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Hero of the day

5 mai 2013, 15:10

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Hero of the day

«They’re off to find the hero of the day, but what if they should fall by someone’s wicked way,» dit la chanson. Ayant vécu deux drames nationaux en l’espace d’un mois, les mauriciens semblent à la recherche d’espoir sous une forme ou une autre. L’une des manières universelles d’y arriver est de se trouver un ou des héros nationaux.

 



Ceux-ci, en temps de détresse et de doute, permettent à chacun de conserver une part de confiance dans le pays et ses habitants. Il y a un mois, à la suite des tragiques inondations du 30 mars, c’étaient les plongeurs du Groupe d’intervention de la police mauricienne qui étaient devenus des héros nationaux. Appréciés pour les interminables heures d’efforts qu’ils avaient fournies pour retrouver les personnes noyées lors du Samedi Noir.

 




Depuis vendredi, c’est Ganesh Deepchand, le chauffeur de l’autobus 4263 AG 07 de la Compagnie Nationale de Transport (CNT), qui a sans conteste accédé au statut de héros national. Ce matin là, en découvrant que les freins de son véhicule avaient lâché, il savait que ses passagers et lui courraient au devant d’un danger de mort. Il a néanmoins pris les bonnes décisions.

 



D’abord celle de demander à ceux qu’il transportait de se diriger à l’arrière du bus. Sans doute pour éviter des pertes humaines dans l’éventualité d’un choc frontal. Ensuite, le choix de délaisser l’autoroute – afin de ne pas percuter les dizaines de véhicules qui se trouvaient sur son passage – pour emprunter la ring road moins fréquentée de Sorèze. Ganesh Deepchand savait probablement que le virage abrupt, pris à vitesse élevée, allait faire se retourner son bus. Mais il est allé au bout de sa logique de mettre le moins de vies en danger et en a payé le prix fort : celui de sa vie. L’homme mérite d’être salué pour son sacrifice.

 



Le Mauricien lambda s’est également révélé être un héros ce jour là. Début avril, ce sont avec des bras chargés de vivres que les héros anonymes ont aidé ceux qui avaient tout perdu lors du Samedi Noir. Vendredi, ce sont ces mêmes anonymes - certains étaient infirmiers, d’autres sans la moindre notion des premiers soins - qui se sont improvisés auxiliaires médicaux pour aider les médecins urgentistes à Sorèze.

 



Au lieu du comportement chaotique habituel où chacun cherche à « aider », parfois n’importe comment les accidentés, les dizaines de mauriciens qui ont accouru sur les lieux de l’accident vendredi matin ont, semble-t-il, suivi à la lettre les instructions des urgentistes. Certains d’entre eux ont peut-être permis de sauver une vie en préparant une personne pour qu’elle reçoive un garrot au moment décisif. D’autres ont peut-être été la dernière présence humaine que des accidentés ont ressentie avant d’expirer. Ces héros anonymes là, méritent également notre respect.

 





Le respect et l’espoir pourraient toutefois être acquis autrement par le gouvernement. Accablées par les inondations du 30 mars, les familles sinistrées ont chaudement et publiquement remercié le Premier ministre pour les aides qu’elles ont reçues de l’Etat. Mais on ne peut occulter la dimension politicienne de chaque octroi de chèque. A grand renfort de couverture télévisée, les remises semblaient davantage relever du stratagème pour refaire l’image de Ramgoolam que pour aider les victimes de manière désintéressée.

 



Le Premier ministre a désormais une occasion de se racheter une conduite. Aucun « Act of God » ou alibi climatique ne peut être invoqué pour expliquer ou justifier le drame de Sorèze. C’est donc toute la chaîne de responsabilité à la CNT qui devra être analysée. Des responsables de l’institution - y compris les nominés politiques - ont une obligation de moyens, voire de résultats à faire en sorte que les bus de la compagnie soient en parfait état de marche au moment de prendre des passagers à leur bord. De toute évidence, cela n’a pas été le cas avec le bus 4263 AG 07.

 



Le Premier ministre et le ministre responsable des transports ne doivent donc pas seulement attendre qu’une éventuelle enquête judiciaire fasse la lumière sur les responsabilités engagées, notamment à la CNT. A travers les leviers administratifs dont ils disposent, ils doivent également démontrer dans les jours qui viennent comment ils comptent faire pour que les mauriciens grimpant dans un bus de la CNT ou de tout autre opérateur se sentent en sécurité lors de leurs trajets.

 



Ailleurs, dans les pays où les mots honneur, dignité et éthique ont toujours un sens, une ou des démissions auraient déjà été acceptées et perçues comme étant les prémices d’un ressaisissement des responsables politiques. Ça c’est ailleurs. Nos héros politiques locaux préfèrent encore le « wicked way ».