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Fermer le jeu
La nouvelle position formulée lundi dernier par Paul Bérenger sur Radio Plus et consistant à ne contempler désormais une éventuelle alliance MMM-MSM qu’avec « la participation de sir Anerood Jugnauth » en personne introduit dans la situation politique mauricienne déjà trouble un autre élément de perturbation potentielle.
La manoeuvre du leader de l’opposition est, en effet, pernicieuse à plus d’un titre :
1. Elle compromet consciemment le président de la République et entraîne celui-ci encore davantage (peut-être même contre son gré) dans le tourbillon des polémiques et positionnements, renforçant la pression sur sir Anerood pour qu’il se déclare en dissidence ouverte avec le régime et déstabilise ainsi davantage le Dr Ramgoolam.
2. Elle décrédibilise un peu plus l’institution de la présidence en accréditant la thèse que le Réduit, symbole de l’unité de la nation, est susceptible d’abriter des tractations électorales et serait devenu une pièce essentielle du « power game » politique.
3. Elle accentue également, devant l’opinion, la perception que Paul Bérenger ne juge comme ses pairs et interlocuteurs privilégiés que sir Anerood Jugnauth et le Dr Navin Ramgoolam et non le leader en titre du MSM, qui, estime Bérenger, ne joue pas vraiment dans la même ligue que lui. C’est là – quoi qu’en dise le MSM pour dissimuler son embarras – une forme d’humiliation publique pour Pravind Jugnauth et un rappel discret que si le MMM a choisi de passer l’éponge sur les multiples affronts faits par Pravind Jugnauth à son leader dans l’euphorie de l’alliance MSM-PTr, Bérenger n’a pas pour autant oublié.
4. Enfin, l’exigence de Paul Bérenger de traiter avec sir Anerood n’est peut-être pas étrangère aux développements dans l’affaire maintenue en Cour contre Pravind Jugnauth pour confl it d’intérêts. Elle soulignerait ainsi une autre évidence : Que le leader du MSM est sans doute, avec cette affaire, sinon mis hors circuit politiquement, du moins singulièrement restreint dans ses manoeuvres pour plusieurs mois encore, avec un avenir incertain.
Le MMM pourrait donc ne pas vouloir prendre trop de risques avec lui. Tout aussi surprenante, pourtant, est l’acceptation, pratiquement immédiate, par le MSM de la nouvelle exigence du MMM sur SAJ. Aveu de faiblesse de sa direction, ayant jugé ses options limitées ? Occasion inespérée pour le MSM de négocier à 50/50 une répartition de postes que le MMM hier jugeait « difficile » ? Souci de conserver son électorat mobilisé autour d’une perspective de partage du pouvoir ? Ou tentative de ne pas laisser « s’échapper » un MMM qui aurait des états d’âme ?
Le MSM, en tout cas, ne prend pas beaucoup de risques en confirmant son acceptation rapide de la « clause SAJ » d’un accord. Car, d’une part, SAJ demeure libre de ses décisions et pourrait changer d’idée, et dans ce cas le MSM aurait gagné du temps.
D’autre part, en liant la venue hypothétique de SAJ à « la mise en minorité prochaine du gouvernement » alors que le Premier ministre continue à gouverner avec autorité, le MSM renvoie effectivement tout accord aux calendes grecques.
Mais la manoeuvre de Paul Bérenger de forcer la main à sir Anerood pourrait peut-être cacher des calculs encore plus subtils. Il n’est, en effet, pas impossible que Paul Bérenger – en « lâchant » Pravind Jugnauth au profi t de son père – soit en réalité en train de se désengager un peu plus d’un rapprochement MMM-MSM, car le leader MMM en réalité saurait déjà pertinemment bien que SAJ ne reviendra pas en politique et que la question du remake de 2000, dans ces circonstances, ne se poserait donc pas. Si cela se vérifi ait, ce désengagement ne pourrait se faire qu’au profit d’un réchauffement des rapports entre Bérenger et Navin Ramgoolam, que les propositions de réforme électorale Carcassonne accréditent aujourd’hui un peu plus.
Ce désengagement pourrait, en effet, partir d’une conviction nouvelle du MMM à l’effet que, malgré ses accès de nervosité contenue, sir Anerood n’aurait fi nalement aucune intention réelle d’abandonner le Réduit et son statut de chef d’Etat pour, à 81 ans, réintégrer l’arène politique.
L’approbation quasi-instantanée du nouveau, Local Government Act par sir Anerood a été une douche froide pour les partis d’opposition et un singulier embarras pour Paul Bérenger, qui annonçait prématurément le rejet possible de la loi par le président. Les bruits de réserves de la famille immédiate de sir Anerood sur son retour en politique ou des confidences de SAJ peuvent avoir convaincu Paul Bérenger qu’il est peut-être en train de trop parier sur un champion qui ne veut pas vraiment participer à l’épreuve.
Comme d’habitude pourtant, Bérenger choisit de ne fermer aucune porte, de n’exclure aucune option. Le leader de l’opposition adopte, en effet, depuis peu, des méthodes ramgoolamiennes : dissimulation, ruse, double langage et charme tous azimuts, en ne laissant plus entrevoir ses intentions réelles.
En tirant SAJ dans le jeu et en fermant celui-ci à seulement trois joueurs, son dernier message au pays est pourtant on ne peut plus clair : « Navin, Paul and SAJ are the numbers. The others are decimal figures ».
Paul Bérenger ne respecte que la force. Et n’additionne que les nombres.
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