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Faites payer, monsieur le ministre !

24 avril 2011, 04:21

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Dans l’un de ses sketchs désopilants, Russel Peters donne aux Indiens la palme du peuple le plus radin de la planète. Reléguant les Chinois, moins « cheap » , à la deuxième place du palmarès. À l’évidence, le célèbre humoriste indo- canadien n’a jamais mis les pieds à Maurice. Sinon il aurait modifi é le classement dans son sketch. L’épisode des Rs 10 à payer pour fouler le sol de l’île aux Cerfs l’aurait, en effet, sans doute inspiré.

À l’accusation de radinerie, certains nous répondront toutefois qu’ils ont combattu la décision du ministère du Tourisme de faire payer l’accès à l’île aux Cerfs sur une question de principe. D’abord, parce que si c’est l’hôtel le Touessrok qui en détient la concession, c’est à lui de déterminer un éventuel frais d’accès et non au gouvernement. Ensuite, puisque l’île aux Cerfs fait partie du patrimoine national, il est inconcevable qu’un Mauricien ait à payer pour y avoir accès. Cette position s’appuie en partie sur une décision de la Cour suprême qui avait précisé que l’accès à la plage de l’îlot Gabriel – dont un particulier a obtenu la concession – ne pouvait en aucun cas devenir payant.

Mais ce serait faire preuve de malhonnêteté intellectuelle que de se borner à ne voir que le principe sans tenir compte de la volonté réelle du ministre du Tourisme sur la question de l’accès payant à l’ile aux Cerfs. Le 7 avril dernier, Nando Bodha a été très clair : son ministère compte lancer une campagne de « sensibilisation et de préservation » de nos îles. Une telle campagne coûtant de l’argent, des contributions symboliques respectives de Rs 10 et Rs 50 seront demandées aux Mauriciens et touristes visitant ce lieu hautement touristique.

À raison de mille visiteurs par jour – disons qu’ils sont aux trois quarts des touristes –, environ Rs 14,5 millions de revenus seront générés pour préserver l’île chaque année. La somme n’est en rien dérisoire.

Surtout quand on la compare à ce que l’État dépense actuellement. En 2011, la dotation budgétaire totale du ministère de l’Environnement pour « l’amélioration et la réhabilitation » des rivières, des plages, des réserves de montagnes et des 49 îles et îlots du pays s’élève à… Rs 51 millions.

L’on comprend vite comment et pourquoi la contribution « symbolique » envisagée par Bodha pourrait aider de manière tangible à mieux protéger et gérer l’île aux Cerfs et la mangrove avoisinante. L’on imagine aussi les retombées plus que positives de la généralisation d’une contribution à la préservation de l’environnement demandée à chaque Mauricien ou touriste visitant l’une de nos îles. Ce seront autant de millions récoltés. Pour autant d’oiseaux, de reptiles endémiques et de côtes protégés. Aussi, probablement des hectares de terres remis en l’état après avoir longtemps été des décharges à ciel ouvert et des latrines perdues au milieu de l’océan.

Si le bienfondé de la « contribution » souhaitée par Bodha ne fait aucun doute, l’argument économique avancé par les opérateurs touristiques, et notamment l’île- aux- Cerfs Pleasure Craft Association , tient diffi cilement la route. Les propriétaires de bateau se sont en effet empressés de décréter que l’initiative du ministère du Tourisme allait rebuter les touristes et Mauriciens pour qui le trajet deviendra du jour au lendemain exorbitant. L’argument est creux. Car Rs 10 d’augmentation sur un trajet qui coûte Rs 250 minimum pour un Mauricien et le double pour un touriste… constituent des fl uctuations minimes.

C’est pourquoi nous ne pouvons comprendre la volte- face de Nando Bodha. Aussi bien sur le terrain économique qu’écologique, son initiative tenait la route. Alors pourquoi avoir cédé ? Par peur de mettre en place une mesure jugée potentiellement « impopulaire » à l’approche du 1 er Mai ? Parce que les propriétaires de bateaux ont eu recours à des parrains politiques en haut lieu ? Ou alors parce que le ministre Bodha croit les Mauriciens et les touristes insensibles à la cause écologique au point de refuser de faire un petit effort pour la préservation de l’environnement ? C’est forcément pour l’une de ces trois raisons que Bodha a dévié. Il a eu tort. Monsieur le ministre, quand une décision est bonne et que vous la savez justifi ée, persévérez. Faites payer !