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Cocus magnifiques !

14 novembre 2010, 07:48

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Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. Certains politiques – ici et à l’étranger – ont fait de cet adage leur philosophie de vie. Le hic, c’est que leurs interlocuteurs ne le savent pas ! Pour leur plus grand malheur, les syndicalistes locaux font partie de cette catégorie d’interlocuteurs- là. En effet, depuis le 25 octobre dernier, date de la première réunion du National Tripartite Forum , ils se sont installés dans leur nouveau rôle de… cocus magnifi ques. Qui voient s’éloigner la perspective d’une généreuse compensation salariale, qu’ils croyaient acquise… Il faut commencer par dire, qu’en grands naïfs, nos syndicalistes sont parfois à l’origine de leur propre malheur. Ainsi, ils font semblant d’entretenir des rapports de force avec le pouvoir politique ou économique. Tout en ne se privant pas de faire copaincopain avec leurs opposants dès lors que ceux- ci donnent publiquement l’impression de leur avoir cédé du terrain.

A la veille du budget 2008, Rama Sithanen était l’antéchrist pour l’ensemble de la classe syndicale. Mais dès l’annonce du paiement intégral des augmentations préconisées par le rapport du Pay Research Bureau de cette année- là, le ministre des Finances d’alors était soudain devenu « ene boug corek » . Avec qui on s’empresse de poser pour des photos de presse, un verre de scotch à la main ! A force d’agir ainsi, les syndicalistes ont dévoilé leur talon d’Achille à leurs « adversaires » . Il suffi t de maquiller des retraites tactiques en abdication ou de fl atter le syndicaliste dans le sens du poil pour l’endormir. Et ça marche. Le ministre des Finances et celui du Travail, Shakeel Mohamed, ont ainsi endormi les syndicalistes avec brio. Certes les deux hommes n’ont pas adopté la même méthode. Mais ils ont pu arriver à leurs fi ns jusqu’à fi• octobre.
Pravind Jugnauth s’est reposé sur sa posture anti- Sithanen et populiste des cinq dernières années pour se faire une certaine image auprès de la classe syndicale. Qui s’est empressée de voir en lui le ministre des Finances qui va corriger les turpitudes de ses prédécesseurs. Une grave erreur ! Car les syndicats ont confondu – sans doute volontairement – Pravind Jugnauth, chef de parti et opposant politique du régime en place, avec Pravind Jugnauth, ministre des Finances de la République.

Le réveil est diffi cile. Assommés par la supercherie – qui n’en était pas une – les syndicalistes, incapables de faire fl échir leur interlocuteur en sont réduits à utiliser des astuces de langage comme mode de protestation.

« Le vice- Premier ministre » est ainsi devenu « ti- Jugnauth . » On vilipende à défaut de convaincre.
Le cas Mohamed est plus complexe que celui de Jugnauth. En effet, si le ministre des Finances avait plus ou moins laissé planer le doute sur ses intentions réelles depuis son entrée en fonction, son collègue du Travail avait, lui, été plus affi rmatif. En coulisses Mohamed a avoué à plus d’un interlocuteur qu’il avait une mission : corriger les injustices commises par Sithanen à l’égard des salariés. « Si Sithanen est propatron, moi je suis pro- travailleurs » , s’est- il fl atté. Le discours a sonné comme une douce sérénade aux oreilles des Benydin, Sadien, Imrith, Chuttoo et autres.

La musique est toutefois devenue grinçante. Pour tout le monde. Les syndicalistes se retrouvent face – à quelques nuances près – à un Sithanen déguisé en Pravind Jugnauth. Mohamed, conscient de ne plus pouvoir jouer la carte pro- syndicale s’est enfermé dans un semi- mutisme. Contraint qu’il est de suivre la position gouvernementale sur la question de la compensation salariale : celle de la rigueur. Pravind Jugnauth réalise, lui, maintenant qu’il a les chiffres en main et une économie à gérer, qu’on ne peut être ministre des Finances et populaire à la fois durant les périodes de ralentissement économique.

Dans l’affaire, il semble y avoir beaucoup de cocus magnifi ques. A l’exception, peut- être, du patronat. Qui semble convaincu que le gouvernement ne mettra pas en péril des centaines d’entreprises uniquement pour un peu de popularité ponctuelle. Mais ils ont peut- être tort. Pravind Jugnauth a en effet pu apprendre un autre truc de son prédécesseur. Préparer les esprits dans un sens… et décider dans l’autre !

Rabin BHUJUN