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Combien pèse une fédération ?

15 mai 2011, 05:04

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À cette question, Somduth Dulthumun répondra sans doute 400 000 personnes. Le président de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation ( MSDTF) aime à rappeler que son organisation rassemble le tiers de la population locale. C’est donc drapé de cette légitimité de « leader » qu’il prétend avoir une infl uence sur la vie publique et politique du pays.

Il l’explique d’ailleurs, sans faux- semblants, dans l’interview qu’il accorde à l’express dimanche ( voir pages 16- 17).

La posture de Dulthumun n’est en rien exceptionnelle dans le paysage local. Les hommes du culte qui prétendent devoir infl uencer les affaires nationales sont légion. Menon Murday a récemment troqué ses habits de président de la Mauritius Tamil Temples Federation pour celui d’expert énergéticien. Faisant la leçon au gouvernement pour n’avoir pas choisi de concrétiser le projet de centrale électrique CT Power . Le père Jocelyn Grégoire de la Féderation créoles mauriciens s’est, lui, improvisé « agwa » le temps de présider à la réunifi cation de la « grande famille » bleue en 2009.

C’est cette mobilisation d’un bassin électoral ethniquement homogène qui explique probablement en grande partie la générosité de Ramgoolam envers le PMSD. Le parti avait, en effet, obtenu sept investitures au sein de l’Alliance de l’avenir lors des élections générales de mai 2010.

Revenons toutefois à Dulthumun. Le président sortant de la MSDTF brigue un nouveau mandat à la tête de l’organisation aujourd’hui. Face à lui, deux groupes, menés par Bissoon Mungroo et Rajendra Ramdhean, prétendent diriger autrement la fédération. Quelque part, cette situation nous amène presque à souhaiter que Dulthumun ne soit pas réélu. Histoire de vérifi er certaines choses… Déjà, il s’agit de déterminer si le fauteuil de président de la MSDTF a quelques propriétés particulières, voire magiques. Par exemple, est- ce que celui qui s’y assoit perd invariablement son libre- arbitre ? Somduth Dulthumun semble, en effet, avoir réglé de manière défi nitive ses pas sur ceux du Premier ministre. Ramgoolam s’attaque à la presse… Dulthumun lui prête main- forte. Le chef du gouvernement critique le « grand capital » … le président de la MSDTF organise une conférence de presse dans la semaine pour reprendre les mêmes idées. L’interrogation s’impose d’elle- même. Si Bissoon Mungroo devient le patron de la MSDTF, se transformera- t- il en perroquet du Premier ministre ? Malgré sa promesse d’indépendance vis- à- vis du pouvoir ? Ensuite, il s’agit de comprendre cette confi ance – on peut aussi qualifi er cela de générosité – que le pouvoir place en celui qui occupe la présidence de la MSDTF. Dulthumun a été fait Offi cier de l’Ordre de l’Étoile et de la Clé de l’océan Indien. Le gouvernement l’a également propulsé sur le conseil d’administration de la Banque de développement mais aussi de l’ Independent Broadcasting Authority où il siège en tant que « member with experience in any other related activity » . Si Rajendra Ramdhean est élu aujourd’hui président de la MSDTF, sera- t- il décoré par la République dans les mois qui suivent ? Et trouverat- il son chemin vers des conseils d’administrations d’institutions publiques où il n’a pas sa place ? Plus globalement, il faut surtout se demander : Dulthumun n’est- il qu’un agent politique que le pouvoir récompense pour services rendus ? Ou alors, est- ce sa fonction de « leader » autoproclamé de 400 000 Mauriciens qui lui confère des privilèges particuliers et probablement indus ? Si ce n’est que la première possibilité, cela va encore. Car nous ne serions là que dans un des vulgaires épisodes du long feuilleton de copinage dont les politiciens locaux – tous partis confondus – sont les acteurs de longue date.

Si, par contre, c’est le deuxième cas de fi gure qui est applicable, tout cela devient autrement plus grave et scandaleusement antirépublicain. Si le seul fait de diriger une organisation représentative d’une seule partie de la population donne droit à autant de privilèges, d’autres questions se posent de facto . Au nom de quoi un traitement similaire à celui de Dulthumun serait refusé à Menon Murday ou au président de la Jummah Mosque ? Si le pouvoir politique ne peut garantir l’égalité de tous les cultes devant nos instit, utions, il faut absolument que sa générosité envers certains leaders serviables cesse. Ce serait déjà un premier pas. En attendant que le prochain, plus important, soit franchi. Celui qui permettra que les citoyens se fassent entendre du pouvoir sans avoir à grimper sur les épaules de ces associations socioculturelles. Qui, décidément, ne semblent faire ni dans le culturel et encore moins dans le social. Tant elles sont affairées à faire avancer des causes personnelles…