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Comme à Pyongyang
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Comme à Pyongyang

Une campagne électorale n’est jamais un long fleuve tranquille. Il y a comme une alternance de saisons politiques, des hauts et des bas pour tous les acteurs. Dans la campagne actuelle, il est déjà possible de distinguer les principales phases et les temps forts. J’en vois au moins trois.
Au tout début, dans le sillage de la conclusion de l’alliance Parti travailliste-MSM, la situation a été catastrophique pour le MMM. Paul Bérenger avait fi ni par faire confiance à Navin Ramgoolam, il avait vraiment cru que les arrangements longuement négociés avec le leader du Parti travailliste étaient définitifs. Il avait littéralement désarmé son parti, taisant les critiques, modérant son opposition au gouvernement sortant, dans l’attente d’un accord. C’est une période d’opposition molle à Ramgoolam.
Cet état de choses a admirablement servi les desseins du Premier ministre, qui termine son quinquennat sans anicroche. Ramgoolam est d’autant plus serein qu’il est alors secrètement en négociation avec l’autre parti de l’opposition. Le voilà en fi n de mandat qui se fait courtiser par les deux principaux partis d’opposition. Ainsi cette première phase de la campagne a été clairement à l’avantage du Parti travailliste.
Mais bien que secoué et déçu, le MMM, une fois son lâchage confirmé, s’est rapidement relevé, et avec un certain panache, il faut le reconnaître. Sa campagne commence avec la courageuse décision de présenter son leader au poste de Premier ministre. J’ai le sentiment que cela n’a pas été salué comme il se doit. Journalistes et commentateurs n’ont pas été tendres à l’égard de Bérenger à chaque fois qu’il a donné le sentiment de vouloir se cacher derrière quelque paravent électoral ou quelque formule de panachage tribal. Cette fois, il affronte fièrement et franchement l’électorat en jouant cartes sur table : Bérenger est le leader incontesté du MMM, il a un riche passé politique, il a déjà exercé les plus hautes fonctions à la tête du pays, il n’est en rien moins Mauricien que Ramgoolam, et si ça se trouve, il a peut-être moins de cousins-cousines que lui.
Outre la portée symbolique de cette décision en termes de démocratie méritocratique – à comparer avec celle, désespérante, de la liquidation autocratique de Rama Sithanen –, le MMM est aussi parvenu à présenter une équipe de candidats renouvelée qui n’est pas sans prestance. De ce fait, on a pu sentir dans l’opinion, ces jours derniers, comme un courant de sympathie en faveur de « l’Alliance du coeur ».
De plus, ce courant a été alimenté par la triste affaire Sithanen et le retard mis par « l’Alliance de l’avenir » à constituer son équipe de candidats et à gérer les complications liées à la générosité inexplicable des travaillistes à l’égard du MSM. Pour ces diverses raisons, cette deuxième phase a permis un redressement du MMM.
La troisième et dernière phase démarre maintenant. L’Alliance de l’avenir va passer à la vitesse supérieure. Et cela va être extrêmement dur pour l’opposition. L’Alliance de l’avenir aborde cette phase avec un avantage déterminant : le quasimonopole qu’elle s’est octroyé sur les chaînes publiques de télévision. Chaque jour, le journal télévisé est transformé en opération de communication à la gloire de Ramgoolam et de ses acolytes. Des clips publicitaires qui ne disent pas leur nom y vantent les réalisations gouvernementales. Pour une grande majorité de Mauriciens, la télévision est la seule source d’information. Tout ce qu’ils savent de Ramgoolam est ce qu’ils voient à la télévision.
Voilà pourquoi je pense que les dés sont pipés ; il n’y a pas de démocratie sans liberté de délibération ; la principale source d’information des électeurs est manipulée par les agents de Ramgoolam.
Il faut arrêter de faire semblant de vivre en démocratie parce qu’on vote une fois tous les cinq ans. A Pyongyang aussi, on vote…
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