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Commandant Viljœn

12 décembre 2010, 04:33

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Suivant, s’il vous plaît ! C’est à croire qu’une fi le imaginaire, composée de gestionnaires les uns plus compétents que les autres, serpente jusqu’au parvis de l’immeuble d’ Air Mauritius à Port- Louis. Chacun d’entre eux attendant d’être nommé à la tête de la compagnie d’aviation nationale. Sinon, comment expliquer la facilité avec laquelle le gouvernement change le patron d’une des entreprises les plus stratégiques du pays ? Dans cette affaire, ce que Raj Bungsraz a pu commettre ou omettre de faire en soixante- dix jours n’est que secondaire.

Ce sont plutôt les effets du phénoménal « turnover » à la tête de la compagnie nationale qui doivent retenir notre attention.

C’est d’ailleurs avec incrédulité qu’on se prend à refaire le calcul. Depuis 1997, les sept personnes qui se sont succédé à la tête d’ Air Mauritius l’ont chacune dirigée, en moyenne, pendant moins de deux ans.

Cette statistique nous mène à une terrible conclusion. Air Mauritius n’a probablement été réellement gérée que durant la moitié des treize dernières années ! Il existe en effet un temps de latence entre la prise de fonction d’un patron et le moment à partir duquel il commence à diriger son institution en y laissant ses marques de gestionnaire et de stratège.

Dans une entreprise aussi complexe qu’ Air Mauritius – ses actifs se chiffrent en dizaines de milliards de roupies et elle emploie environ 3000 collaborateurs – des experts en gestion estiment que le CEO passe environ un an à être « in offi ce but not in power » Les patrons successifs d’ Air Mauritius depuis 1997 ont donc perdu un peu moins de sept ans en temps de découverte, d’adaptation et d’apprentissage ! C’est là le scandale. Car malgré la caisse noire, les attentats du 11- Septembre, l’épidémie de chikungunya, un hedge calamiteux, la crise internationale et le « CEO turnover » , Air Mauritius a néanmoins réussi à dégager des résultats fi nanciers relativement satisfaisants durant cette période. C’est à se demander ce que serait la performance de la compagnie si jamais elle avait eu à sa tête une équipe dirigeante stable et performante durant tout ce temps- là.

Esquissons donc ce qu’aurait pu être l’action d’un CEO d’ Air Mauritius solidement installé à son poste et bénéfi ciant du soutien total de son actionnaire le plus important: l’Etat. Ce patron- là aurait pu réformer en profondeur les structures de l’entreprise ainsi que son management – surnuméraire - en appliquant toutes les recettes préconisées par les experts de Mc Kinsey. Sans devoir être l’objet de représailles et de complots internes.

Le CEO idéal d’ Air Mauritius aurait également pu se poser en acteur incontournable de la première industrie du pays : le tourisme. Défi nissant conjointement avec les hôteliers, la Mauritius Tourism Promotion Authority et le ministère du Tourisme, les pans essentiels de la stratégie touristique de notre destination. Sans craindre d’apprendre à travers la presse que son entreprise va ouvrir une nouvelle desserte aérienne ici ou là. Parce qu’un homme politique l’aura décidé de son propre chef… contre toute logique économique ! Le patron du transporteur national devrait également pouvoir gérer au jour le jour son entreprise afi• que celle- ci propose le meilleur service possible à tous ses clients. Et non pas s’atteler personnellement à ce que les vols d’une petite clique de puissants se déroulent le plus agréablement possible.

Notamment en s’assurant que les hôtesses soient dévouées tout en n’oubliant pas, par exemple, de faire en sorte que le whisky servi à bord soit d’excellente facture.

Depuis la mise à pied de Bungsraz par le conseil d’administration d’ Air Mauritius , ce mercredi, c’est le Sud- Africain Andries Viljoen, Chief Finance Offi cer/ Chief Information Offi cer de l’entreprise qui assure l’intérim. Diffi cile de dire si l’ancien patron de South African Airways fi nira par être le CEO idéal tant recherché. Sa compétence ne semble faire que peu de doute. Il reste donc à savoir si le pouvoir politique lui donnera les moyens de diriger effi cacement et surtout librement Air Mauritius . A première vue, le Premier ministre apprécie Viljoen. Quelques semaines après la nomination de celui- ci, début 2009, Ramgoolam avait dit voir en lui une personne compétente « qui a fait ses preuves » . Le seul problème… c’est qu’il a également dit cela d’autres anciens patrons d’Air Mauritius – Megh Pillay, Nirvan Veerasamy ou même Manoj Ujoodha ! Les démonstrations publiques de soutien de Ramgoolam ne sont pas des gages de longévité à Air Mauritius … Viljoen doit donc être prévenu, si les vols d’une certaine clique se déroulent tranquillement, il se pourrait qu’on ne trouve rien à redire à sa gestion. Si toutefois, les sièges de première classe se bloquent ou que le whisky servi est de mauvaise qualité, Viljoen pourrait dans les deux ans à venir contribuer à faire grimper le « CEO turnover » de l’entreprise. Et de 8…

Rabin BHUJUN