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Initiatives

18 juin 2012, 04:40

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Si le gouverneur Bheenick (avec sa fixation sur le combat anti-inflation), n’a pas toujours, dans le passé, convaincu le monde des affaires de la pertinence des choix de la Banque centrale quant à la priorité à accorder à la croissance économique, il faut pourtant admettre que ses récentes initiatives monétaires en faveur des exportateurs, affectés par l’évolution de la roupie, témoignent d’une volonté nouvelle d’équilibre, d’accommodement et d’écoute, d’un bon sens accru.

Le plan de soutien en devises étrangères aux exportateurs frappés par la crise de l’euro indique, en effet, une meilleure appréciation des risques réels de stagnation économique qui menacent à brève échéance. Mais il n’est que le premier pas sur un long chemin cahoteux. Les défis sont énormes, les dangers considérables. Plus que jamais, désormais, alors que le monde entre dans de nouvelles zones de turbulences, « cool heads must prevail » et la cohésion s’impose.

Peu à peu, Maurice se rapproche du pire scénario économique envisageable : un net ralentissement de nos perspectives de croissance (potentiellement à moins de 3 % par an pour les deux ou trois prochaines années); une insoutenable appréciation – 10 % en un an – de notre roupie face à l’euro (monnaie dans laquelle s’expriment 60 % de nos entrées en devises); une lente dépréciation parallèle vis-à-vis du dollar (utilisé pour l’essentiel de nos importations massives de produits étrangers) ; une perte de compétitivité graduelle de nos produits à l’exportation; une profitabilité réduite des entreprises en 2012 affectant leur capacité à investir dans les emplois de demain, des impôts réduits pour l’Etat, enfin les retombées persistantes d’un essoufflement mondial touchant même la Chine et l’Inde et impactant directement sur nos services (technologies de l’information et de la communication, finance, tourisme).

Ce cocktail est potentiellement explosif. Le gouffre qui menace de s’ouvrir sous nos pieds peut rendre caduques les avancées, péniblement acquises au fi l des années, et fragiliser durablement tout l’édifice. Bheenick jongle donc avec plusieurs impératifs :

- La Banque centrale est dans son rôle quand elle déclare vouloir mener une politique monétaire qui atténue l’inflation (ralentie à 5%), protège l’argent des épargnants et des retraités, tente de stabiliser le coût de la vie et défende nos réserves nationales. Cela suppose des mesures restrictives évidentes.

- En même temps, pourtant, la croissance continue présuppose

qu’on joue résolument et sans complexe la carte de l’argent moins cher, de la roupie plus faible, même au risque de laisser filer un peu l’inflation par l’assouplissement de la politique monétaire de manière à permettre aux entreprises de garder leurs produits compétitifs, d’augmenter leurs recettes en roupies pour continuer à investir, de créer et soutenir les emplois, de maintenir leur profitabilité afin de pouvoir consentir à des augmentations salariales régulières et ainsi garantir la stabilité sociale.

Les choix sont difficiles, autant économiquement que politiquement. Bheenick navigue pourtant aujourd’hui plus intelligemment face à Xavier

Duval qu’au temps de ses rapports difficiles avec Rama Sithanen. Il met de l’eau dans son vin, réconcilie davantage des contraires, cultive des alliés dans des camps par essence opposés. Il aura besoin, dans les mois qui viennent, de tous les soutiens qu’il pourra mobiliser. Son autorité et son indépendance augmentent à mesure que s’amplifient l’inertie et la paralysie politique au gouvernement.

Les choses ne bougent plus, en effet, aussi vite qu’auparavant à l’Hôtel du gouvernement. Le régime reste bloqué sur de pénibles et improductifs réflexes d’auto-défense, obsédé par le souci permanent de paraître, plus préoccupé à sauver politiquement sa peau qu’à mettre en place les politiques (souvent impopulaires) requises pour permettre au pays de mieux absorber les chocs économiques actuels.

Le troisième gouvernement Ramgoolam, après avoir initialement bien identifié les urgences, s’est – depuis la rupture – embourbé dans d’incessantes controverses publiques qui déconcentrent la nation.

Il semble avoir perdu, au plan économique, toute volonté réformatrice et graduellement abandonné les objectifs de réformes structurelles qui ont porté, six ans durant, l’élan mauricien face à la récession internationale. L’impression aujourd’hui est que des ressorts psychologiques sont brisés, qu’on ne gère plus que le quotidien des choses et que la volonté hier affichée par le tandem Ramgoolam-Sithanen de muscler le pays par d’audacieuses réformes s’est largement étiolée.

Xavier Duval se démène sans doute pour sauver l’essentiel et garder la barque à flot, mais le gouvernement semble ne plus être qu’en « survival mode », ayant quelque part perdu son chemin. Le régime improvise souvent, alors qu’il faudrait davantage de « creative thinking », d’imagination et de cohérence dans l’action d’ensemble, une diplomatie mieux adaptée, une politique sociale plus ciblée. En l’absence de celles-ci, s’installe peu à peu un immobilisme pernicieux, dangereux pour l’avenir.

La banque centrale assume, dans ce contexte, une responsabilité encore plus grande. Bheenick vient de donner au pays la preuve que de nombreuses mesures techniques peuvent encore venir soutenir l’économie et qu’elles ne doivent pas toutes être prises à l’Hôtel du gouvernement. Il ne doit pourtant pas se tromper lui-même: on tourne beaucoup autour du pot mais on n’y échappera pas. La croissance continue et la stabilité sociale à Maurice depuis quinze ans reposent sur une démarche essentielle: un lent mouvement à la baisse de la roupie. Discrètement, lentement, sans bruit, presque subrepticement, laisser glisser la roupie selon les besoins du moment.

Tout est dans la manière de le faire et dans le rythme imprimé au mouvement. Bheenick finira bien, aujourd’hui ou demain, par s’y résigner.

 

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