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En attendant SAJ

La reculade effectuée, en catastrophe, vendredi par le MMM par rapport au possible « remake de 2000 », après la clarification sommaire, peu convaincante et par personne interposée, de la position du président, laisse la nation interloquée et Paul Bérenger quelque peu ridicule. Comment le pays tout entier a-t-il pu être embarqué dans pareil tourbillon de spéculations et de folles rumeurs sans l’assurance d’un scénario qui, à défaut de se réaliser, se devait au moins de tenir la route et de passer ne serait-ce que les tests préliminaires de crédibilité ? Comment le leader de l’opposition, habituellement si froid calculateur, s’est-il exposé à autant d’embarras s’il n’était pas tout à fait sûr de son coup ? Comment en est-on arrivé là ? Et où tout ceci laisse-t-il un éventuel rapprochement des partis d’opposition ? Il n’y a que trois explications possibles à ce fiasco :
Soit Paul Bérenger et Pravind Jugnauth ont, depuis le début, bluffé le pays et tenté de forcer la main du président en agitant devant lui la perspective d’un retour triomphal au pouvoir et celui-ci, après réflexion, se sera dérobé, n’ayant aucune confiance dans le leader du MMM pour une multitude de raisons.
Soit la volonté d’un « come back » existe mais les circonstances ne se prêtent pas encore à une démission fracassante, toute l’agitation autour d’une supposée mise en minorité du gouvernement n’étant que du vent. Dans ce cas, SAJ attendrait patiemment son heure ou la fi n de son mandat, même si cela devait momentanément embarrasser au passage Bérenger (mais ce serait là le cadet des soucis de SAJ). Soit tout ceci n’aura été pour le leader du MMM que froide manipulation et avertissement calculé pour faire plier le Premier ministre et le ramener rapidement à la table des négociations sur la réforme électorale, ce qui semble d’ailleurs avoir déjà produit quelques résultats.
Ces développements auront un impact certain :
1. Paul Bérenger a très nettement accusé le coup vendredi à sa réunion de presse. Ses adversaires le raillent et la situation s’y prête un peu: la noce aurait donc été largement annoncée avant même que la demande en mariage ait été formulée à l’intéressée et acceptée ? Tout ceci peut paraître un peu ridicule. Or, dans la position qu’il occupe, Paul Bérenger peut tout se permettre, sauf d’être ridicule.
2. Par ailleurs, en plaçant publiquement le président devant un choix clair, le Premier ministre a sans doute déjoué (ou du moins différé) le « show down », gagné du temps et repris l’initiative. Il est de nouveau maître du jeu. C’est important pour la suite des évènements.
D’autre part, Bérenger ayant affirmé qu’il n’y aurait pas d’alliance MMM-MSM sans SAJ, la proposition sera sans doute mise au frigidaire pour le temps que durera le silence de SAJ. Reprenant vendredi sa liberté, le MMM sera à l’aise pour reprendre les tractations avec le PTr.
Enfin, bien davantage que les autres partis, c’est le MSM qui attendait avec le plus d’impatience la prise de parole publique de sir Anerood Jugnauth sur son engagement à la tête d’une alliance reconstituée. Le MSM savait bien, en effet, que son influence réelle dans les mois à venir dépendrait largement du tribut que SAJ aurait pu, le cas échéant, arracher du MMM comme prix de sa participation personnelle à toute reconquête du pouvoir. Les développements actuels rendent le MSM bien moins séduisant et le privent de stratégie alternative.
Le MSM a, en effet, peu d’options véritablement crédibles. Sa démission du gouvernement lui a coupé toute retraite politique et le laisse pratiquement à la merci d’un MMM tenté à la fois par l’aventure en solo et par un rapprochement avec le PTr.
Or, un courant non négligeable du MMM refusait déjà toute nouvelle collaboration qui ouvrirait au MSM des bastions urbains déjà acquis en retour d’un soutien rural aléatoire. La participation du MSM aux prochaines municipales dans une alliance de l’opposition est loin d’être assurée. Le repli de SAJ va limiter encore plus le champ de manoeuvre du MSM.
Paul Bérenger commence, en effet, déjà à relativiser l’importance du dernier vote de son comité central, jalonnant déjà le chemin d’une alliance de conditions et préalables. Il laisse déjà savoir qu’il pourrait être « très difficile » pour le MMM d’offrir demain « la moitié des investitures » au MSM, précise que le MMM se sentait assez fort pour « aller seul aux élections ». Il avertit désormais qu’il n’y « aura pas d’alliance MMM-MSM coûte que coûte », que certains dirigeants MMM « ne seraient pas nécessairement malheureux si une alliance avec le MSM ne se concrétisait pas ».
Enfin, véritable douche froide pour Pravind Jugnauth, Bérenger a formulé cette stupéfiante affirmation que « Navin Ramgoolam peut toujours empêcher qu’une alliance MMM-MSM se concrétise en venant de l’avant avec un plan de réforme électorale ». C’est là plus qu’une constatation : Une véritable invitation.
Paul Bérenger a-t-il déjà trop parlé ? Après l’épisode SAJ jeudi, la stratégie du MMM et la finalité de son action sont de moins en moins apparentes, y compris aux yeux de ses propres troupes. Or, on ne mobilise bien que dans la clarté des objectifs. Ceux du MMM s’embrouillent et se compliquent singulièrement. Bérenger donne aujourd’hui l’impression, en voulant être trop fin, d’apparaître, en permanence, comme celui qui promet « all things to everybody ».
Pour avoir tout essayé, tout dit et tout fait en 40 ans de politique, ses adversaires le voient désormais venir de très loin. Et l’attendent presque toujours au tournant.
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