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Fortunes menacées

10 novembre 2010, 08:46

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C’est une décision de justice qui devrait intéresser les Mauriciens, même si elle intervient en France. Dans un arrêt qu’elle a rendu hier, la Cour de cassation de Paris a donné son feu vert à une enquête visant le mode d’acquisition, en France, par trois chefs d’Etat africains d’un imposant patrimoine composé notamment d’immeubles et de voitures de luxe.

Le journal Le Monde estime que ce jugement autorise une ONG telle que «Transparency International» à mettre en cause les biens mal acquis en France par des potentats de toutes origines. Par conséquent, les politiciens mauriciens – actifs ou à la retraite – qui ont investi en France pourraient se sentir directement menacés, mais ce n’est pas notre propos. Il s’agit ici d’attirer l’attention sur l’urgence d’une révision de la «Prevention of Corruption Act» (PoCA).

A Maurice, la loi n’autorise pas la commission anti-corruption à ouvrir une enquête sur ceux qui affichent des richesses en disproportion avec leurs revenus déclarés. La décision française vise d’abord deux Gabonais et un Congolais. «Transparency International» avait porté plainte contre eux pour «recel de détournement de fonds publics». L’ONG considère que les biens qu’ils ont acquis en France l’ont été avec de l’argent public détourné. Sa plainte est désormais jugée recevable par la justice.

L’évolution du droit dans les démocraties de référence devrait nous inspirer et pousser nos législateurs à repenser la loi anti-corruption. La PoCA ne donne pas à la commission anti-corruption, l’ICAC, le pouvoir d’enquêter sur l’enrichissement illicite des politiciens ou fonctionnaires présumés corrompus. Il faut absolument que la commission réunisse les preuves de la transaction alléguée entre le corrupteur et le corrompu avant d’intenter des poursuites. Donc, une richesse, même si elle est étalée de manière ostentatoire, ne peut donner lieu à une enquête.

L’ICAC ne peut mener une investigation sur la provenance des fortunes suspectes. Aussi longtemps que cette disposition légale ne change pas, les corrompus n’ont même pas besoin de dissimuler leur magot dans des banques suisses.

Un ministre qui a encaissé des commissions ou un fonctionnaire qui a l’habitude de monnayer son pouvoir discrétionnaire n’a rien à craindre de l’ICAC si l’acte de délinquance ne peut être établi en cour. Car, si un vérifi cateur du centre de la NTA, un inspecteur sanitaire ou un douanier par exemple, possède plusieurs biens immobiliers de grande valeur et des voitures de luxe, cela ne suffit pas, aux yeux de la loi, pour ouvrir une enquête contre lui. Le comité de l’ICAC chargé de réfléchir sur les amendements à apporter au PoCA ne s’en soucie pourtant pas.

La MRA peut donner quelques leçons à l’ICAC. Elle a traqué avec le succès qu’on connaît quelques délinquants notoires.