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Il est bien cool, le pompier
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Il est bien cool, le pompier

«It’s only a matter of time before the euro goes the way of the dodo. » Voilà un message qui semble être directement destiné aux Mauriciens. Il ne l’est pas. L’analyste américain Martin Denholm, qui fait cette prédiction, s’adresse aux investisseurs de la planète et il ne fait qu’émuler plusieurs éminents experts, de Volkner au Nobel Stiglitz. L’euro est menacé dans son existence même ; la crise est structurelle, profonde et durable. Et elle est contagieuse. Maurice n’y échappera pas. Les mesures à prendre sont connues. Il ne serait pas sage d’attendre béatement que les choses s’améliorent.
Les conséquences de cette nouvelle crise sont aujourd’hui mesurées : elle est née en Grèce, pays en quasi état de faillite en raison de son incapacité à honorer ses dettes. La crainte d’une contagion au reste de l’Europe, en particulier aux pays les plus endettés, l’Espagne et le Portugal, a entraîné une chute de la monnaie sur les Bourses européennes. La perspective d’un ralentissement de la croissance, voire d’une récession provoquée par la contraction des économies des pays les plus endettés de la zone euro a fait plonger les cours des matières premières. Personne ne table sur une stabilisation rapiden de la situation.
Les économistes sont pessimistes parce qu’ils savent que les problèmes qui ont provoqué la crise grecque et ses conséquences planétaires ne vont pas disparaître avec l’argent du plan de sauvetage de l’Union européenne et du Fonds monétaire international. Ce plan est une bouffée d’oxygène ; il empêche la faillite de l’Etat mais il ne redresse pas l’économie. L’euphorie suscitée par l’aide fi nancière a été d’ailleurs de courte durée. Pour s’attaquer à la source du problème, il va falloir, en Grèce même et ailleurs en Europe, une vigoureuse politique d’austérité visant à réduire l’endettement des Etats et à contrôler les défi cits budgétaires. Ce qui risque par ailleurs d’être un frein à la croissance.
Cette nouvelle donne - sur laquelle nous n’avons aucun contrôle - va peser lourdement sur l’économie mondiale. Partout, les gouvernements en sont à faire les comptes, y compris dans des pays où l’Europe n’est pas un partenaire privilégié.
Aux Etats-Unis, les institutions fi nancières s’affolent ; elles ont beaucoup prêté aux banques européennes qui ont elles-mêmes prêté aux Etats endettés. En Chine, le ministère du Commerce a fait remarquer que le yuan s’est apprécié d’environ 14,5 % par rapport à l’euro au cours des derniers mois, ce qui impute une pression de coût sur les exportations chinoises sur l’Europe. En Amérique latine, l’inquiétude est vive. ’investissement étranger dans la région provient, à 50 %, de l’Europe qui accueille près de 20 % de ses exportations.
Et à Maurice ?
Les retombées peuvent être dramatiques. L’Europe est l’un de nos principaux partenaires économiques, notre principal marché d’exportation, notre principale source d’investissement. J’estime que le secteur le plus directement et immédiatement menacé est l’industrie manufacturière. Sa position est intenable : elle importe ses fournitures en dollar, monnaie qui s’apprécie, et elle vend ses produits en euro déprécié. La crise lui fait perdre sa compétitivité sur un marché qui se rétrécit.
L’hôtellerie ne sera pas moins ébranlée. 80 % de nos visiteurs viennent de la zone euro et de l’île de la Réunion. Fragilisée par la crise du transport aérien et la baisse d’arrivéesau moment où se produit une augmentation de l’offre hôtelière, elle connaît déjà une baisse de profi tabilité ; beaucoup de groupes ayant « cassé » les prix pour garder la tête hors de l’eau. Si l’euro continue sa chute, ils vont en boire…
Dans l’industrie sucrière, planteurs petits et grands – peut être les petits aideront à sauver les grands – sont en transe. Passé un seuil, la parité euro-roupie deviendra un garrot.
Les secteurs émergents de l’économie mauricienne, tout aussi dépendants des marchés européens, ne sont pas moins affectés ; les centres d’appels sont menacés, de même que le « seafood hub » et l’offshore financier.
Pour faire face à la crise, il n’y a pas dix mille solutions. Chacun peut voir qu’il n’y en a que trois dans l’immédiat : une baisse du taux d’intérêt - et une baisse signifi cative, faute de quoi, elle n’aura pratiquement pas d’effet ; une dépréciation de la roupie (on peut ne pas prononcer le mot, il suffi t de faire la chose) ; et éventuellement un prolongement et un approfondissement des mécanismes du « Stimulus Package », puisque la marge de manoeuvre existe. A plus long terme, de sérieuses questions se posent toujours sur la compétitivité globale de nos entreprises d’exportation. Dans l’immédiat, il s’agit d’éteindre le feu, de l’empêcher de se propager. Je trouve le pompier bien cool…
Peut-être que l’idée de secourir ces sales patrons, à peine les élections finies, ne plaira pas au nouveau ministre des Finances, mais je ne vois pas comment il pourra, autrement, sauver les emplois de ses électeurs.
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