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Et le souterrain ?
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Et le souterrain ?

Drôle de campagne ! Elle paraît sans thèmes et sans enjeux véritables, elle mobilise peu les électeurs, elle est fade et sans passion, personne n’ose prédire ce que sera son dénouement. Il est néanmoins possible de déceler les dynamiques qui travaillent le corps électoral et qui, en définitive, détermineront ses choix.
Une première évidence : si la politique passionne toujours autant les Mauriciens, ils sont aujourd’hui très mesurés dans l’expression de leurs préférences. Peut être sont-ils devenus un peu cyniques à l’égard des partis politiques, dont ils ont bien vu qu’ils sont tous plus ou moins logés à la même enseigne. Mais surtout, ils savent que la prise de pouvoir par l’un ou l’autre groupe n’est aucunement l’apocalypse qu’annonce l’adversaire. Pour le camp travailliste, même l’arme meurtrière de la phobie du Blanc, éternel bouc émissaire des éternels vengeurs, hier utilisée contre le MMM de Paul Bérenger, ne semble plus avoir la même charge passionnelle. Si cela se vérifiait, ne serait-ce que partiellement, le pays aurait accompli un progrès humain considérable. En tout cas, même si les Jugnauth sont en première ligne, sur ce plan, 2010 n’est pas 1983.
Mais ce constat ne revient pas à dire que les questions d’affinités identitaires sont absentes de la stratégie de campagne des deux blocs. Si on en doutait, Bérenger vient de signaler combien elles sont présentes : voir le panachage annoncé de son frontbench. Il en sera de même, c’est sûr, chez l’Alliance de l’avenir.
Ces questions affinitaires sont aussi présentes de manière plus fondamentale encore. Dans un pays comme le nôtre, cimenté par une tradition de démocratie participative, consensuelle et inclusive, dont Ramgoolam père avait fait son mantra, toute action d’accaparement par un groupe, un clan, provoque une réaction de rejet de tous les autres. Harish Boodhoo l’a dit crûment dans « Week-End ». Si le Premier ministre continue à tenir un discours rassembleur, la nature ciblée de son alliance électorale avec le MSM, la place et le rôle dévolus au leader de ce petit parti, le positionnement de certains candidats et la très grande injustice dont est victime Rama Sithanen ont plus qu’écorné son image. Ramgoolam ne peut pas ne pas avoir à en subir les conséquences. La question est dès lors de savoir si ces conséquences seront d’une ampleur telle qu’elle provoquera un « swing » électoral en faveur de l’opposition. Pour l’instant, rien n’est moins sûr, même si personne ne peut contester l’existence d’un repositionnement de plusieurs groupes électoraux.
C’est principalement le comportement des musulmans qui est au coeur du débat. Ce sont les électeurs les plus volatils. Un anthropologue américain qui a étudié l’histoire électorale de Maurice considère que la communauté musulmane est la seule où puisse se produire un « swing vote » en raison de ses « intérêts politiques et économiques hétérogènes. »1 Les musulmans ont fait l’élection de Navin Ramgoolam en 2005. Ils pourraient à nouveau décider de son sort.
Toujours en ce qui concerne l’ethnicité, l’autre question est de savoir ce que sera le soutien de la « population générale » à l’Alliance de l’avenir. Il a semblé au cours des derniers mois que Ramgoolam, personnellement, avait réussi à s’attirer les faveurs d’une fraction de cet électorat. Pour les raisons énumérées plus haut, et surtout à la suite du coup fourré mené contre le mouvement de Jocelyn Grégoire, un retour de manivelle est prévisible. Je ne crois pas qu’il sera de grande ampleur, mais il fera mal dans un certain nombre de circonscriptions.
Est-ce à dire que les élections sont réduites à ces seules considérations ? Que non ! Ramgoolam peut mener une bonne campagne sur le bilan de son gouvernement, plus particulièrement économique – Bravo Rama ! Et maintenant, fous le camp ! Il a renouvelé son équipe, il s’est débarrassé de quelques éléments à l’image ternie comme les Dulull, il s’apprête, à retardement, à en éliminer d’autres comme les Valayden, dont le sort électoral est scellé. Son image personnelle, sculptée par sa télévision, reste bonne. Cela peut-il suffi re pour gagner ?
Car une élection se joue sur deux niveaux : le terrain et le souterrain. Le terrain, on voit bien, mais le souterrain ?
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