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Cour de justice : Zorro et zéro

3 février 2014, 05:12

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Cour de justice : Zorro et zéro

Mercredi, 9 h 45 tapantes. Je cours rejoindre un collègue – M. Mort-là-bas pour les intimes – à la Cour suprême. Ce spécialiste maison des affaires en chambre m’a donné rendez-vous sous le tamarinier, lui qui a ses entrées chez les avocats. En bon roi de la cour, il me fait poireauter. J’ai le temps de me promener côté jardin, histoire de me mêler des oignons des autres.

 

Des hommes en robe, des femmes en costard, vive l’égalité des genres. Des moineaux, adeptes du code peinard, ont élu domicile dans des réverbères. Ils ont dû confondre avec une basse-cour. Je prends place sur un vieux banc, au péril de mes côtes. De l’eau dégouline d’un climatiseur qui, tout comme ce temple de la justice, semble tout droit sorti d’un passé fort fort lointain.

 

M. Mort-là-bas se montre enfin, droit comme un « i ». Après un rapide coup d’oeil, droit, au tableau d’affichage, il me prévient que l’action se déroule à côté, en cour intermédiaire. En route, nous croisons des ténors du barreau, à qui il accorde volontiers une audience.

 

L’on poursuit notre chemin jusqu’à la ruche qui fourmille d’humains. Un autre coup d’oeil, gauche cette fois, au tableau d’affichage. Possession de drogue, relations sexuelles avec mineure, crimes, le menu est varié. Cinq-étoiles au guide Gredins.

 

En entrée, nous optons pour la Bail and Remand Court. Justice des temps modernes, version vétuste. Les affaires sont traitées en vidéoconférence. Live and direct de la prison de Beau-Bassin. Les détenus défilent à la vitesse grand V à l’appel de leur nom, enfermés dans un écran télé qui diffuse des images en noir-blanc-sépia. Huissiers, policiers, procureur et magistrate accordent leurs violons (cell), pour juger de leur sort. Un prisonnier demande une réduction du montant de sa caution, sa famille n’ayant pas les moyens de la payer. « No, fixed », lui dit-on. Le voilà fixé sur son sort.

 

Autre porte traversée, autre affaire. Il s’agit d’un homicide, ou plutôt d’une femmicide. L’accusé, âgé comme un arrière-grand-père, plaide coupable. Le chef enquêteur Cravaté relit sa déposition. L’on apprend qu’il a tué sa belle-soeur avec qui il avait une liaison, parce que celle-ci entretenait une liaison avec un autre. Des détails sordidement macabres plus tard, M. Mort-là-bas et moi quittons ces lieux chargés d’images de la vraie vie.

 

La morale de l’histoire ? Si dans notre société t’as envie de voir ce qui est moche, va donc faire un tour en cour, tu seras servi, sous cloche.