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L’économie électorale
Toucherons-nous le jackpot ? Le dernier budget d’un gouvernement est souvent synonyme de largesses et de cadeaux divers. Tous susceptibles d’aider le bon peuple à réaliser que le gouvernement sortant tient à son bien-être. Et que le pouvoir en place mérite donc d’être réélu. Le budget que Rama Sithanen, le ministre des Finances, présente le 18 novembre obéit aux impératifs des « electoral economics ». L’enjeu, c’est l’installation d’un sentiment de bien-être national qui permettra à l’équipe de Navin Ramgoolam de se faire réélire le plus confortablement possible.
Rama Sithanen dira toutefois que le gouvernement n’a pas à avoir recours à un budget généreux pour remporter les élections. Car il pense que l’électorat saura apprécier les résultats de l’action gouvernementale dans divers domaines. Selon Sithanen, les réformes et la bonne gestion économique en temps de crise ont permis au pays de connaître une croissance économique tout à fait respectable (2,7 %) dans un contexte difficile. Une performance économique saluée par nos bailleurs de fond internationaux. Mais nos bailleurs de fonds ne votent pas… Et les points de croissance laissent finalement assez indifférent le citoyen lambda !
On en revient donc à l’économie électorale et à ses cycles. Notamment la séquence 3/2 des mandats de 5 ans. Marqués par 3 premières années d’austérité suivies de 2 années de générosité. Des travaux d’universitaires ont parfois eu tendance à démontrer que l’économie électorale et le cycle des budgets politiques sont surtout l’apanage de « nouvelles démocraties. » Les chercheurs soulignent même que l’économie électorale peut ne pas produire les résultats escomptés pour les gouvernements sortants.
Malgré tout, la tentation reste forte. Les dirigeants politiques de grandes – et vielles - démocraties cèdent également. Ainsi George W. Bush et Richard Nixon sont tous deux connus pour avoir fait flamber les dépenses sociales dans le but de s’attirer les faveurs de l’électorat vers la fin de leur mandat. Le Chancelier de l’échiquier anglais, Kenneth Clarke, avait, lui, consenti à d’importants allégements fiscaux. Ce qui n’avait pas empêché l’arrivée au pouvoir de Tony Blair en 1997. La question est donc posée. Ramgoolam et Sithanen vont-ils céder à la tentation ?
Pour le moment, il semble que Sithanen ne soit pas en train de pencher pour une grande opération fer labous dou. Le Premier ministre et ses autres camarades du cabinet ne semblent pas non plus faire pression pour que Sithanen aille dans ce sens. Il y a deux explications à ce calme apparent
à la veille du dernier budget de ce gouvernement.
Premièrement, cette apparente sérénité traduit la confiance qui y règne. En effet, bien de ministres, et sans doute le Premier ministre lui-même, sont convaincus que les prochaines élections sont tout à fait gagnables. Moyennant plus de présence sur le terrain une habile mise en valeur du
bilan du gouvernement. Mais aussi un travail de sape méthodique envers l’opposition désunie. Qui souffre d’un déficit d’image auprès de la population qui ne semble pas vouloir la considérer comme une alternative crédible à l’équipe en place.
Ensuite, il se pourrait en fait que le gouvernement ait déjà élaboré son calendrier pour marquer les esprits à l’approche des élections générales. C’est Rama Sithanen qui en a luimême donné l’indication. Il faut prendre la mesure de ce que le ministre des Finances entend par
« investissements massifs » dans les infrastructures. Nous arrivons en effet à ce moment crucial où certains chantiers sont sur le point d’être complétés, alors que d’autres – annoncés depuis des années - démarrent en grande pompe.
Si nous prenons pour postulat que les élections auront lieu mi-2010, il y a fort à parier que les six mois à venir seront tous dévolus à une « opération inauguration » sans précédent. En effet, les travaux d’infrastructure en cours ou à venir concernent des secteurs emblématiques : routes, eau, télécoms, éducation et santé. Le citoyen lambda a tendance à scruter les avancées dans ces domaines. Afin d’évaluer leur influence sur sa vie et celle de ses proches. C’est sur la base de ce raisonnement que certains gouvernements obtiennent le précieux label populaire : « Zot finn devlop pey la. » C’est ce label qui a assuré les succès électoraux d’Anerood
Jugnauth.
Reste maintenant au gouvernement à obtenir le même label. Pour cela, il ne faut pas trop compter sur Sithanen. Il est excellent technicien mais mauvais communiquant. Son langage inaccessible aux non-initiés l’empêche souvent de pouvoir bien expliquer la portée populaire de certaines de ses
mesures budgétaires. L’obtention du label ne passera donc probablement pas par lui. Mais par Dan Callikan ! L’ancien conseiller de Ramgoolam, maintenant aux commandes de la MBC, sera de facto le grand ordonnateur de l’immense opération de communication. Qui visera à traduire en mots, en images et en ressenti toutes les mesures annoncées par Sithanen. D’ici les prochaines élections, des centaines de reportages vanteront les bienfaits de tel ou tel projet initié ici ou là. Des dizaines de personnes seront interviewées. Toutes diront combien l’action du gouvernement est favorable à eux, à leurs enfants ou à leur voisinage. L’économie électorale est bien vivante. Elle est en marche. Pour la voir, branchez-vous sur la MBC !
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