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Jeu de dupes
La politique mauricienne s’est emballée depuis la présentation du Budget 2014. Nos politiciens y ont trouvé une véritable aire de jeu pour des appels du pied et des règlements de comptes en tout genre. Les loyautés que l’on savait déjà fragiles commencent aussi à se préciser. Pourtant, le jeu de dupes entre les membres de l’Assemblée nationale n’a pas commencé avec le Budget 2014. Il a démarré bien avant avec des tractations en coulisses entre certains membres du gouvernement et de l’Opposition. Le Budget 2014 n’a fait que mettre en relief les grandes manoeuvres, pour ne pas dire les « mamours » politiques du moment.
C’est dans ce contexte que nous avons assisté, le soir même du Budget, à des attaques de l’Opposition contre le gouvernement tout en évitant de cibler directement le ministre des Finances, Xavier-Luc Duval. Alors que c’est lui qui a dévoilé les 300 mesures dans le cadre de la loi de finances 2014, l’Opposition insiste sur le fait que ce n’est pas son budget. Mieux, elle estime que Xavier-Luc Duval a réalisé cet exercice financier pour le compte du gouvernement sous la contrainte.
Pour étayer ses dires, le leader de l’Opposition est allé même jusqu’à décrypter le body language du Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam, et de son partenaire du PMSD, Xavier-Luc Duval, le jour du discours du Budget. Tandis que Kee Chong Li Kwong Wing, porte-parole économique du MMM à l’Assemblée nationale, a découvert qu’au lieu de «Budget du ministère des Finances», il était écrit « Budget du gouvernement » sur le dossier que Xavier-Luc Duval tenait entre ses mains, le vendredi 8 novembre.
Face aux acrobaties de l’Opposition pour éviter de froisser Xavier-Luc Duval, le gouvernement a tenté de réagir. D’abord par l’entremise de la députée Nita Deerpalsing qui, dans sa réplique à Kee Chong Li Kwong Wing, a jugé bon de « féliciter chaleureusement son ami et son colistier, Xavier-Luc Duval, pour le Budget qui est another building block pour une île Maurice pour tous». La démarche visant à convaincre, d’une part, et de rassurer, de l’autre, en dit long sur l’état d’esprit, que ce soit du côté de la majorité ou de l’Opposition à moins de deux ans de la prochaine échéance électorale. Bien que nous ne l’ayons pas beaucoup entendu depuis les fameux discours sur les béquilles et les Judas, le Premier ministre est aux premières loges pour assister à ces opérations de séduction. D’ailleurs, lui-même en connaît un rayon, ayant renforcé sa majorité grâce aux élus du MSM lorsque ce parti avait claqué la porte du gouvernement.
Toutefois, ses tentatives pour un rapprochement avec le MMM n’ayant pas abouti jusqu’à présent, cela ne veut nullement dire qu’il a abandonné l’idée. Il reviendra sans nul doute à la charge au moyen de son joker, la réforme électorale, s’il sent réellement planer le danger. C’est à dire se retrouver en minorité. En attendant d’y voir plus clair dans les intentions de Xavier-Luc Duval et de savoir s’il franchira le Rubicon ou si ce n’était qu’une manoeuvre savamment orchestrée afin de se mettre à l’abri des critiques de l’Opposition, l’opinion publique commence à s’interroger.
Le Premier ministre qui dispose, à travers notre système de gouvernement, de deux leviers d’autorité, à savoir le privilège de nommer et de révoquer ses ministres et la décision d’appeler le pays aux urnes, va-t-il démontrer qu’il contrôle toujours le jeu ? Ou du moins a-t-il les moyens d’exercer cette autorité avec l’apparition de fissures dans le bloc de la majorité, comme en témoignent les discours de certains élus de son propre camp ?
Fidèle à son habitude, Navin Ramgoolam peut également chercher à gagner du temps. Un moyen qu’il a toujours privilégié en temps d’incertitudes, mais en l’état actuel des choses, il court le risque de laisser s’installer la perception qu’il n’a plus les cartes en main. En tout cas, ce troisième mandat se révèle définitivement des plus éprouvants pour le chef du gouvernement.
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