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Contre la résignation

10 juillet 2011, 00:24

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C’est notre bêtisier annuel. Ces maladresses et ces libertés que les fonctionnaires semblent s’autoriser avec l’argent public sont si grossières, si récurrentes, que la consternation est en train de céder la place au sourire. Le rapport de l’Audit est, d’année en année, accueillie avec une résignation et une légèreté de plus en plus évidente. Dans quelques jours, on n’en parlera plus.


La première explication de cette résignation est l’absence d’indication sur l’efficacité de l’exercice. Peut-on savoir, par exemple, combien  d’économies le Bureau de l’Audit a permis à l’État de faire en dix ans ? Sait-on si, grâce à lui, le gaspillage recule effectivement ? Pas vraiment. Tout respecté que soit son Directeur, le fait qu’il n’existe pas véritablement de moyen de mesurer l’impact de ses recommandations affaiblit son action. L’Audit ne chiffre jamais le gaspillage sous prétexte qu’il y a toujours des explications aux écarts ! Mais tant qu’il les accepte, ces explications...


La nonchalance vient aussi de ce que les solutions annoncées, année après année, comme des panacées, n’ont pas apporté d’amélioration, ou si peu : le plan triennal que réclamait l’Audit de la part du ministre pour mieux faire correspondre objectifs et performance, besoin et matériel ; les comités d’audit dans chaque ministère ; le recours aux firmes privées pour la fourniture de certains services ; la formation destinée aux 600 «  Procurement Officers »  lancée par l’Université de Technologie ; le renforcement des lois du « procurement »… n’ont pas empêché que l’on observe le même type de problème.

Là est précisément le drame. Ce sont les mêmes cas de fi gure qui reviennent, comme preuve que l’on a peut-être soigné les symptômes mais pas le système. Le grand malade, c’est bien évidemment les marchés publics. Certes, une Pajero à Rs 2,5 millions pour le contrôle des plages ou un double ordinateur par tête ne sont pas moins graves. Mais ces « caprices », parce qu’ils sont, disons, anecdotiques et plus visibles, sont plus facilement corrigeables – ce ne sont d’ailleurs pas des questions qui auraient dû attendre le rapport de l’Audit pour être réglées. Un peu de « walking management » et de bon sens de la part du ministre auraient dû suffire. L’échec se mesure dans la répétition des abus au niveau des achats et des infrastructures. Le schéma est classique : l’État commande X équipements pour Y millions et n’en utilise que Z ou, inversement, découvre qu’il a besoin de W fois plus qu’il n’avait prévu. Médicaments, bâtiments, véhicules… la planifi cation est partout hasardeuse, l’effectif toujours maladroit dans ses décisions.

Le « public procurement » est, il est vrai, dans toutes les fonctions publiques du monde, l’activité la plus vulnérable au gaspillage, à la corruption et aux abus. Mais partout ailleurs, la grosse pression engendrée par la crise sur les finances publiques a été le déclic. Pour soutenir les aides sociales et autres « stimulus programmes », on doit redoubler de vigilance face aux risques de gaspillage. Maurice s’en sort relativement bien pour le moment, les dépenses publiques n’étant pas à un niveau catastrophique ; ce n’est pas une raison pour se considérer à l’abri et s’épargner le devoir de rigueur.

Il ne faut donc pas se résigner et désespérer de la fonction publique. Le « public procurement » est un instrument trop important de la conduite des affaires, dont dépend l’image du pays. La relance de la machine économique est trop dépendante de l’amélioration des services et de l’infrastructure publique pour que l’on baisse les bras.

Un plan pour professionnaliser nos méthodes d’analyse des besoins en équipements/services et d’allocation de contrats se révèle prioritaire. Son succès restera tributaire, cependant, du comportement et de la formation du fonctionnaire. Est-ce utopique de penser que celui-ci puisse adopter la culture de l’entreprise ? Les défi s que celle-ci rencontre, de la baisse des
coûts à la gestion du stock, ont incité le développement d’outils de toutes sortes. Pourquoi en priver la fonction publique ? Est-il fou de penser que les fonctionnaires ne peuvent pas intégrer l’idée que le service client doit devenir la seule finalité de son activité ? N’existe-t-il pas de méthodes capables de modifi er durablement les comportements ?

Le Bureau de l’Audit aussi a un devoir de remise en question. Il a pour mission de « help the nation spend wisely ». Il ne peut estimer que le travail est fait en publiant un rapport par an. Il lui faudrait produire non seulement... 30 rapports, corrigeant ponctuellement des dysfonctionnements, mais aussi des programmes de prévention, des « guidelines » à partir de chaque type de problème relevé, des guides pratiques adaptés à chaque ministère. Comme le font les Anglais. Aucun organisme ne connaît sans doute aussi bien les faiblesses de la fonction publique que l’Audit. Il a la responsabilité de poser de nouveaux standards à la gestion des finances, de « hold government to account » dans tous les sens du terme. Au lieu de chercher à aider la SADC, comme il l’écrit sur son site web...


On dit qu’un problème qui est mis au jour représente une opportunité d’amélioration. C’est vrai seulement si on ne se résigne pas.

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