu, hors de La Sentinelle. Pour l’instant, la présidence du premier groupe media du pays m’impose beaucoup de retenue. Mais chacun a ses limites…
C’est cet intérêt pour l’avenir du pays qui fait que j’ai autant discuté de la politique avec le Premier ministre. Nous avons longuement analysé les questions d’alliance, les avantages et les inconvénients pour le pays des différentes options. Je l’ai fait de même avec Paul Bérenger avec qui j’ai recommencé à dialoguer après quinze ans de brouille. A l’époque, il était ramgoolamiste, moi, « l’homme de Jugnauth. »
Malgré cet épisode, en une occasion, interrogé par le « Mauritius Times, » j’ai dit ma préférence personnelle. L’éditorialiste attitré de « l’express, » Raj Meetarbhan, n’a jamais pris position sur cette question, mais les lecteurs ont du comprendre que lui était plutôt indifférent. Jamais en tout cas, « l’express » a mené campagne en faveur d’une alliance Parti Travailliste- MMM. Je ne suis pas sûr d’ailleurs que l’éditorialiste de « l’express » y fût favorable. Il ne l’a jamais écrit.
Alors, pourquoi tant de haine ? Je ne le sais pas. Tout ce que je sais, c’est que le jour de la dissolution du Parlement, au lendemain de mon retour d’un long voyage à l’étranger, le Premier ministre m’a appelé. Il s’est exprimé à demi mot mais je comprends vite qu’il a fait le choix d’aller aux élections avec le MSM. Je ne suis pas vraiment surpris. Il me déclare qu’il m’en reparlera plus tard. Ce fut notre dernière conversation. Et le commencement de ses attaques personnelles. Mystère. Encore un autre.
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