La dernière édition de l'express-dimanche consacre un dossier au projet Jin Fei, pas encore vraiment lancé depuis six ans. Doit-on vraiment le regretter ? On nous dira toujours que Maurice et le continent africain auraient été gagnants si des entreprises chinoises s'étaient effectivement installées dans la région de Terre-Rouge?

Le coefficient fret - dans un pays sans matières premières industrielles et nécessitant qu'elles viennent bien de quelque part - est-il si important pour justifier qu'on rapproche la production chinoise de ses marchés africains ? Au fond, ne doit-on pas plutôt se réjouir que l'entrée Nord de Port-Louis, déjà fort encombrée, n'ait pas été soumise à une pression supplémentaire, peut-être intenable ?

Quand Rama Sithanen était ministre des Finances, le gouvernement nous annonçait aussi la création d'une ville à Highlands, le rôle d'un espace urbain intégré dans le processus de développement étant alors souligné par l'économiste américain Paul Romer. Puis, Sithanen a été renvoyé à ses chères études dans les conditions que l'on sait, Pravind Jugnauth est venu nous vendre sa Duty Free Island et le centre commercial est devenu, tout à la fois, notre loisir du samedi, notre levier pour l'emploi non qualifié dans les zones concernées et, semble-t-il, notre plus profonde aspiration culturelle. Et notre urbanisation devient un assemblage, selon l'accessibilité des carrefours, de complexes commerciaux plus ou moins importants, certains faisant du chiffre réel, d’autres périclitant dès le lendemain de leur pompeuse inauguration. Une société de transport en commun a même compris que, dans cette grande Dukan Nagar peu conviviale et dont les centres commerciaux sont les seuls points de rencontre attrayants, il fallait proposer une liaison dédiée d'un centre à l'autre.

Pourra-t-on, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le leader de l'Opposition, messieurs les maires et présidents de conseils de district, pourra-t-on se réunir - même virtuellement - et tenter d'arrêter un plan cohérent d'aménagement et d'urbanisation ? Des architectes, des urbanistes sont requis, certes. Mais des artistes, des plasticiens comme d'éventuels animateurs de rue, doivent aussi être entendus, de même que des citoyens ordinaires. Il ne s'agit pas de savoir ce que nous devons construire et comment le faire. Il s'agit d'appréhender comment nous agissons sur l'espace et comment nous pourrions ce rapport pour aussi mieux obtenir les autres résultats recherchés.

Maurice ne sera jamais un hub de quoi que ce soit tant que nous n'aurons pas une expérience urbaine réelle à offrir tant aux nationaux qu'à nos visiteurs. La ville, elle-même, doit d'abord être le hub de nos meilleures aspirations.

La ville ou la mort.